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Les Livres

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

J’aime le mot homme et sa distance, Florence Pazzottu, éd. Lanskine, février 2020, 200 pages, 18 €

Poésie et narration

Il devient vite évident, à la lecture du dernier livre de Florence Pazzottu, que sa vision est double. Il s’agit, je crois très nettement, de faire un poème et de faire un récit de soi. Narrer sa personne, et à partir de cette dernière, englober la réalité saillante de l’autrice prise à la fois dans son existence et son écriture. Cette écriture oscille entre poésie et chronique, ou plutôt se défait de son geste au sein de sa rédaction. Elle raconte tout autant qu’elle exerce une langue, disons, chantée – pour décrire ce mouvement qui appartient aux vers. On ne quitte pas le fond des scènes qui occupent la poétesse.

Ainsi, son texte complète mieux sa personne, l’explique, la justifie, l’organise, la rend dialectique. Là est l’occasion de décrire, un peu à la Rohmer, 45 épisodes des amours compliquées d’une femme – sans doute l’écrivaine mais dépeinte en fragments – qui transitent par des SMS, lesquels se transforment en annales savantes, ou pour aborder ailleurs dans le recueil les traumatismes d’une petite fille – que l’on devine comme celle de l’enfance de Florence Pazzottu – où tout se ferme sur une expression double.

Le Temps et le fleuve, Thomas Wolfe (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 10 Juillet 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, L'Âge d'Homme

Le Temps et le fleuve (1935), trad. USA Camille Laurent, 782 pages . Ecrivain(s): Thomas Wolfe Edition: L'Âge d'Homme

 

Ce livre est un fleuve, un fleuve en crue qui déborde de partout. Pendant près de 800 pages, son cours ne s’interrompt jamais et la pression du courant ne se relâche pas sur le lecteur. Thomas Wolfe donne l’impression que c’est lui-même qui n’est pas capable d’endiguer le flot de mots qui le submerge. Et pourtant quelle maîtrise. Il déverse des longues phrases, comme s’il voulait rendre compte du réel dans ses moindres détails. Chaque rencontre avec un personnage est le prétexte à dresser un portrait qui s’étend sur trois, quatre, cinq pages, voire plus. Et quels personnages ! A l’instar de ce père tailleur de pierres atteint d’un cancer, mais qui ne meurt pas, ou du truculent oncle, un prédicateur, qui est aussi érudit qu’il a l’air fou.

Tous les lieux sont décrits avec minutie, comme s’il fallait les assécher, qu’il n’existe plus aucune autre possibilité de les saisir. On en fait un tour si complet qu’il ne reste plus rien à dire. On sait tout, on visualise tout, sous tous les angles possibles. De même, une conversation peut s’étendre sur des pages et des pages, comme s’il fallait rapporter tout ce qui a été échangé.

L’usurpateur, Jørn Lier Horst (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 10 Juillet 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Folio (Gallimard)

L’usurpateur, Jørn Lier Horst, février 2020, trad. norvégien, Céline Roman-Monnier, 346 pages, 8,49 € Edition: Folio (Gallimard)

 

À l’approche de noël, William Wisting, le commissaire de police de Larvik, et son équipe (Espen Mortensen (police scientifique), Nils Hammer, Torunn Borg, Benjamin Fjeld, Christine Thiis (substitut du procureur), se retrouvent à enquêter sur deux morts découverts dans la petite ville de Stavern au sud-est de la Norvège. Ces deux personnes sont décédées depuis quatre mois. L’une, Viggo Hansen, qui habitait à deux pas de la maison de Wisting est retrouvée momifiée, la peau desséchée, chez elle devant sa télévision allumée. L’autre en cours de décomposition, à moitié dévorée, gisait près du Lac Farris dans une sapinière où elle a été trouvée par des personnes venant couper un sapin pour noël.

Line, la fille de Wisting, journaliste, est très émue par le sort de la première personne, morte dans la solitude oubliée du voisinage, à quelques maisons de chez elle, et décide de faire une enquête à connotation sociologique sur les personnes seules, pour le quotidien VG (Verdens Gang).

Hortari, Marie-Alice Harel (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 10 Juillet 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse

Hortari, Marie-Alice Harel, éditions Cipango, octobre 2019, 48 pages, 18 €

 

Fantaisie

Marie-Alice Harel est titulaire d’un doctorat en géosciences, et depuis 2018 enseigne le dessin et l’illustration à la Edinburgh Drawing School. Elle a écrit et illustré l’album jeunesse qu’elle intitule Hortari (du latin hortor : stimuler, exhorter à), où elle relate des récits d’explorateurs oubliés au moyen d’un bestiaire fabuleux.

Un animal extraordinaire mi-écureuil mi-belette, chapeauté avec plume, ressemblant au chat du Cheshire, s’élance sur des branches fleuries. Ce bel animal orne une couverture prune, au format 21,5 x 28,5 cm. Poursuivant cette découverte, l’auteure nous entraîne dans une galaxie fantaisiste pour se plonger dans les quinze aventures réalisées par des explorateurs, utopistes et fous obstinés. Les thèmes des quêtes sont savants, empruntés à des mythes, certains de l’Inde, de la Chine, d’autres issus de la philosophie antique.

La Fin de Bartleby, Thierry Bouchard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 09 Juillet 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Fin de Bartleby, Thierry Bouchard, Éditions Fario, février 2020, 147 pages, 16 €

 

« Je recopiais avec une intense application, une patience on ne peut plus active, une précision scrupuleuse des passages de mes lectures dans de grands carnets de notes couverts, bien entendu, de moleskine noire, comme s’il me fallait ensuite les collationner avec d’autres versions du même texte » (La Fin de Bartleby).

La Fin de Bartleby prouve, s’il en était besoin, que Bartleby de Herman Melville continue d’inspirer, d’aspirer, comme Moby Dick, lecteurs et écrivains. Dans cet étrange roman à la langue précise et volage, le narrateur vit en lecteur et en écrivain, sans contraintes et sans entraves, dans le calme, le silence et la solitude, sa zone de confort. Contrairement au scribe Bartleby, il lit beaucoup, entouré de livres protégés des offenses du temps, par du papier cristal – Ils bruissaient quand je les ouvrais avant de parler leur propre langue…