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Les Livres

Migrants, Issa Watanabe (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse, La Joie de lire

Migrants, Issa Watanabe, février 2020, 40 pages, 15,90 € Edition: La Joie de lire

 

Radeaux

Sur la couverture de cet appétant album-jeunesse de format carré (le nombre parfait, 23 x 23 cm), Issa Watanabe ose la couleur noire pour peindre un fond paysager, une encre charbonneuse sans perspective, un gouffre où se profilent quelques branches hivernales vert sombre. Une colonne de personnages à tête d’animaux, revêtus de textiles bigarrés, semblent abattus, résignés. L’appellation de l’ouvrage, Migrants, la représentation anthropomorphisée des animaux, indiquent la portée dramatique du récit, l’ampleur d’un problème qui nous touche particulièrement.

La mort, emmitouflée d’un châle fleuri, chevauche un ibis géant bleu indigo, au bec et aux pattes rouge sang. Cette redoutable voyageuse descend de sa monture pour suivre, cachée derrière les maigres troncs d’arbres, la file des migrants. Les migrations sont communes aux populations humaines et animales, occasionnant des déplacements en groupe. Les périples des animaux sont entrepris périodiquement vers des directions déterminées, pour les oiseaux, les criquets.

Pussyboy, Patrick Autréaux (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Pussyboy, Patrick Autréaux, éditions Verdier, mars 2021, 128 pages, 14 €

 

En regardant la photo du bandeau qui entoure la couverture du livre de Patrick Autréaux, Pussyboy, le lecteur qui s’attend à découvrir un roman pornographique sera étonné de ne pas s’y reconnaître. Le libertin esthète, qui compte discerner dans ce récit un livre érotique qu’on conserve précieusement à l’abri pour quelques privilégiés et qu’on dévoile comme un trésor précieux, sera déconcerté.

Certes, il y a bien dans ce roman une intrigue. Le narrateur de ce récit nous introduit dans une rencontre hasardeuse entre deux garçons qu’au départ tout oppose et que rien ne laissait prévoir. Toute l’histoire se déroule dans un huis-clos, « une grotte », soigneusement entretenu, qui préserve les deux partenaires de toute intrusion intempestive. Elle risquerait de détruire leur intimité. Quand l’extérieur intervient, c’est pour que l’un des deux retrouve un espace de respiration, une échappée vive qui permet au narrateur d’accepter d’autant mieux le retour vers ce qui l’attire comme un aimant. Dans une chorégraphie savante, le narrateur s’érige en maître de ballet. Son danseur étoile, Zakaria, porte un prénom, qui évoque l’ailleurs, le lointain, le différent.

La Maison du Belge, Isabelle Bielecki (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 01 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Maison du Belge, éditions MEO, février 2021, 232 pages, 18 € . Ecrivain(s): Isabelle Bielecki

 

Marina, la confidente, détient les clés du mystère d’Elisabeth du fait même de l’écoute car c’est grâce à elle qu’elle ne renoncera ni à écrire son histoire personnelle, ni à la poésie, importante pour cette slave aux origines russes lointaines mais prenantes, quand son amant, Ludo, l’invite en week-end à Moscou, conditionnée, in fine dans une sorte de faux bonheur entretenu comparativement à une enfance très négative : « Tout le week-end, je poursuis ma reconquête. Au bois oui, je vis enfin une enfance heureuse, aux côtés d’un adulte bienveillant, inconsciente de ma métamorphose ». De la même façon, il y a ainsi cette retenue par rapport à la douleur d’enfance : « Il est hors de question de ternir mon image de conquérante en confessant un statut d’enfant martyr ».

Ces éléments ayant trait à l’enfance s’avéreront en effet prépondérants pour le roman en vue d’écriture avec, en parallèle, un carnet confident dans lequel Elisabeth trace le sillage du vécu en cours. La prouesse de l’auteur consistera à mener ensemble le carnet, le roman et l’explication conceptuelle d’un roman précédent d’Isabelle Bielecki, Les mots de Russie.

Noir diadème, Gilles Sebhan (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 01 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Le Rouergue

Noir diadème, Gilles Sebhan, janvier 2021, 192 pages, 18 € Edition: Le Rouergue

 

Gilles Sebhan, à cinquante-quatre ans, est l’auteur d’une œuvre variée, déjà importante et, osons le dire (les écrivains français contemporains méritant ce qualificatif ne sont pas si nombreux), inconfortable – comme en témoignent ses essais biographiques sur Genet (Domodossola, le suicide de Jean Genet, Denoël, 2010), Mandelbaum, et surtout Duvert à qui il a consacré deux livres (Tony Duvert, l’enfant silencieux, Denoël, 2010, et Retour à Duvert, Le Dilettante, 2015). Il a raconté dans un récit prenant son séjour en Egypte après la chute de Moubarak : si on met en parallèle sa Semaine des martyrs (Les Impressions nouvelles, 2016) et les Rêveurs d’Alain Blottière (Gallimard, 2012), on a une fine compréhension des déceptions et trahisons postrévolutionnaires sur l’autre rive de la Méditerranée. Salamandre (Le Dilettante, 2014), dont l’action se déroule dans le milieu des sex-shops parisiens et de la prostitution masculine, ne peut pas non plus laisser indifférent.

Noir diadème est un polar, le quatrième volume d’une tétralogie – pour l’instant – ayant pour titre général Le Royaume des insensés (ce titre s’éclaire peut-être dans une phrase du dernier chapitre) où réapparaît le personnage du lieutenant de police Dapper, flic scrupuleux mais sans ambitions de carrière à la vie personnelle tourmentée, c’est le moins qu’on puisse dire – mais il faut lire le cycle dans son ensemble pour le saisir.

L’intime dense, Pascal Boulanger et Mais le Merle n’a aucun message, Lambert Schlechter (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 01 Avril 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

L’intime dense, Pascal Boulanger, Editions du Cygne, janvier 2021, 50 pages, 10 €

Mais le Merle n’a aucun message, Lambert Schlechter, Editions Phi, novembre 2020, ill. Lysiane Schlechter, 103 pages, 22 €

 

« Qui dans le lointain / devient reconnaissable / sinon celle dont les baisers / sont comme des reflets du ciel ? / Là où le vent léger, quelques nuages, / adoucissent celui qui marche ; / l’agréable de ce monde / quand veille celle au souffle qui se penche / sur l’arc de vie / en bleu l’école de ses yeux » (Pascal Boulanger).

 

« ne pas chercher ne plus chercher / laisser faire laisser voir /

qui cherche ne trouve pas / qui trouve ne cherche plus /

la feuille qui tombe / est une feuille qui tombe /

un cœur qui bat / va s’arrêter de battre /

savoure la merveille de l’instant » (Lambert Schlechter)