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Les Livres

Folklore, Charles Duttine (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Lundi, 03 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Folklore, Charles Duttine, La P’tite Hélène éditions, 2017, 202 pages, 18 €

 

Le mot anglais « folklore » désigne « l’ensemble des productions collectives émanant d’un peuple et se transmettant d’une génération à l’autre par la voie orale et par l’imitation ». Charles Duttine en élargit le sens et montre que son Folklore à lui n’a rien de folklorique. Son recueil de nouvelles est une illustration du dynamisme de la psyché et de sa pérennité empreinte de mystères. Enseignant en lettres et en philosophie, il semble avertir une fois pour toutes ses élèves que les mythes et les légendes qu’on dit d’un autre âge sont beaucoup plus présents qu’ils ne le pensent. Les archétypes comme Orphée, Eurydice, Médée, Narcisse, le Léviathan, Ariane, Thésée, Pygmalion, vivent parmi nous, avec toute la panoplie des nymphes et des satyres lubriques. Ils rôdent au pied des tours et des barres des cités de banlieue et défraient les chroniques dans les quartiers bourgeois de la capitale. Les monstres des croyances archaïques sont là où l’on les soupçonne le moins, bien tapis en nous, et ils rejaillissent de nos entrailles au moindre craquellement du vernis de la convenance. Le tour de force des treize nouvelles de Folklore le montre, preuves à l’appui.

Hormis la joie, Pierre Andreani (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Mai 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Hormis la joie, Pierre Andreani, éd. Sous le Sceau du Tabellion, février 2021, 96 pages, 13 €

 

Fouillement

Mon travail critique a le mérite de me faire ressentir de la joie et bien souvent de la curiosité pour des textes nouveaux qui me parviennent. C’est le cas ici avec ce livre de Pierre Andreani, où la difficulté non pas de trouver une clé dans ce mystère, mais un surcroît d’intensité en découvrant la personne, le poète derrière ses lignes, est devenue au cours de ma lecture justement cette clef-là que je cherchais. Ainsi, je crois avoir compris où la signification rationnelle venait buter, grâce à une expérience de la langue profonde et énigmatique. Cette double compréhension – moi lisant un texte feuilleté par un divorce entre l’épithète et son explication – s’est révélée une gymnastique dans laquelle ce qui est intervallaire a plus de poids que la réalité des sens, que la teneur intellectuelle des définitions et des sèmes.

Amu Sönèya, Bernard Bretonnière, Centre de Créations pour l’Enfance de Tinqueux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 30 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Jeunesse

Amu Sönèya, Bernard Bretonnière, Centre de Créations pour l’Enfance de Tinqueux, Coll. Petit VA, février 2021, 56 pages, 5 €

 

Très belles illustrations en noir et blanc grisé.

Sous le titre Amu Sönèya, il faut comprendre l’expression soussou « C’est pas facile ». Chaque poème de ce livre à spirales se clôt par « C’est pas facile », euphémisme, certes. La situation est catastrophique pour chaque migrant. Le poète, sensibilisé au sort des populations subsahariennes, demandeurs d’asile, réfugiés, consacre son livre à cette condition d’humains oubliés en plein XXIe siècle. Cette radiographie au plus près des circonstances vécues par ces femmes, hommes, enfants en quête de paix et de sécurité, découvre le pan immense du problème : exil, traversée des déserts, passage ardu des frontières, faim, hébergement dérisoire, quête impossible de papiers, obstacles des administrations, racisme, rejet, acculturation, violence, etc.

Confusion, La saga des Cazalet, tome III, Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 30 Avril 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Confusion, La saga des Cazalet, tome III, Elizabeth Jane Howard, La Table Ronde, Quai Voltaire, mars 2021, trad. anglais, Anouk Neuhoff, 512 pages, 23 €

Confusion est le troisième tome de La saga des Cazalet, après Étés anglais et À rude épreuve, d’Elizabeth Jane Howard (1923-2014). Polly et Clary Cazalet, les deux cousines, ont maintenant 17 ans. Polly (fille de Hugh Cazalet) affronte la mort de sa mère, Sybil Veronica. Durant cette période de guerre mondiale, de 1942 à 1945, les corps et les cœurs sont souffrants, la population endure des pénuries de médicaments, de nourriture, de chauffage, les bombardements, les seules consolations restantes se bornant à préserver l’unité familiale.

Elizabeth Jane Howard approche de très près ses créatures de papier, qu’elle dote d’organicité, en décrivant les sanies des bébés et des vieillards, les soins successifs sans fin, les maladies, l’acné juvénile, les larmes, la perte entière des dents, l’amputation des membres des rescapés. Les conversations sont longues, les échanges, surprenants, les dialogues entre les jeunes filles, circonstanciés, intelligents et d’une certaine maturité. Les femmes sont vouées à l’économie ménagère ; la société de consommation du tout jetable n’ayant pas encore envahi les mœurs. Néanmoins, elles travaillent, occupant principalement des métiers du tertiaire.

Alegría, Manuel Vilas (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 29 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Editions du Sous-Sol

Alegría, Editions du Sous-sol, janvier 2021, trad. espagnol, Isabelle Gugnon, 400 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Manuel Vilas Edition: Editions du Sous-Sol

 

« Je crois que pour la première fois j’ai contemplé la beauté de l’existence humaine, vu ce que cela signifiait d’exister, vu que j’existais, vu le vent, les arbres, je les ai tous vu exister. J’ai vu comment les pierres, les chemins, l’eau des rivières existaient ».

« Il faut toujours se préparer aux plus grosses déceptions qu’on puisse imaginer, au sein desquelles il faut laisser une place à la joie, oui, à la joie ».

Alegría, comme si nous chantions le bonheur de lire ce qui s’écrit dans la joie. Alegría, c’est cet instant final de la fiesta flamenca, ce fin de fiesta, qui est au flamenco, ce que la vuelta (1) est à la tauromachie, même joie partagée, mêmes frissons et même sentiment de joie partagé avec ce qu’il convient de retenue. Manuel Vilas transforme ce sentiment, cette Alegría, en un récit, une autobiographie où la langue se livre, comme se livrent ses souvenirs. Manuel Vilas poursuit une œuvre unique qui a débuté en traduction française avec Ordesa, chez le même éditeur et servi par la même traductrice (2). Alegría est le roman de la vie de l’écrivain qui se déroule sous nos yeux, entre Madrid, Barcelone, New York, Chicago, Barbastro, sa ville de naissance, où flamboie encore la flamme de ses parents.