Identification

Les Livres

Le Fiancé du feu, Eva Dézulier (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 27 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Fiancé du feu, Eva Dézulier, éditions du Jasmin, février 2021, 303 pages, 19,90 €

 

Française de par le droit du sol, Emmanuelle attend son premier enfant, qui ouvrira une nouvelle page de la lignée familiale. La vie suit son cours, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, lorsque la voilà qui s’inquiète de la facilité avec laquelle un homme, voire un pan d’histoire, peut s’effacer, disparaître à jamais. Elle décide alors de réagir, de dresser un bouclier contre les ravages de l’oubli qui guette les siens, d’évaluer, à la main pour ainsi dire, ses propres racines et d’en vérifier la robustesse. Il lui faut remonter dans le temps aussi loin qu’elle le pourra et garantir ainsi à l’enfant qui se fait de plus en plus présent dans son ventre une continuité, une saga familiale, celle d’une assise fiable. Victor Hugo se posait déjà la question : « Qu’est-ce qu’un fleuve sans sa source ? Qu’est-ce qu’un peuple sans son passé ? ». Emmanuelle souhaiterait en particulier rendre hommage à Juan, son grand-père, son héros à la fière allure. Juan Cerans, le Catalan, devient alors l’axe autour duquel tournera cette saga, qui s’étale sur sept décennies, embrasse six générations et se déroule sur trois cents pages.

Russies, Dominique Fernandez (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Philippe Rey, Voyages

Russies, mars 2021, 208 pages, 9,90 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Philippe Rey

 

Avec son sens consommé de la formule, Churchill définissait (mais était-ce vraiment une définition ?) la Russie comme « une devinette, enveloppée dans un mystère, au cœur d’une énigme » (a riddle, wrapped in a mystery, inside an enigma). Mais, autant on pouvait à la Renaissance ou au XVIIe siècle se permettre de négliger l’énigme en question ou se contenter de savoir qu’il existait quelque part un pays plutôt froid et peu hospitalier nommé Russie, autant depuis le Siècle des Lumières et l’ouverture (forcée) sur l’Occident européen, il n’est plus possible d’ignorer cette immense nation, qui a en grande partie dominé l’histoire du XXe siècle, grâce à (ou à cause de) l’utopie communiste. Pendant des siècles, et sans que l’Europe s’en rendît compte, la Russie lui servit de glacis, la protégeant des invasions asiatiques qui, sans le courage des peuples russes, eussent atteint Lisbonne en moins de temps qu’il n’en aurait fallu à l’Europe pour comprendre ce dont il s’agissait (les rêves insensés de Napoléon et de Hitler se brisèrent sur le bouclier russe, aussi imperméable dans un sens que dans l’autre). De nos jours, une grande partie des décisions prises par les États-Unis en matière de politique étrangère visent la Russie.

Les Chants de l’Enténébré, Georg Trakl (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Avril 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Langue allemande, Poésie

Les Chants de l’Enténébré, Georg Trakl, éditions Arfuyen, janvier 2021, trad. de l'allemand (Autriche) par Michèle Finck, 144 pages, 15 €

 

Couleurs

Il y a longtemps que je connais la poésie de Georg Trakl. Mais, c’est la première fois que je distingue autre chose que l’expressionnisme auquel on le rattache habituellement. Bien sûr, il y a du vrai dans cette classification, mais cela reste une vérité relative, car on trouve tout aussi bien le Rimbaud des Voyelles que l’influence des avant-gardes des années 10. Je m’appuie sur cette belle idée de Todorov, qui écrit que l’œuvre de génie, capable de changer la compréhension esthétique d’une époque, est feuilletée : des liens avec le passé, pour avancer dans ce maillage des héritages, stigmates qui autorisent la nouveauté, le pas en avant. L’œuvre qui transforme la littérature n’est pas qu’une destruction de l’ancienne littérature.

Tainaron, Leena Krohn (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 23 Avril 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Editions José Corti

Tainaron, Leena Krohn, trad. finnois, Pierre-Alain Gendre, 192 pages, 19 € Edition: Editions José Corti

 

Dans sa simple prononciation, le titre Tainaron est empreint de sévérité et d’étrangeté. Il nous rappelle aussi qu’il peut désigner une ville figurant dans la mythologie grecque, ville auprès de laquelle une caverne était considérée comme une entrée des Enfers (ce qu’on situe aujourd’hui au cap Ténare).

Dans ce roman, la narratrice, exilée dans la ville imaginaire de Tainaron, écrit des lettres à un ancien amoureux, qui restent sans réponse. Elle y décrit son quotidien, au sein d’un monde habité par ce qui ressemble à des insectes anthropomorphisés : elle y est guidée par un Capricorne, plus professeur qu’ami. Les liens qu’elle tente de créer avec son nouvel entourage sont insatisfaisants, voire périlleux. Et quand une coutume ou un événement la rend perplexe, désirant mieux le comprendre, elle s’en sort avec des explications qui accentuent son étonnement quand elles ne l’effrayent pas. Le séjour oscille constamment entre terreur, comique et émerveillement, tel l’exemple des plantes gigantesques présentes dans le jardin botanique, dont certaines gobent sans scrupule les visiteurs.

Le ciel sans boussole, Watson Charles (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 23 Avril 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le ciel sans boussole, Watson Charles, éditions Moires, Coll. Lachésis, février 2021, 127 pages, 15 €

 

Ayiti

Le ciel sans boussole, le premier roman du poète Watson Charles, né en 1980, commence comme une balade américaine, où deux amis, Jackson et Rodrigue, parient sur le hasard des chiffres qui peuvent porter chance. En votant, par exemple, le numéro de loterie 66, un avatar du nombre 666 qui, dans l’Apocalypse, est le « Nombre de la Bête ». Ces deux compagnons de route, originaires d’Ayiti (Haïti), organisent des paris de dés clandestins, au milieu de processions religieuses et de fêtes. Entre les ventes d’« objets religieux », des plats locaux préparés à base de « haricots rouges », de « cabri », de « pain patate », un étrange personnage s’immisce dans la foule. L’ambiance ressemble à celle de la cour des Miracles, du parvis de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, où « bondées, les allées sont peuplées de gueux et de truands ». Sauf que cela se passe à « Belle Fontaine » et que ce n’est pas Esmeralda qui retient l’attention, mais un « ancien (…) croque-mort ».