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Les Livres

Trafic, Galien Sarde (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 05 Avril 2023. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Trafic, Galien Sarde, Editions Fables Fertiles, avril 2023, 146 pages, 17 €

 

La littérature n’est-elle pas le fil invisible qui relie par-delà les siècles les hommes et les femmes, leurs vies, leurs passions, leurs œuvres et les personnages qui les animent ? N’est-elle pas célébration de l’intemporel, de ce qui demeure au fil des générations ? N’est-elle pas l’écritoire géant de nos quêtes existentielles ? Trafic, le merveilleux livre de Galien Sarde, incarne un peu de tout cela.

Dès les premières pages, on se laisse emporter dans le tourbillon d’une fresque vivante en perpétuel mouvement, à l’image des tumultes de l’existence. Aux « accidents de trafic » (embouteillages, accidents graves, visions cauchemardesques comme ce « visage bandé respirant en réanimation »), succèdent des jeux de lumière qui contribuent à créer une ambiance poétique, onirique et envoûtante. Ainsi, Galien Sarde dépose-t-il ses mots tel un peintre par touches flamboyantes de couleurs, dans un « déluge de lumières ». Il « peint » l’air brûlant de l’appartement où vit le héros, « les rayons de soleil » qui le « flambent », le « criblent » de « lignes étincelantes ». Il recrée des ambiances, immortalise la « féerie solaire » qui règne à proximité du Mississippi, « en se mêlant à l’eau du fleuve », les « teintes charnelles, rose, rouge et or ».

Laisser être et rendre puissant, Tristan Garcia (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 05 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Laisser être et rendre puissant, Tristan Garcia, PUF, Coll. Métaphysiques, février 2023, 570 pages, 29 €

 

C’est un – encore assez jeune – homme génial (parce qu’avec humour et sincérité dépassé par sa propre puissance de pensée) et sympathique (parce que touchant, et voulant partout justesse) ; il intrigue, parce que sa capacité de vérité avance sans cesse, radicale sur les « lignes de front », nuancée dès qu’on respire en paix ; il désarçonne, parce qu’il ne défend aucune forme de vie définie (il nous donne juste de quoi s’arranger mieux, plus brillamment, plus distinctement, avec la nôtre) : le seul devoir qu’il consent à nous donner est de rassembler nos moyens de le comprendre. Il ne fait le siège de rien, il ne défend non plus aucune forteresse : il veut juste « réfléchir au coup d’après, ouvrir une brèche de possibilité » (L’architecture du possible, p.105). Il n’aime que rendre possibles de nouveaux élans de sens, les rendre disponibles, loisibles à un effort de vérité (les aménager pour ceux qui voudraient bien reprendre son effort de compréhension), et ne combat que les ennemis du possible, ceux qui abusent des effets contraires (inévitables) de ce qui rend possible, les aggravant au lieu de les adoucir. Lui, simplement, part en « éclaireur » des futures niches de vie sensée et de pensée heureuse, des nids à venir de fidélité (scrupuleuse et partageable) au possible.

Nostromo, Joseph Conrad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Avril 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

Nostromo, Joseph Conrad, Folio, 1992, trad. anglais, Paul Le Moal, 526 pages . Ecrivain(s): Joseph Conrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Un roman d’aventures

Avant d’avancer dans la complexité énonciative et conceptuelle de ce roman-monde, tourbillon polyphonique aux mille voix, il est important que le lecteur sache que Nostromo est d’abord un formidable roman d’aventures, ce que les critiques de ce grand ouvrage oublient trop souvent de souligner. A la manière de ce que feront Gabriel Garcia Marquez et Carlo Emilio Gadda plusieurs décennies plus tard, Conrad fabrique de toutes pièces un état imaginaire, que sa formidable intelligence va rendre plus que vraisemblable, plus que réel : le syntagme des pays d’Amérique Latine du début du XXème siècle, avec leurs révolutions itératives et leur exploitation coloniale endémique. Immense république, le Costaguana (Costa Rica ? Guatemala ?) est le théâtre de ce roman et le territoire de cette geste baroque qui sert, une fois de plus, à dire la répugnance profonde de Conrad devant le fait colonial. On se rappelle la dénonciation des horreurs coloniales dans Au cœur des ténèbres.

Le design. Histoire, concepts, combats, Catherine Geel, Claire Brunet (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 04 Avril 2023. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED

Le design. Histoire, concepts, combats, Catherine Geel, Claire Brunet, Folio Essais (Inédit), janvier 2023, 560 pages, 12,90 €

 

Cette chronique est rédigée sur un ordinateur portable ; elle sera lue sur un ordinateur ou un smartphone ; cette chronique est donc aussi enfant du design. En effet, ces objets sont, dans leur réalité matérielle, le fruit de la pensée de designers, et en cela porteurs d’une idéologie : l’ordinateur présente un aspect plaisant destiné à faire oublier qu’il s’agit d’un outil de travail (on est loin, très loin, du Hal de 2001, l’Odyssée de l’espace, même si un designer assista Kubrick dans la conception visuelle du film), le smartphone est idéalement dimensionné pour faire oublier que cet objet est destiné à asservir son utilisateur bien plus qu’à le servir. Nous sommes piégés par le design, omniprésent.

Crépuscule, Philippe Claudel (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 03 Avril 2023. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Stock

Crépuscule, Philippe Claudel, Stock, janvier 2023, 528 pages, 23 € . Ecrivain(s): Philippe Claudel Edition: Stock

 

Comme dans un conte, les personnages sont typés et désignés d’abord par leur fonction : le Policier, « Il était de taille médiocre, de visage olivâtre, et tout en os. Il portait un uniforme d’on ne savait quelle armée, que les ans et l’usure avaient fini par faire ressembler à un accoutrement de chasse » (p.12).

« La peau bistrée de son visage donnait sans cesse l’impression qu’il souffrait d’un mal hépatique, et la fine moustache, d’un noir de suie, ourlant sa lèvre supérieure, accentuait le sentiment d’inquiétude et de tragique qui émanait de sa personne » (p.13).

Le Médecin : « Le Médecin lapait le sien à la manière d’un chat, et d’ailleurs tout chez lui rappelait le chat, de ses moustaches maigres qui se divisaient de part et d’autre du visage pointu en ramifications hérissées, aux yeux en amande, vert et or, et à ses ongles aussi, que Nourio remarqua pour la première fois, et qui étaient étonnamment longs et acérés » (p.48).