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Millenium 2. La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, Stieg Larsson

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 28 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, Pays nordiques, Roman, Actes Sud, Babel (Actes Sud)

Millénium 2, La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, (Flickan som lekte med elden, 2006), traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain, Babel Noir, 796 p. 10 € . Ecrivain(s): Stieg Larsson Edition: Babel (Actes Sud)


Millénium, épisode 2. Le travail est prémâché pour l’auteur qui s’attaque à une suite. Le terrain est familier. On connaît déjà les personnages, on n’a pas besoin de perdre son temps en présentations, on peut tout de suite plonger dans l’action. Force est de constater que Millénium 2 n’y parvient pas. Il faut s’avaler près de deux cents pages avant que l’intrigue démarre, et alors elle le fait au rythme d’un tracteur diesel rouillé qui n’a pas servi depuis des décennies.

Le livre souffre d’un gros problème de rythme. Les personnages se multiplient et chacun analyse la situation, mais en ne faisant quasiment que répéter ce que le précédent a dit. Ça tourne en rond. Les pages défilent et rien de nouveau n’apparaît. Le livre fait 800 pages, il n’en aurait pas mérité plus de 400. A croire que l’auteur tire à la ligne.

Millénium 2 est beaucoup plus faible que le premier opus, à tel point qu’il pourrait presque faire passer son aîné pour un chef d’œuvre. Ce qui est pourtant loin d’être le cas.

La voix et l'ombre, Richard Millet

Ecrit par Guy Donikian , le Dimanche, 26 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Poésie, Gallimard

La voix et l’ombre, Gallimard, Collection L’un et l’autre, 210 p. 21 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Gallimard

Un nouveau livre de Richard Millet est toujours une découverte dont les attentes ne sont pas déçues. La voix et l’ombre fait partie de ces livres qui nous retiennent tant on y palpe l’engagement physique de l’auteur. Chaque mot a sa place dans une rhétorique au service de ce que les mots sont pourtant incapables de signifier. Quoi de plus singulier que de vouloir, par le truchement d’une galerie de portraits, rendre compte des liens que la voix et l’ombre entretiennent dans le corps. Il faut avoir fouillé les arcanes de nos chairs pour effectuer ce voyage incantatoire dans les zones de la voix et de l’ombre. Richard Millet nous soumet que notre sujétion au réel ne peut nous conduire à la conscience à laquelle il nous convie. L’effort indispensable pour concrétiser par le verbe ce qui nous échappe mais dont nous avons confusément conscience est inscrit dans cette écriture qui utilise des figures de style comme l’oxymore, des paradoxes, des ambiguïtés, des contradictions pour rendre compte, à force de mots qui sont autant d’outils, de l’impossibilité même d’écrire.

« La voix et l’ombre (…), l’une et l’autre accouplées (…) dans une lutte, une torsion où elles se confondent quelquefois ». Ainsi l’auteur prévient-il d’emblée de sa vision qui ne souffre aucun confort. Il ajoute « nous sommes des ombres bruyantes » et les portraits qui suivront seront revêtus de cette double enveloppe qui parfois se déchire.

Effets secondaires probables, Augusten Burroughs

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 22 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Nouvelles, Héloïse D'Ormesson

Effets secondaires probables, Nouvelles traduites de l’anglais (USA) par Samuel Sfez, sortie le 23 Février 2012, 334 p. 22 € . Ecrivain(s): Augusten Burroughs Edition: Héloïse D'Ormesson

Délirant, peu souvent méchant, grinçant, le ton acéré d’Augusten Burroughs, révélateur. A travers un prisme déformant, un kaléidoscope de sentiments, de pensées infuses, changeant mais mettant à chaque fois l’accent sur une malformation, un travers, une anomalie, le génome d’une certaine Amérique, valant d’autant que la révélation émane d’un Américain et non du regard (souvent) critique d’un étranger. Un regard qui s’en prend, d’abord, dès l’abord, à soi-même, exagéré et caustique :

– La consommation, (p.29) « Nous – les Américains – ne voulons que des produits fabriqués en laboratoire, testés sur des femmes et des animaux, puis emballés dans du plastique et estampillés à l’image du dernier film de Disney ».

– La course au dédommagement, (p.98) « Rien n’impressionne plus les personnes – ni la gloire, ni un diplôme dans une université de l’Ivy League – qu’une grosse compensation financière à la suite d’un problème médical ».

– Les mauvaises habitudes alimentaires, (p.256) « Alors comme ça, ces enfoirés de Crocker Farms pouvaient manger des frites et des Big Mac tous les jours ? – à la cantine scolaire – Tandis que nous avions des pizzas plates au goût sucré, encore congelées au milieu ».

L'histoire cachée du nihilisme, Michèle Cohen-Halimi et Jean-Pierre Faye

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Lundi, 20 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

L’histoire cachée du nihilisme. Jacobi, Dostoïevski, Heidegger, Nietzsche, La Fabrique éditions, 2008, 310 p. 18 € . Ecrivain(s): Michèle Cohen-Halimi et Jean-Pierre Faye

 

Le titre de l’ouvrage est prometteur : il fallait en effet une synthèse sur la notion profondément ambiguë de nihilisme, qui connaît de grandes variations de sens au cours de sa brève histoire. Le lecteur s’attend donc à voir dévoilée cette « histoire cachée » (la formule est de Nietzsche, le « premier parfait nihiliste de l’Europe » (1)). Mais la promesse n’est qu’à moitié tenue, parce qu’il n’y s’agit pas réellement, ou seulement, de faire le récit philosophique des transformations de cette notion équivoque à partir de sa première formulation par l’étrange révolutionnaire Anacharsis Cloots (2). Toute la seconde partie de l’ouvrage, mal raccordée à la première, porte essentiellement sur Heidegger et Nietzsche (ce qui explique sans doute la curieuse inversion chronologique dans le sous-titre) et s’apparente plus à un pamphlet anti-heideggérien qu’à une étude rigoureuse de leurs rapports. D’où, à l’arrivée, un assemblage hybride, aussi trouble que son sujet.

Le livre se divise en deux « partitions », la première composée par Michèle Cohen-Halimi (MCH) et la seconde par Jean-Pierre Faye (JPF), celui-ci signant le prologue et celle-là l’épilogue, dans un esprit de parfaite parité.

Une irrépressible et coupable passion (A Wild Surge of Guilty Passion ), Ron Hansen (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 19 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Polars, USA, Roman, Buchet-Chastel

Une irrépressible et coupable passion. Janvier 2012. Trad. anglais (USA) Vincent Hugon. 347 p. 21 € . Ecrivain(s): Ron Hansen Edition: Buchet-Chastel

On nous refait le coup du « Facteur » ? Encore ? Après Cain, Billy Wilder, Tay Garnett, Bob Rafelson, récemment Indridason (Betty) et combien de centaines d’autres ? Eh bien oui. Définitivement, Ron Hansen nous le refait !

On peut légitimement penser à quoi bon, que dire de nouveau, peut-on exploiter encore cette histoire usée jusqu’à la corde ? Si on se pose toutes ces questions avant lecture – et on se les pose – après lecture on ne se demande plus qu’une chose : qui et comment osera recommencer un jour ? Parce que ce livre repose sur un regard radicalement nouveau de l’histoire célébrissime du « Facteur sonne toujours deux fois » et, dans ce « radicalement » entendez bien d’une manière définitive.

Ron Hansen a choisi, pour renouveler l’histoire, de revenir simplement à l’affaire originelle ! En 1927, un couple d’amants, Ruth Snyder et Judd Gray, assassine Albert Snyder, l’époux de Ruth, dans son lit. Immédiatement soupçonnés du meurtre, les deux avouent très vite, sont jugés, condamnés à mort et exécutés en 1928.