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La Une Livres

Loco, Joël Houssin

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 20 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Science-fiction, Roman, La rentrée littéraire

Loco, Ed. Ring, 20 septembre 2012, 240 p. 16 € . Ecrivain(s): Joël Houssin

« La planète n’était plus qu’un gigantesque mausolée à ciel ouvert de cinq milliards de morts ».

« On ne voyait, en guise d’étoiles, que le ciel de cendres qui crachait de temps à autre toute sa merde noire et radioactive sur la terre, ondées infécondes dont il fallait se protéger pour survivre quelques mois de plus… ».

Un programme fou, la Black Box, a déclenché une catastrophe nucléaire. La planète a été ravagée, elle n’est plus qu’une terre gorgée de sang. Désormais, deux mondes cohabitent. D’un côté les rescapés et de l’autre les contaminés. Les premiers errent dans les paysages dévastés, avec une espérance de vie limitée. On n’y rencontre quasiment jamais de vieillards, et les enfants sont plus que rares. Les seconds sont protégés dans leur bulle, à l’abri de l’atmosphère empoisonnée.

Le monde que décrit Joël Houssin pourrait être le monde de demain. C’est peut-être déjà celui que nous connaissons aujourd’hui, dans une métaphore à peine voilée. Deux classes antagonistes, une autre forme d’apartheid. D’un côté les gens en bonne santé, de l’autre les contaminés. Aucun terrain d’entente n’est et ne sera possible. Les uns ne peuvent aller dans le monde des autres sans se faire contaminer. Les autres sont exterminés s’ils tentent de s’infiltrer dans le monde protégé.

Une bibliothèque idéale, Hermann Hesse

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 19 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Langue allemande, Rivages poche

Une bibliothèque idéale, trad. (All.) et préfacé par Nicole Waquet, 19 septembre 2012, 135 p. 7 € . Ecrivain(s): Hermann Hesse Edition: Rivages poche

 

Hermann Hesse, écrivain et lecteur inlassable ne se propose pas dans ce livre de nous dresser une liste universelle des livres qu’il faudrait avoir lus. Même si dans un chapitre il nous « raconte » sa bibliothèque, et nous dit sa préférence pour les auteurs allemands du XIXème siècle et sa passion pour la pensée hindouiste et chinoise, il veut avant tout rappeler combien la littérature n’est pas à côté de la vie, mais constitue l’essence même de celle-ci. Nous vivons une époque où la culture elle-même semble s’effriter au profit de valeurs marchandes, or affirme-t-il, « elle possède sa rétribution en elle-même : elle accroît la joie de vivre et la confiance en soi ; elle nous rend plus gais, plus heureux ; elle nous procure un sentiment de santé et de sécurité plus intense ».

La lecture participe à la construction même de l’individu. L’homme s’approprie sa propre bibliothèque comme il décide sa manière d’appartenir au monde dans lequel il vit.

Némésis, Philip Roth

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Némésis (Nemesis) trad. USA Marie-Claire Pasquier septembre 2012. 226 p. 19,90 € . Ecrivain(s): Philip Roth Edition: Gallimard

 

"Il faut, avec les mots de tout le monde, écrire comme personne." Colette

 

On ne pourrait mieux épingler l’art éblouissant de Philip Roth que par cette citation. Et en particulier pour donner à ceux qui n’ont pas encore lu Némésis une idée du miracle que produit ce livre : dérouler un récit captivant avec un naturel, une élégance, une authenticité qui sont la marque des seuls grands maîtres.

Tout y est parfait : l’économie et la richesse lexicales, l’organisation serrée et impeccable de la narration, les portraits inoubliables des personnages, le souffle de rage enfin qui emporte tout sur son passage. Presque tranquillement, Philip Roth construit le point d’orgue de son œuvre comme un véritable défi universel.

Nulle part dans la maison de mon père, Assia Djebar

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 17 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Maghreb, Babel (Actes Sud)

Nulle part dans la maison de mon père, 452 p. 9,50 € . Ecrivain(s): Assia Djebar Edition: Babel (Actes Sud)

 

Peut-on prendre congé de son existence, dire adieu à sa propre personne, à son passé ? C’est la voie apparemment décrite par Assia Djebar dans un roman, autobiographique, Nulle part dans la maison de mon père. Ce père, instituteur, seul indigène de son village ayant accédé à cette fonction, est immensément sévère, rigoriste. Il élève l’héroïne en l’entourant d’une protection qui entraîne, bien vite, l’apparition de toutes sortes d’interdits : vestimentaires, relationnels. Le puritanisme est de rigueur.

Pourtant, l’héroïne du récit parvient à échapper, un peu, à cette atmosphère familiale pesante ; elle est admise dans un internat, y fait la connaissance de camarades musulmanes comme elle, et de pensionnaires européennes. Elle y découvre les joies de la lecture, de la complicité intellectuelle avec Mag, Jacqueline, Farida. Elle goûte à la liberté de mouvement, ayant la faculté de retourner dans son village à chaque fin de semaine.

Cette jeune femme est torturée par toutes sortes d’interrogations : l’émancipation intellectuelle va-t-elle de pair avec l’émancipation des mœurs si étroitement contrôlés dans cette Algérie coloniale ? Que représente son père, censeur omniprésent dans sa conscience d’enfant, dans sa vie : un protecteur ou un castrateur impitoyable ?

Romancero Gitano, Federico Garcia Lorca (traduit par Michel Host)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 15 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, La rentrée littéraire, Atlantique

Romancero Gitano, Romances gitanes suivies de complainte funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias, Trad. espagnol Michel Host, 60 pages, 16 € . Ecrivain(s): Federico Garcia Lorca Edition: Atlantique

 

En cette période de rentrée littéraire, où l’assez bon côtoie trop souvent le médiocre voire l’affligeant, avoir ce petit livre dans les mains est comme un cadeau : le cadeau de la beauté absolue, de l’intelligence, de la langue. De la littérature enfin, en un mot. De la littérature dans son expression originelle, la poésie.

Retrouver Lorca après trop longtemps d’absence ressemble à un retour aux racines, au bercail, au territoire qu’on ne devrait jamais quitter, ne jamais oublier de revisiter. Tout y est suffocant de beauté et d’une familiarité profonde. Parce qu’on sait par cœur certains poèmes de ce recueil mais aussi, et surtout, parce qu’on prend en pleine face le souffle du « duende » lorcien, cette musique sombre, cette âme profonde et saisissante qui émane non seulement des mots de Lorca mais aussi d’un au-delà des mots, d’un point suspendu hors du temps et qu’on sait être l’Espagne, l’Andalousie dans ses gammes les plus graves. « Les sons noirs » dont parlait Lorca.

Lisez la préface de Michel Host. Elle est lumineuse dans son propos. Le duende c’est ce qui a mené Michel Host à cette traduction. A ce miracle de traduction. A la fin de cette préface, Michel Host s’inquiète :