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La Une Livres

Qu'avons-nous fait de nos rêves ?, Jennifer Egan

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 24 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Stock

Qu’avons-nous fait de nos rêves ?, trad. de l’anglais (USA) par Sylvie Schneiter, 371 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jennifer Egan Edition: Stock

Tout d’abord, une envie de dire qu’on a déjà lu ça, que c’est de l’histoire ancienne : les années passées, la fuite du temps, la jeunesse un peu paumée, tatouée, « piercée », droguée, rock’n roll, beaucoup musicienne, les rassemblements de foule, la vie dans une cité sans âme, les rêves broyés, rendant à chacun son anonymat premier. Comment s’appelait-il (elle) déjà ? Refaire sa vie, la revivre à l’envers, avec des incrustations ici ou là, des arrêts sur image plus ou moins longs.

Lincoln, le fils adolescent de Sasha, l’a bien compris qui, fou de rock, apprécie la chanson à l’aune de ses pauses.

C’est l’histoire d’un petit groupe de musiciens adolescents, c’est l’histoire du monde du (show) business, des ratés de la vie, des loupés, des actes manqués, comme ces petits assemblages que fait Sasha, cleptomane, des objets dérobés, pour leur donner une autre vie, une autre chance, comme ces distorsions que fait subir à ses journées la petite fille de Sasha, décomposant et recomposant la vie de sa famille en bulles, en arbres généalogiques, en labyrinthes, en jeux fléchés où questions et réponses se mordent la queue, donnant à entendre qu’on peut tout refaire, une fois fixées les choses. Ou ces SMS dont la langue phonétique s’apprécie aussi en langage des signes : ouvrir les doigts ou les rapprocher, pour s’éloigner du texte ou de l’objet de l’échange, ou le faire venir à soi.

La ruinette, Philippe Tabary

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 23 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Le Cherche-Midi

La Ruinette, septembre 2012, 346 pages, 18 € . Ecrivain(s): Philippe Tabary Edition: Le Cherche-Midi

Contrairement à ce qui prévalait autrefois, quand, la majorité de la population vivant dans la ruralité, la maison était, sinon toujours le lieu de l’existence de plusieurs générations d’une même famille, pour le moins dans la plupart des cas celui, unique, de la vie entière d’un couple, du mariage à la mort en passant par les naissances successives et les départs des enfants, l’exigence moderne de mobilité professionnelle incite nos contemporains des classes moyennes à acquérir par anticipation la maison où ils n’iront vivre de façon permanente qu’une fois venue l’heure de la retraite.

Cette maison-là, cet asile aménagé et préparé tout au long de leur carrière respective d’inspecteur d’académie et d’institutrice, par Albert, le personnage central, et Fanny, son épouse, leur sert, en attendant le moment où ils émargeront au grand livre de la dette publique, d’épisodique résidence familiale de vacances.

Cette maison-là porte un nom prédestiné : La Ruinette.

En effet, les projets caressés sont ruinés par la disparition précoce de Fanny et par le peu d’intérêt que manifestent les enfants pour l’endroit qui était destiné, dans l’esprit de leurs parents, à devenir le centre privilégié de retrouvailles régulières.

Tombé hors du temps, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Bassin méditerranéen, Poésie, Seuil, Moyen Orient

Tombé hors du temps, traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses, 199 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

« Il y a

Une respiration il y a

Une respiration dans

La douleur il y a

Une respiration » (p. 196)

 

dit la voix de l’enfant du centaure, en lui.

Une respiration, peut-être quelque chose qui prend à l’extérieur, et qui rejette de l’intérieur, quelque chose qui traverse, un passage. Une respiration, en musique, c’est aussi une pause, avec tout ce qui y passe (« elle peut – la respiration – alors être indiquée par un signe en forme de virgule ou d’apostrophe placée entre deux notes » (Larousse). Pause dans la douleur ? La douleur respirant, vivant d’elle-même ? Se reconstituant autour de son cœur même ? Accommodement de tous les êtres, dans la ville de ce livre-là qui ont pour point commun, point de fuite, d’avoir perdu un enfant.

L'échec, James Greer

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Joelle Losfeld

L’échec (The Failure), traduit de l’anglais (USA) par Guylaine Vivarat avec l’auteur, 4 octobre 2012, 212 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): James Greer Edition: Joelle Losfeld

 

Comme le titre l’indique, L’échec est l’histoire d’un échec. Dès la première page, James Greer fait plonger le lecteur au cœur d’une action très absurde. Ed Mémoir est au volant de sa voiture. Son téléphone sonne, mais il ne répond pas. Et c’est dommage pour lui car il aurait alors entendu que son père venait de rendre l’âme et qu’il lui léguait assez pour financer le développement de son prototype, le Pandémonium. S’il avait entendu le téléphone, il aurait sans doute levé le pied et évité la collision frontale avec un véhicule arrivé à contresens et il ne se serait pas retrouvé dans le coma.

Ed conduisait sa voiture juste après « le fiasco du comptoir coréen ». Il venait de braquer un bureau de change dans l’objectif de mettre la main sur 50.000 dollars qui lui permettraient de financer son projet, le Pandémonium.

Le Pandémonium est une technologie de placement de publicités subsensorielles sur le web. « C’est une manière indétectable d’interférer avec des sites Internet en plaçant des messages subsensoriels qui seraient vus à leur insu par ceux qui consultent le site. Par exemple, si tu détestais les Républicains, tu pourrais aller sur un site républicain pour placer un message disant : Votez démocrate ».

Fée d'hiver, André Bucher

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Le Mot et le Reste

Fée d’hiver, décembre 2011, 160 pages, 16 € . Ecrivain(s): André Bucher Edition: Le Mot et le Reste

 

 

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore le talent d’André Bucher, voici une bien belle façon de le découvrir. Dans Fée d’hiver, on sent le souffle d’un Jim Harrison, dont André Bucher est grand lecteur, mais l’écriture de cet écrivain poète paysan est unique. Et justement, elle sent le vécu, le territoire arpenté, la solitude affrontée. Fée d’hiver est un roman à la fois âpre et magnifique, austère et puissamment physique, comme les lieux dans lesquels il prend place dans ce sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes. Des lieux sauvages, entourés de montagnes, désertés par les hommes partis rejoindre les villes, où la vie, croit-on, offre plus de facilités.

Le roman démarre sur un prologue, un article paru dans le journal le Dauphiné Libéré, daté du 31 août 1948. Un fait divers « Drame de jalousie dans le sud de la Drôme », qui fait écho au titre du livre, Fée d’hiver. Cette fée d’hiver qui vient comme pour rompre une malédiction, une sorte de réparation d’accrocs dans les mailles du destin.