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Ecrire sa vie. Du pacte au patrimoine autobiographique, Philippe Lejeune

Ecrit par Arnaud Genon , le Mercredi, 10 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Ecrire sa vie. Du pacte au patrimoine autobiographique, éd. du Mauconduit, mai 2015, 128 pages, 13 € . Ecrivain(s): Philippe Lejeune

Quand le théoricien se raconte

C’est incontestablement à Philippe Lejeune, « le pape de l’autobiographie », ainsi que certains le surnomment à raison, que l’on doit l’intérêt grandissant porté aux écritures de soi. Depuis 1975, date à laquelle il publia son célèbre essai intitulé Le Pacte autobiographique (Seuil, coll. Poétique), il n’a cessé de s’intéresser aux écritures autobiographiques et à offrir à ces textes que l’on méprisait jusqu’alors, l’éclairage et l’attention qu’ils méritent.

C’est son propre parcours que Philippe Lejeune décide de partager dans le premier des cinq textes qui composent le présent ouvrage. L’aventure intellectuelle qui est la sienne n’est pas simplement celle d’un théoricien qui a exploré les chefs-d’œuvre de l’autobiographie (Rousseau, Stendhal, Gide, Sartre, Leiris…) et en a inventé la « grammaire ». Philippe Lejeune, par l’intermédiaire du travail qu’il a mené sur l’autobiographie de son arrière-grand-père paternel, Les étapes de la vie, s’est peu à peu détaché du « canon littéraire » pour étendre ses recherches aux écritures ordinaires. La découverte du texte de Xavier-Edouard Lejeune, son aïeul, a aussi été l’occasion pour lui de s’aventurer sur les chemins de la critique génétique, c’est-à-dire l’étude des brouillons d’une œuvre, aventure que le troisième texte – « Du brouillon à l’œuvre » – relate et explique.

Bordeaux la mémoire des pierres, Jean-Michel Devésa

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mardi, 09 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Bordeaux la mémoire des pierres, Ed. Mollat, février 2015, 229 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Devésa

C’est à la fois simple et complexe. Et réussi comme récit et comme atmosphère. François Lister, soixante-treize ans, prof de philosophie, revient à Bordeaux où il a grandi cinquante et un ans après l’avoir quitté. Lister est le fils unique de républicains espagnols réfugiés comme beaucoup d’autres en France dans les années d’après-guerre. Son père, engagé dans la lutte contre Franco, un « preux », est déjà mort quand sa mère et lui (il a alors six ans) arrivent à Bordeaux. A vingt-deux ans, précisément le 8 novembre 1962, Lister quitte… Quitte quoi exactement ? Bordeaux, oui, physiquement ; mais il y a plus. Pour lui, en effet, la pendule semble s’être arrêtée à cette date du 8 novembre 62. La veille, Julían Grimau, un dirigeant du Parti (communiste) infiltré dans l’Espagne franquiste a été arrêté. Il sera fusillé. Grimau aurait dû être dans Madrid en compagnie de Rosario Santiago, habile à jouer pour le Parti le rôle de compagne ou de maîtresse. Tombée malade au dernier moment, elle n’a pas pu fournir cet appui à Grimau. Rosario Santiago, qui réside à Bordeaux, est le grand amour de Lister, alors étudiant en philosophie. Mais Rosario vit corps et âme pour la cause ; elle est entièrement au service du Parti. Alors que Lister, lui, ne cesse de se poser des questions sur les stratégies et les décisions dudit Parti. Lister, c’est patent, est un observateur, pas un actif. En lui, l’amour ne se laisse pas aisément sacrifier, au point de le rendre très jaloux et soupçonneux quant aux liens exacts qu’entretiennent Grimau et Rosario.

Conversation sacrée, Patrice Giorda /et/ Mon art, mon métier, ma magie…, Sam Francis

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 09 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, L'Atelier Contemporain

Edition: L'Atelier Contemporain

 

Conversation sacrée, Patrice Giorda, Préface de Gérard Mordillat, L’Atelier contemporain, avril 2015, 160 pages, 20 €

Mon art, mon métier, ma magie…, Sam Francis, Entretiens avec Yves Michaud, L’Atelier contemporain, mai 2015, 112 pages, 20 €

 

« Les gris nécessitent de l’intelligence, car ce sont eux qui gèrent la mise en espace du sujet. Les noirs peuvent être passionnés, ou silencieux dans l’obscurité qu’ils découvrent… Les blancs sont la brûlure ou l’éloquence ». P.G.

« J’utilise toujours des fonds très absorbants, parce que je veux que la peinture et la couleur s’imprègnent, de manière que je puisse mettre plusieurs couches. Je veux que l’image soit dans la toile, dans le papier, déjà sous eux, de manière à pouvoir passer et repasser ». S.F.

La Poupée, Ismail Kadaré

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 08 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Bassin méditerranéen, Roman, Fayard

La Poupée, mars 2015, traduit de l’albanais par Tedi Papavrami, 155 pages, 16 € . Ecrivain(s): Ismail Kadaré Edition: Fayard

 

En recréant par petites touches, à partir de bribes de souvenirs personnels, de vieilles photos et d’éléments anecdotiques révélés par les uns et les autres, l’existence de sa mère, surnommée La Poupée dans toute la famille, décédée en 1999, Ismail Kadaré, auteur narrateur, plonge le lecteur dans l’intimité d’une famille albanaise, sa famille, dans le contexte historique particulier qui a marqué ce pays durant les deux derniers tiers du siècle dernier.

L’existence de La Poupée, tout comme celle des jeunes années de l’auteur, est profondément, émotionnellement, sentimentalement liée à celle de la grande maison familiale du clan Kadaré de Gjirokastër, jamais achevée, plutôt en cours de décrépitude, où, fraîchement épousée à l’âge de dix-sept ans, la jeune Madame Kadaré se retrouve brusquement transplantée et avec laquelle, d’entrée, elle entretient une relation de rejet, parallèlement aux rapports d’hostilité permanente qui marquent sa cohabitation avec sa belle-mère.

Alpe du Grand Serre, Christophe Lamiot Enos

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Lundi, 08 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Passage d'encres

Alpe du Grand Serre, 2015, 5 € . Ecrivain(s): Christophe Lamiot Enos Edition: Passage d'encres

 

Ce qu’on entend en lisant ce petit opus de Christophe Lamiot Enos c’est un chant, une musique d’eau qui court sur les pages et délivre « ses voix plurielles » dans la musique de mots, héritée de l’enfance, peut-être même sortie des contes, Pierre et le loup, ou d’un album du Père Castor, nous dit le poète, et qui appelle pour que « nos forêts soient musiques ».

Oiseaux, non ? plumes d’oiseaux, légèreté de l’air, envolées de plumes, tourbillons de mains fendant l’air, tourbillons de feuilles et autant de souvenirs sauvés de l’oubli volent et chantent, enchantent le langage.

Dans l’obscurité ou dans la clarté du jour, dans le silence ou dans la lumière des mots, l’avancée de la mémoire se fait en pente douce, au milieu de forêts obscures et des bruits d’eau qui dégoulinent sur les feuilles. L’eau à travers l’espace et le temps se fait flocons, cristallise l’anamnèse, au milieu des années perdues. Allonger le pas sur les chemins, prudents, parmi les piques du « hérisson », descendre à la source sans craindre le chemin épineux, non pas de ronces mais souvenirs vivants qui bougent, s’animent tel ce petit animal convoqué. L’oiseau, libre, vole, s’envole de branches en branches, transporte le message du poète, transporte la lumière, le soleil, l’avancée des nuages, au-dessus des arbres, et nous enlève au-dessus du tout « que neige porte ! »