Identification

La Une Livres

Mémorial du génocide des Arméniens, Raymond H. Kévorkian, Yves Ternon

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 18 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Seuil, Histoire

Mémorial du génocide des Arméniens, novembre 2014, 496 pages, 30 € . Ecrivain(s): Raymond H. Kévorkian et Yves Ternon Edition: Seuil

 

L’année 2015 marque le centenaire du début du génocide des Arméniens, perpétré par le gouvernement turc de l’époque, Talaat Pacha, ancien ministre de l’intérieur, étant alors le maître d’œuvre des opérations. Ce fut tout d’abord l’arrestation, à Istanbul, le 24 avril 1915, de 600 intellectuels arméniens qui furent conduits à l’écart de la ville et qu’on ne revit jamais. Ce fut ensuite l’organisation méthodique de la déportation de toutes les populations arméniennes du pays, tant en convois ferroviaires, dans des wagons à bestiaux (déjà !) qu’en colonnes de déportés à pied. Dans tous les cas, la destination, pour ceux, peu nombreux, qui en réchappaient, en raison des attaques dont ils étaient victimes par les bandes kurdes sous l’œil bienveillant des soldats turcs, ou par les populations turques à qui on autorisait tout, moyennant parfois quelque argent, était le désert du nord de la Syrie, Der El Zor. Les survivants y étaient exécutés massivement, et ce lieu est devenu pour chaque Arménien de la diaspora ou d’Arménie un lieu sacré où la mémoire se fixe.

Les druzes de Belgrade, Rabee Jaber

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mardi, 17 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Pays arabes, Gallimard, Moyen Orient

Les druzes de Belgrade, janvier 2015, traduit de l’Arabe (Liban) par Simon Corthay et Charlotte Woillez, 340 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Rabee Jaber Edition: Gallimard

 

Le temps de l’exil

Pour comprendre ce magnifique roman, il faut se replonger dans l’Histoire du Liban du 19e siècle lors des affrontements entre les Chrétiens Maronites et les Druzes. Ces derniers sont des Arabes dont la population vit aussi bien en Syrie, en Galilée, en Jordanie qu’au Liban. Les Druzes sont des musulmans qui appartiennent à une branche dérivée de l’Islam : l’Ismaélisme.

Le roman prend naissance dans les conflits préexistants avant le massacre des chrétiens par les Druzes en 1860, année à laquelle Hannan Jaacoub, le protagoniste de l’histoire, sera déporté vers les Balkans. En effet, les révoltes successives des paysans druzes du Mont-Liban contre les abus du gouverneur maronite entraînent les tueries des chrétiens à Damas où on comptait presque 5000 victimes dans la seule journée du 9 juillet 1860. Le roman s’y intéresse et l’auteur évoque effectivement cette tragédie dans les premières pages de son roman :

L'ambition ou l'épopée de soi, Vincent Cespedes

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mardi, 17 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Flammarion

L'ambition ou l'épopée de soi, octobre 2013, 312 pages, 19 € . Ecrivain(s): Vincent Cespedes Edition: Flammarion

 

En ces temps de crise et de défiance, L'ambition ou l'épopée de soi est une excellente thérapie livresque pour se remettre en selle. Une invitation à sortir de soi.

Avouons qu'en France, l'ambition est un mot tabou avec une connotation très paradoxale. Comme le souligne l'auteur, "Qualifier un individu d'ambitieux est une attaque sournoise mais le sans ambition est une insulte". Nous nous laissons bien trop souvent influencer par ceux qui voient "l'ambition comme une forme de névrose. Une infirmité qui consisterait à ne pas se satisfaire de celui que l'on est". Le monde a pourtant besoin d'ambitieux pour avancer et se remettre en question. D'ailleurs, la philosophie par ses questions dérangeantes n'est-elle pas une forme d'ambition ? "L'ambitieux nous désécurise sans le vouloir, nous fait ouvrir les yeux. Il déconfortabilise, relance le questionnement que trop de satiété tarit". Alors pourquoi se priver de cette énergie grisante ?

Philida, André Brink

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 16 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Afrique, Roman, Actes Sud

Philida, septembre 2014, traduit de l’anglais (Afrique du sud) par Bernard Turle, 371 pages, 23 € . Ecrivain(s): André Brink Edition: Actes Sud

 

Toute notre jeunesse, nos engagements, nos espoirs ; on est tous dans les livres d'André Brink, qui vient de refermer la porte...

 

André Brink – plus quelques autres ! – c’est pour nous tous, l’apartheid, ses sombres pages, et, un jour, la sortie de l’enfer. Mais, avant l’apartheid, nous dit Brink dans ce livre, il y a eu dans la lumière des terres, qui aujourd’hui s’appellent l’Afrique du Sud, l’esclavage. Et dans cet esclavage – fascinantes poupées gigognes – une Philida qui fut – mi-XIXème autant dire hier – l’ancêtre de l’écrivain qui retrouve avec elle comme un chaînon manquant de sa longue histoire.

Tous les livres d’André Brink sont littérature d’exception ; cris au-delà des malheurs, pour réunir les hommes. Celui-ci, particulièrement : tous les talents de l’écrivain, dans un des plus beaux portraits de femme que porte la littérature, et le vrai de l’Histoire.

Berezina, Sylvain Tesson

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 16 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits

Berezina, Ed. Guérin, janvier 2015, 200 pages, 19,50 €

 

Sylvain Tesson est un grand voyageur, et il a toujours tiré parti de ses voyages et aventures pour alimenter ses écrits, dans des genres divers : le récit de voyage, la nouvelle, les essais ou écrits plus intimes, les aphorismes. Dans Berezina, le prétexte est un périple de quatre mille kilomètres, de Moscou à Paris, du Kremlin aux Invalides, sur les traces de la Grande Armée. Un voyage fait en décembre 2012, deux cents ans après la terrible retraite. Les ingrédients sont habituels chez Tesson : la Russie, les grands espaces, la neige et le froid, la vodka pour se réchauffer. Et les amis.

Cinq hommes chevauchent des motos, des Oural, ou se cramponnent dans les side-cars. Ces « motocyclettes à panier adjacent » sont des éléments essentiels du voyage : outre le caractère folklorique et capricieux – et relativement dangereux – de ces engins, elles rendront le voyage assez court –13 jours – ce qui n’est pas habituel chez Sylvain Tesson, qui nous a souvent proposé des récits de longs périples. Départ de l’avenue Koutouzov à Moscou, réplique du bicorne de l’Empereur sur la tête, fanion impérial accroché au guidon, avec cette première envolée : « Rien n’aurait su nous dérouter de notre obsession : rentrer chez nous ».