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Essais

La vérité sur « Dix petits nègres », Pierre Bayard (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 09 Janvier 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions de Minuit

La vérité sur « Dix petits nègres », janvier 2019, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Pierre Bayard Edition: Les éditions de Minuit

 

Un héros sans peur mais non sans reproche

Transformant la perspective qui accorde au seul auteur, lecteur ou critique le droit de parler des personnages, ici celui qui a commis le crime des Dix petits nègres d’Agathe Christie prend la parole.

Et ce pour une raison majeure : la romancière s’est trompée. Or, le personnage n’est pas de ceux qui veulent rester impunis. Il propose donc une enquête de l’enquête bâclée. Le criminel donne son avis « insoupçonnable » sur le texte dont il est objet. Tandis que tant le suspect se défile, à l’inverse celui-ci (ou celle-là) s’assume.

Ce livre de critique aussi ironique et surprenant se transforme comme le dit l’auteur en « roman policier ». Il se déroule en quatre temps : EnquêteContre-enquêteAveuglement, et Désaveuglement. Et le narrateur avant de quitter le livre donne son juste avis sur la victime, le meurtre et l’assassin (à savoir lui-même) en découvrant les nombreuses erreurs d’Agatha Christie, ses biais cognitifs et ses illusions d’optique.

Manifeste Incertain 7, Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva, L’immense poésie, Frédéric Pajak (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Noir sur Blanc

Manifeste Incertain 7, Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva, L’immense poésie, octobre 2018, 320 pages, 23 € . Ecrivain(s): Frédéric Pajak Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« Emily Dickinson, Marina Tsvetaieva : qu’ont-elles en commun ? L’une est d’Amérique, l’autre de Russie. Celle-là appartient au XIXe siècle, celle-ci à la première moitié du XXe. Toutes deux n’ont jamais douté de leur art, malgré leur isolement, la censure ou l’indifférence ».

 

« Certains vont le dimanche à l’église

Et moi – je reste à la maison

Avec un merle pour choriste

Et pour voûte un verger », Emily Dickinson

Par des traits, Henri Michaux (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Par des traits, octobre 2018, 112 pages, 25 € . Ecrivain(s): Henri Michaux Edition: Fata Morgana

 

Vers un nouveau langage, Henri Michaux

Parlant des idéogrammes chinois, Michaux évoquait ce que ces « formes » généraient : « plutôt que choses, corps ou matières, montrant des groupes, des ensembles, exposant des situations. […] de lestes signes des paysages de branches fleuries et de feuilles de bambous qu’avaient vus en images et appréciaient » les paysans qui ne savaient pas lire.

A partir de là, Michaux, en deux livres, va à la recherche de ce paradoxal langage aussi neuf que premier. Les éditions Fata Morgana republient un des deux, Par des traits (1984). Comme dans l’autre livre de l’auteur sur le même sujet (Saisir), celui-ci rassemble pages de textes, de dessins abstraits, poèmes, essais, et groupes de signes graphiques à l’encre noire.

L’écriture chinoise n’y est jamais loin. Mais l’auteur propose, à partir d’une telle base, son propre « vocabulaire ». Michaux rêve d’un langage universel qui remplacerait les mots par les signes. L’objectif est de « saisir » de manière originale le monde et ses secrets là où le vocabulaire tomberait comme un fruit trop mûr.

Le discours vide, Mario Levrero (par Carole Darricarrère)

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mardi, 18 Décembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Poésie, Editions Noir sur Blanc

Le discours vide, octobre 2018, trad. espagnol (Uruguay) Robert Amutio, 192 pages, 14 € . Ecrivain(s): Mario Levrero Edition: Editions Noir sur Blanc

« Toute impulsion vers un objectif sera déviée immédiatement vers un autre, et ainsi successivement, et l’impulsion vers un objectif premier pourra être reprise ou ne pas l’être ».

Mario Levrero, soldat méconnu de la fine fleur contemporaine du « réalisme introspectif » latino-américain, signe hors sentiers battus, en livrée rouge vanille aux éditions Noir sur Blanc dans l’élégante collection Notabilia, l’œuvre subtilement névrotique d’un reclus laconique qui le place post-mortem dans le sillage intime de la cour des grands aux côtés de génies qui s’ignorent.

Le discours vide est un texte inclassable qui se présente comme un journal intime d’exercices calligraphiques pratiqués au point mort de la vie de famille comme de la narration et prévalent à une hygiène « psychosomatique ». Il se lit aussi fort bien sur le mode du portrait marginal d’un scripteur scrupuleux dont l’excentricité et les paradoxes, à l’arrêt sur le thème de l’interruption de tâche entendue comme « fractalité psychique », confèrent au texte sa singularité. Lisons lentement, afin de « capturer les contenus cachés derrière l’apparent vide du discours (…) sans nécessité de remonter aux premières causes, certainement préverbales », ce livre d’élucubrations existentielles vertueuses faussement naïves poussant l’ir l’ironie jusqu’à la rat rature symptomatique d’un narguant décalage.

Écrire. Un caractère, Christiane Veschambre (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Jeudi, 13 Décembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Écrire. Un caractère, éd. Isabelle Sauvage, février 2018, 72 pages, 14 € . Ecrivain(s): Christiane Veschambre

Dès les premières pages, ce livre très original va droit au cœur de ceux qui aiment écrire, ou plutôt qui se sentent animés par « Écrire », devenu un nom propre sous la plume de Christiane Veschambre.

Il ne s’agit ni d’un traité pour aspirants écrivains, ni d’un art poétique. Écrire s’impose comme un être vivant, sujet grammatical de la plupart des verbes, un « caractère », avec ses traits distinctifs.

Il est, pour commencer, un sale gosse qui n’en fait qu’à sa tête :

 

Écrire ne veut pas travailler.

Écrire nous travaille.

(…) Écrire voudrait ne rien foutre, que ce qu’il a envie de faire, quand il exige de le faire. On voit bien par là que c’est un enfant. Un petit anarchiste qui ne veut d’aucune contrainte – que les siennes.