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Critiques

Pauvres de nous, Jean-Louis Rambour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 25 Janvier 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gros Textes

Pauvres de nous, 2020, 76 pages, 12 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour Edition: Gros Textes

 

Dans Pauvres de nous, Jean-Louis Rambour pose son regard humble d’homme-poète sur la pauvreté d’hommes et de femmes en marge de la société, humbles eux-aussi : « On passe devant eux, devant elles, et le plus souvent on les oublie. Mais dans ce livre, pas question : on fait la pose ». Des « pauvres » que l’on croise encore en nos années 2020 et que l’homme-poète a photographiés avant de les vêtir de ses mots, ces « pauvres » sur lesquels nous fermons souvent les yeux de crainte d’y voir une autre face de nous-mêmes dans notre miroir, « pauvres de nous »… Après moult promesses politiciennes tonneaux percés d’hommes avant tout assoiffés de puissance, malgré la mise en place de dispositifs sociétaux d’entraide, à côté de l’aisance d’une société devenue grâce au progrès industriel et technologique relativement confortable à vivre, ces pauvres continuent de croiser nos regards mal à l’aise devant tant de précarité, comme si nous étions passés à côté de l’essentiel : l’écoute, l’acceptation et l’intégration des plus démunis d’entre nous, la générosité, le don altruiste de soi, en d’autres termes la preuve par les faits de l’existence du cœur solidaire.

Interventions 2020, Michel Houellebecq (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 25 Janvier 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Flammarion

Interventions 2020, octobre 2020, 454 pages, 21 € . Ecrivain(s): Michel Houellebecq Edition: Flammarion

 

« 55% de ce volume figurait déjà dans la deuxième édition d’Interventions, parue en 2009. Cette troisième édition comporte donc 45% de nouveaux textes ». L’argumentation quelque peu spécieuse, signée de l’auteur à la quatrième page de couverture, rend un son étrange (pour autant, préciserait-il sans doute, qu’une argumentation parvienne à produire un son), car sur ces trente-sept textes, vingt-sept se trouvaient déjà dans le second volume de la Collection Mille & une pages (2016). Par conséquent, les trois quarts de cet ouvrage ont déjà paru sous forme d’édition unitaire et seules 150 pages n’ont jamais été réunies en volume. Cet ensemble de dix textes, publiés entre 2009 et juin 2020 (soit en moyenne un par an – on ne peut pas dire que la présence de Houellebecq sature l’espace médiatique), forme la véritable nouveauté du livre. Il manque cependant le discours prononcé à Bruxelles lors de la réception du Prix Oswald-Spengler (on le trouve dans Valeurs actuelles, 25 octobre 2018).

Chuchotements dans la nuit, Howard Phillips Lovecraft (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 22 Janvier 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Points

Chuchotements dans la nuit, Howard Phillips Lovecraft, octobre 2020, trad. anglais, François Bon, 144 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Ce qui s’impose d’emblée dans ce récit de Lovecraft, comme dans d’autres de ses récits et nouvelles d’ailleurs, c’est l’installation d’un mystère insoutenable et une préparation immédiate à la peur : « Si seulement je pouvais sérieusement croire, à la toute fin, n’avoir vu aucune de ces horreurs » (p.15).

Rapidement aussi, on se laisse happer par la littérarité qui traverse le texte, comme si la finesse assumée du style participait des subtilités de l’énigme qui est au cœur du récit. En cela, il faut saluer la brillante traduction de François Bon, qui précise lui-même, dans son introduction, que cette qualité de prose, associée aux thèmes de la science-fiction et de l’horreur, trop étonnante pour l’époque, a été rédhibitoire pour de nombreux magazines et maisons d’édition du vivant de Lovecraft.

Un détail mineur, Adania Shibli (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 22 Janvier 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Actes Sud

Un détail mineur, Adania Shibli, novembre 2020, trad. arabe, Stéphanie Dujols, 128 pages, 16 € Edition: Actes Sud

 

De désert et de sang

Adania Shibli, née en 1974, diplômée en 2009 d’un PHD en Sciences de la communication de l’East London University, a publié, chez Actes Sud, Reflets sur un mur blanc (2004) et Nous sommes tous à égale distance de l’amour (2014). L’auteure palestinienne a reçu en 2002 et 2004 le prix du Roman de la Fondation Qattan.

Tout d’abord, dressons un bref historique : la Palestine, dont l’existence est attestée depuis le Vème siècle avant J.-C. par Hérodote, puis partagée le 29 novembre 1947 avec le nouvel état hébreu, comprend aujourd’hui l’État d’Israël, les territoires occupés, la bande de Gaza et parfois également une partie du royaume de Jordanie, le Liban du Sud et le plateau du Golan. Elle correspond au Canaan de l’Âge du bronze. Elle est consacrée terre « sainte » du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam.

Mon Père et ma Mère, Aharon Appelfeld (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 21 Janvier 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil), Israël

Mon Père et ma Mère, octobre 2020, trad. hébreu, Valérie Zenatti, 298 pages, 22 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Il paraît qu’à mesure qu’on vieillit, les souvenirs d’enfance se font de plus en plus nets et précis. Des scènes qu’on croyait totalement effacées de la mémoire (ou jamais enregistrées) ressurgissent avec la couleur d’un événement qui se serait déroulé hier. « Les années n’améliorent pas la mémoire, mais les scènes d’enfance ont une longue vie » (p.264). Chacun, à condition de bénéficier d’une belle vieillesse, pourra le moment venu vérifier si cela est vrai ou faux. Pour l’écrivain, il y a là un matériau de premier choix : « Contrairement au souvenir précis, la réminiscence puise dans le réservoir de visions qui se sont déposées en vous. Vous puisez lentement, comme lorsqu’on remonte un seau du fond d’un puits sombre » (p.65). En 2013, Aharon Appelfeld publiait Mon Père et ma Mère. L’écrivain israélien, né en 1932, avait atteint les rives du grand âge et pouvait donc observer le phénomène décrit plus haut.