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Critiques

Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Buchet-Chastel

Histoire du fils, août 2020, 176 pages, 15 € . Ecrivain(s): Marie-Hélène Lafon Edition: Buchet-Chastel

 

Le Prix Renaudot 2020 va à une romancière française d’une dizaine d’ouvrages pour une chronique familiale.

Lafon a-t-elle nourri son roman des œuvres romanesques d’un Mauriac ou d’une Suzanne Prou ? On pourrait le pressentir vu la matière abordée.

Jouant de la chronologie et d’un siècle l’autre (entre 1908 et 2008), le livre révèle les secrets d’une famille cossue. La narration avance ainsi à grands pas pour suivre de près les personnages principaux de cette saga généalogique. En effet, ce « fils » du titre n’a pas de père connu, est élevé par sa tante Hélène, tandis que sa mère Gabrielle vit sa vie à Paris. Entre Paris et Chanterelle, dans le Lot, l’histoire dévide ses attendus, ses surprises, ses découvertes. On suit ainsi deux familles, les Léoty, les Lachalme, pressentant les liens, les alliances.

Une suite d’événements, Mikhaïl Chevelev (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 04 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Une suite d’événements, Mikhaïl Chevelev, janvier 2021, trad. russe, Christine Zeytounian-Beloüs, 170 pages, 18 € Edition: Gallimard

Le livre s’ouvre, sans doute pour éclairer les lecteurs non russes, sur une carte des zones caucasiennes, territoires inconnus de la plupart et théâtres de conflits depuis des décennies : la Tchétchénie, Le Haut-Karabagh, l’Ossétie du nord… La Russie est un pays qui a subi des bouleversements terribles dans son Histoire et la période contemporaine n’échappe pas à ces secousses. On l’aura compris, le roman de Chevelev est politique ; un passage en italiques, discours rédigé par le narrateur journaliste, Pavel Volodine, tient d’ailleurs lieu de mise en accusation très explicite du système politique de Poutine.

Si le roman est assez court, il n’en est pas moins subtilement bâti sur une alternance des époques (période Eltsine, période pétersbourgeoise de Poutine et période des années 2010), et d’une chronologie resserrée en heures, correspondant à l’épisode central du récit, à savoir une prise d’otages dans l’église de Nikolskoé. Le personnage principal est celui d’un journaliste juif moscovite, qui, à l’occasion d’un reportage en Tchétchénie, va faire la connaissance de Vadim, soldat russe du front, qui après des tractations avec l’ennemi va pouvoir rentrer au pays, en passant pour un membre de l’équipe de presse.

Marie-Lou-Le-Monde, Marie Testu (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 03 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Le Tripode

Marie-Lou-Le-Monde, Marie Testu, février 2021, 120 pages, 13 € Edition: Le Tripode

Une pastourelle

Marie Testu, née en 1992, agrégée de philosophie, a rédigé un mémoire « sur le désir et la perception dans la philosophie de Maurice Merleau-Ponty ». Marie-Lou-le-monde est son premier texte littéraire. Le titre, un prénom composé assez rare, Marie-Lou, possède une double origine, issue de l’hébreu mar-yâm (aimée) se transformant en Myriam, et Lou, diminutif de Louise (hold et wig, pouvant signifier illustre et combattant). Ce livre, dont la couverture a été illustrée par Maïté Grandjouan – une forêt sombre, buissonneuse, se découpant sur un ciel fulgurant, en feu –, émeut à cause du relent sucré et doux-amer du surgissement de l’adolescence.

De suite, l’on fonce tête baissée, les sens en appétit, vers « Marie-Lou » qui « fait disjoncter » [parce] « Que c’était elle et qu’elle était tout ». Marie-Lou, c’est une naïade, c’est possiblement l’Atalante de la version béotienne, celle qui court devant ses prétendants ; ici, une athlète moderne. Et une Aphrodite complice lui emboîte la course dans la vieille cité romaine d’Aix. Comme dans les mythes, une jeune fille idéale, à la longue chevelure, est redescendue du jardin des Hespérides afin d’hypnotiser une lycéenne. Marie-Lou devient la femme-monde à l’orée du désir, de l’éros liminaire au féminin, caméléone tantôt noire, tantôt blanche, même bleue.

Notices et esquisses relatives au ghetto de Varsovie, Emanuel Ringelblum (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Histoire, Editions Honoré Champion

Notices et esquisses relatives au ghetto de Varsovie, Emanuel Ringelblum, éditions Honoré-Champion, août 2020, trad. yiddish, Nathan Weinstock, 278 pages, 38 € Edition: Editions Honoré Champion

Que peut faire un historien de formation et de métier lorsqu’il est témoin et qu’il sera bientôt victime du plus grand massacre de tous les temps ? Les possibilités ne sont pas en nombre infini : tenter coûte que coûte d’échapper à son destin tragique, sombrer dans la folie, devancer la mort en se suicidant ou, ce qui est plus conforme à l’esprit et à la vocation de l’historien, témoigner pour un avenir qu’il ne verra pas. Emanuel Ringelblum (1900-1944) choisit cette dernière solution, en se faisant le mémorialiste du ghetto de Varsovie. La capitale polonaise abritait avant 1939 la plus importante communauté juive d’Europe.

Seul ou avec ses collaborateurs, Ringelblum a écrit des dizaines de milliers de pages. Il avait rassemblé autour de lui un groupe de cinquante à soixante personnes, avec tous les risques que cela comporte (comment s’assurer que, parmi elles, aucune ne trahira le secret ?), œuvrant au même but, dans le dénuement matériel le plus complet. Ce groupe qui, tant que cela fut possible, se réunissait le samedi pour coordonner son travail, avait reçu le nom doucement ironique d’Oneg Shabbath, « la joie du shabbat ».

L’Intrus, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 02 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

L’Intrus – Intruder in the Dust (1948), Folio, traduit de l'américain par R.N. Raimbault et Michel Gresset . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

L’IntrusIntruder in the Dust (1948) – est l’un des romans tardifs de Faulkner, bien après ses monuments, Le Bruit et la Fureur, Lumière d’août, Absalon, Absalon, Tandis que j'agonise.

Le maître du Sud est encore au milieu de son œuvre littéraire même si les chefs-d’œuvre majeurs sont passés. L’Intrus, néanmoins, garde toute la puissance narrative et l’incroyable art du portrait que l’on connaît inégalables. Et, par-dessus tout – au-delà des situations burlesques, parfois hilarantes, autour desquelles se construit ce roman, L’Intrus est une réponse cinglante et définitive aux lecteurs trop hâtifs qui n’ont pas su voir, dès Lumière d’août (Light in August, 1932), où se situe William Faulkner dans l’idéologie poisseuse du Sud – faite de haine, de racisme, de misogynie, d’abrutissement : L’Intrus est un plaidoyer vibrant et splendide contre la bêtise et la violence des « Rednecks », une profession de foi universelle, une déclaration d’amour aux « autres » Sudistes – les Nègres comme ils disent.