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Les Chroniques

à propos de Les Pseudonymes, Jean-Louis Mohand Paul (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 08 Mai 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Pseudonymes, Jean-Louis Mohand Paul, éditions Ressouvenances, 2017, 15 €

Contre l’oubli

Dans le roman de Jean-Louis Mohand Paul, le sujet est un sujet exhumé, par fragments, « des restes de traumatisme [enterrés] sous la cendre ». L’on pense au vécu d’abandonnique, concept développé par Frantz Fanon, s’appuyant sur la rupture avec le père ou la mère, ou le pays d’origine. Pour compenser la perte, le déni, des noms d’emprunts sont choisis par la personne – noms de plume pour les auteurs –, un pseudo, un autre « je », né deux fois. En lisant le début de ce récit, l’on ne peut s’empêcher de faire un lien entre la tuberculose et le coronavirus, la souffrance (la sous-France), où des malades « toussant, désincarnés (…) des Arabes aussi » sont placés en confinement dans des hospices « d’infortune ». Du flottement autour des dates (les Algériens n’ayant pas bénéficié, durant l’occupation coloniale, d’état-civil précis), des « salaires de misère », envoyés au bled, « ponctionnés pour moitié en Algérie », tout atteste de l’horrible situation du dominé. Néanmoins, il y a de la beauté, alliée ici à beaucoup de tendresse, dans les passages qui évoquent des « tapis, poteries, bijoux » colportés à dos d’hommes, de « la langue, la musique, les chansons, les mélopées » qui se « transmutent » (le terme de l’auteur), en références sacralisées du cœur de la filiation kabyle.

La mère Michel a lu - Flamme ou le travail de nudité, Didier Ayres (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Flamme ou le travail de nudité, Didier Ayres, éditions Arfuyen, 2014, 178 pages, 14 €

« Un chat slavo-gaulois se demande souvent si le ciel ne va pas lui tomber sur la tête » (M. de Buffon, Correspondance et collection privées)

 

« Ai-je reçu l’eau et le sel / l’épée de l’oubli où nous voulions être : la nuit de ce calme siècle / larmes où ne pas tenir : notre amitié des chiens / l’appareil de l’inquiétude ».

« Il faudrait rendre à notre séjour ici, sa nature de mystère et de merveilleux ».

Didier Ayres

 

Traversée

Ouvrir un nouveau recueil – celui-ci l’est – c’est entrer dans la forêt primaire, vouloir la traverser, se voir cerné d’essences anciennes aux parfums inconnus mais entêtants.

De l’improbable, Marie-Claire Bancquart (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 05 Mai 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

De l’improbable, Marie-Claire Bancquart, Arfuyen, 2020, 104 pages, 12 €

 

Passage

Le recueil, que publient à titre posthume les éditions Arfuyen, de textes inédits de la poétesse et professeure Marie-Claire Bancquart, instruit diversement. Tout d’abord comme témoignage de l’agonie sublimée où ces textes prennent place, formant l’arrière-fond de la rémission temporaire d’une longue maladie en une sorte de renaissance brève, oserais-je dire. Puis, comme écriture, sachant qu’il est vain évidemment de séparer les deux bords du poème : la vie et la langue. Et pourtant, rien de morbide dans cette leçon de philosophie morale, où j’ai retrouvé la même force d’exister que dans le Sénèque des Lettres à Lucilius, empreintes des ombres de la mort, mais tournées vers la force de l’esprit et de la pensée. Et même si la mort sous-tend ces pages denses et émouvantes, on suit ce travail d’écriture, d’écriture du regain en un sens, puisque même le destin et sa frontière entre vie et trépas s’abolissent et nous obligent à réfléchir, poussent chacun à ses propres leçons de ténèbres.

Le poète italien Mario Benedetti foudroyé par le Covid-19 (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Mardi, 05 Mai 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED

J’apprends la mort, le vendredi 27 mars 2020, du poète italien Mario Benedetti à l’âge de soixante-quatre ans. Le Covid-19 l’a emporté comme un souffle de vent. La disparition de ce poète majeur passe sous silence dans la presse française, pour la plus terrible des raisons, par ignorance. Un éditeur, contaminé par le néolibéralisme, m’écrivait récemment : « La poésie n’entre pas dans les lois du marché ». Les éditeurs métropolitains ont refusé, jusqu’à présent, de publier des traductions. J’écris cet hommage, patchwork de résurgences, comme une urgence. Un écrivain d’une rare humilité, sur lequel les sollicitations médiatiques n’avaient aucune prise. Se distillent les réminiscences, les évanescences, les nitescences. La maladie, inséparable compagne depuis l’enfance. La douleur. La lenteur. La douleur ne se dit pas. Elle ruisselle. Naufrage de la mémoire avant qu’elle ne se constitue en barque. Isis se perpétue dans la figure de la mère. « La pierre s’enfonce sans la corde autour du cou / Affleurent en cercles les mots sur ses lèvres / Mais peu importe, peu importe / Quelques voyelles, le long du visage blanc / Et noire de cheveux sa lumière / Blottie sur elle-même, Effondrée sur le côté. / Derrière toi, et devant, et au-delà, il n’y a rien » (Mario Benedetti, Pitture nere su carta (Peintures noires sur papier), éditions Mondadori, Milan, 2009). Regarder la dernière cigale. Se réfugier dans les monosyllabes et se dissoudre dans les intervalles.

Camus, le coronavirus et nous (par Mona)

Ecrit par Mona , le Vendredi, 01 Mai 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

La bourse ou la vie ? Choix tragique pour nos gouvernants : sacrifier l’économie pour sauver des vies humaines. Le chef de l’état avait pressenti le retour du tragique en confiant à la revue NRF en 2018 : « l’histoire que nous vivons en Europe redevient tragique ».

La tragédie du coronavirus a commencé avec le refus des autorités chinoises de reconnaître clairement le mal. L’épisode du docteur Li Wenliang, l’homme qui dit la vérité et risque sa vie, donne à cette tragédie une dimension camusienne : « ce qu’il fallait faire, c’était de reconnaître clairement ce qui devait être reconnu et prendre les mesures qui convenaient », disait le narrateur de La Peste. Honte à la Chine donc.