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Roman

Les greniers de Babel, Jean-Marie Blas de Roblès

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 17 Décembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits, Invenit

Les greniers de Babel, Invenit, collection Ekphrasis, 70 p.12 € . Ecrivain(s): Jean-Marie Blas de Roblès Edition: Invenit

Qui préside aux destinées qui se croisent dans cette Tour, dans cette représentation de la Tour par Bruegel dans laquelle Jean-Marie Blas de Roblès pénètre, apparemment sans effraction ? Quelle instance suprême préside à sa construction ? Est-elle même bien en construction ou en destruction, ruine de ce qu’elle a été, dont les ouvriers tels des Sisyphes sont condamnés à monter les pierres, puis à mourir sur elles, épuisés par la lourdeur de leur tâche ? Au dernier étage, encore inconçu, on meurt d’épuisement. Ce cimetière débouche sur des greniers à ciel ouvert, sorte de paradis après les ténèbres, la famine et l’incommunicabilité régnant aux étages inférieurs. Plus on monte, moins vastes sont les étages, plus la vie et la nourriture se raréfient. De loin en loin, une secousse plus ou moins violente abat une partie de la construction qui s’effondre debout, de l’intérieur. A quoi sert-il de noter sur les parois de la Tour, dans une obscurité trouée seule par la lueur des torches, des inscriptions pour la plupart dans des langues indéchiffrables ? Si ce n’est pour se prouver à soi-même qu’on est bien passé par là ? Qu’on a laissé une trace, sa trace, même si elle ne fait ni signe, ni sens. Cette Tour, symbole moins du temps qui passe, d’une impossible communauté, que d’une perpétuelle tentative d’évasion, que symbole de la réversibilité du temps : « Mon chamelier m’assure que la Tour existe de toute éternité, que ses ancêtres et les ancêtres de ses ancêtres la connaissent, et qu’elle fut non point bâtie, mais exhumée au cours des siècles précédents » (p. 19).

Grand Maître, Jim Harrison

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Décembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Flammarion

Grand Maître. Trad. USA Brice Matthieussent. septembre 2012. 350 p. 21 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Jim Harrison a pris la peine d’un sous-titre en 5ème page, en forme d’avertissement : « faux roman policier ». Précaution superflue, en quelques pages on a compris. On tient entre les mains un évident faux polar, mais un encore plus évident vrai Jim Harrison ! Et comme tous les vrais Jim Harrison, c’est un grand livre.

On va faire comme Big Jimmy : expédier la pseudo intrigue policière, la pseudo enquête. Le vieux Sunderson, flic du Michigan qui part juste à la retraite, se met sur les traces de Dwight, Le Grand Maître d’une secte sulfureuse et nauséabonde, prônant le sexe (y compris la pédophilie), les plaisirs terrestres et captant le fric de ses adeptes, nombreux en ces régions des USA. Il met ses derniers élans de flic dans sa volonté de faire tomber cet ignoble personnage.

Bon. Voilà. Il faut dire tout de suite que ce « prétexte » narratif n’occupe que peu de place dans ce livre et nul ne s’en plaindra car le propos, la matière, la grandeur de ce roman sont ailleurs, dans la présence énorme et fascinante de … Jim Harrison.

Les miroirs de l'esprit, Norman Spinrad

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 30 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Science-fiction, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Les miroirs de l’esprit (Mind Game), traduit (USA) par Charles Canet, 598 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Norman Spinrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Les miroirs de l’esprit est d’abord l’histoire de deux frustrés : Jack Weller et sa femme, Annie. Jack est réalisateur à la télé. Il dirige l’émission pour les enfants Une vie de singe. Dans sa profession, c’est le bas de l’échelon. Quant à sa femme, elle ne décroche pas les rôles qui pourraient faire décoller sa carrière d’actrice et doit se cantonner à courir les castings pour quelques apparitions dans des spots publicitaires de seconde zone.

Même si beaucoup se contenteraient de leur situation, il leur manque quelque chose. « Qu’est-ce qui manquait à leur vie ? Ils n’avaient pas besoin d’un psychiatre ou d’un conseiller conjugal pour le leur révéler. C’était la réussite, et ça, rien ne pouvait le remplacer ».

Un jour, ils sont conviés par l’un de leurs amis dans un nouveau bar à la mode : le Club transformationaliste des célébrités. Comme son nom l’indique, le club appartient à la secte des Transformationalistes. Il s’agit d’une version (à peine déguisée paraît-il) de la Scientologie.

La secte ne se cache pas des intentions qu’elle a eues en ouvrant ce bar.

Le voleur de cadavres, Patricia Melo

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 29 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Amérique Latine, Actes Noirs (Actes Sud)

Le Voleur de Cadavres. Trad. Du portugais (Brésil) par Sébastien Roy. 218 p. 19,80 € . Ecrivain(s): Patricia Melo Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Livre étrange et fort, bousculant tous les archétypes du roman noir, le voleur de cadavres interroge sur la frontière ténue qui sépare le bien et le mal chez des personnages pourtant bien « gentils », presque touchants d’humanité.

Première surprise, le cadre de l’histoire. Loin des villes grondantes, du bitume mouillé, des néons blafards et des truands. Le narrateur/héros de l’histoire a quitté la ville qu’il ne supportait plus, Sao Paulo, pour se reposer dans une sorte de paradis terrestre, le Pantanal, dans le Mato Grosso à l’ouest de Brésil. Paradis écologique qui constitue l’écosystème le plus dense de la planète, avec un réseau extraordinaire de cours d’eau et de lacs, des forêts somptueuses et une faune d’une richesse exceptionnelle.

Notre homme va à la pêche sur le fleuve Paraguay. Il fait un temps splendide. Tout est paisible. Soudain un petit avion se fait entendre, tombe dans le fleuve nez en avant, et se plante dans l’eau devant notre pêcheur ébahi.

Géographie des baleines, Manuèle Peyrol

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 27 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Géographie des baleines, Editions De Fallois, octobre 2012, 248 p. 18 € . Ecrivain(s): Manuèle Peyrol

L’enfance rend-elle imperméable aux mensonges et aux faux-semblants des adultes ? Selon Manuèle Peyrol, la réponse pourrait être positive si l’on est, comme le principal personnage de son roman, Marie, dotée d’une lucidité à toute épreuve et d’une perspicacité hors norme.

Marie est âgée de cinq ans en 1940. Elle demeure dans un appartement bourgeois avec vue sur le port d’Oran. Tout pourrait se passer très normalement à ceci près que Marie a, déjà, décelé dans l’attitude des adultes un côté ridicule qui la conduit à assimiler ces derniers à des baleines, en raison de la perception de leur taille, aussi démesurée que celles des vraies baleines.

Des échos de conversation tenues entre ses parents parviennent aux oreilles de Marie, des bribes de phrases captées dans les propos des habitants de son immeuble qui semblent se présenter comme des échantillons représentatifs de la société coloniale de l’époque : la « dame russe », ainsi que l’appelle Marie, en raison de son origine russe blanche, monsieur Pinchina, élégant, urbain, cultivant le raffinement, dont on apprend la judéité, la concierge Madame Visconti, la servante Amina, qui va conduire avec Marie quelques dialogues piquants sur les « Indigènes » et la transformation de l’Algérie : « Ils disent que c’est la France mais nous ne sommes pas des Français. Eux sont chez eux, et nous aussi nous sommes chez eux, même si nous sommes chez nous… »