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Roman

Twisted Tree, Kent Meyers

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 30 Mars 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Gallmeister

Twisted Tree Traduit de l’américain par Laura Derajinski. 02/2012 – 322 pages, 23,80 € . Ecrivain(s): Kent Meyers Edition: Gallmeister


Un tueur rôde sur l’autoroute I-90, près de la petite ville de Twisted Tree, dans le Dakota du Sud. Ses proies : les jeunes filles anorexiques. Ce livre est-il encore une histoire de tueur en série ? Encore un tueur en série américain comme il en pullule dans nombre de romans, de séries, de films ? Petite originalité ici, l’action prend place dans le Dakota du Sud, c’est-à-dire au milieu des grands espaces, des paysages magnifiques, à perte de vue, des terres non colonisés par l’homme, où la nature a encore tous ses droits.

Mais Twisted Tree ne va pas du tout là où on l’attend. Ce livre n’est pas une enquête, avec police, indice, suspect, pour remonter la trace du meurtrier. Les amateurs de polar en seront sans doute pour leur frais. Non, ce livre n’est pas un livre sur un tueur en série.

Le premier chapitre met en scène le tueur. Il cède ensuite la place, et la parole, à un autre personnage. Et cet autre cédera la parole à quelqu’un d’autre. Et ainsi de suite. Au total, douze personnages se succéderont. Chaque intervenant est un habitant de cette petite communauté de Twisted Tree, et va être confronté de près ou de loin, ou pas du tout, ou très indirectement, aux meurtres de l’autoroute.

Baby Leg, Brian Evenson

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 28 Mars 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Le Cherche-Midi

Baby Leg (Baby Leg), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié, 2012, 100 p.12,80 € . Ecrivain(s): Brian Evenson Edition: Le Cherche-Midi

 

Un mutilé dans un livre de Brian Evenson ? Voilà un programme réjouissant en perspective pour ceux qui ont lu et apprécié l’un des précédents livres de l’auteur, La confrérie des mutilés.

Kraus se réveille dans une cabane, amputé d’une main. Il est amnésique, il n’a aucune idée de comment il s’est retrouvé là. Nuit après nuit, il fait un même rêve, celui d’une femme qui a une jambe normale et une jambe de bébé, et qui se promène avec une hache. Cette femme s’appelle « Baby Leg ».

Kraus a peur de s’éloigner de la cabane car il soupçonne qu’« ils » attendent patiemment qu’il sorte pour mieux lui tomber dessus. Mais il faudra bien qu’il se décide, et rapidement, car ses réserves de nourriture s’amenuisent…

Il arrive dans une ville voisine où il découvre le portrait d’un individu recherché qui lui ressemble plus qu’étrangement, sur la façade d’une épicerie. La vendeuse a un comportement suspect. Une bagarre éclate. Bientôt, Kraus se retrouve poursuivi par des hommes travaillant pour le compte d’un certain docteur Varner…

Babel nuit, Philippe Garnier

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 26 Mars 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Verticales

Babel Nuit, 136 pages, 15,90 €, mars 2012 . Ecrivain(s): Philippe Garnier Edition: Verticales

Jeu de mots, jeux de maux, Philippe Garnier s’amuse à nous promener autour d’un rapprochement : Babel qui a donné le mot babil, provenant d’une onomatopée, et par dérivation, le langage d’expression du tout-petit : « tu as perdu ta langue ? »…

Composer, recomposer, partir d’un centre, former un cercle… ne sommes-nous pas tous autant que nous sommes, les habitants de la planète, des électrons libres en interférence, en éternel déplacement ? Tel est le personnage de cette fiction. Les frontières s’ouvrent et les langues retrouvent -recouvrent- la parole, allusion à Babel, cette entreprise, cet impossible élan à mettre ses forces en commun avec celles des autres, prétendre s’élever pour retomber, éclatés, épars, dépareillés.

Nuit du langage, tunnel de la naissance et de la mort dont les allusions fourmillent dans le livre -tuyaux de chantier, long tube du scanner-, et la quête de ce qui a été perdu : le narrateur n’a jamais entendu ses parents : « je n’ai jamais su si mes parents comprenaient ce que j’essayais de leur dire. Je mélangeais des mots appris dans la rue avec des sons éclos spécialement pour eux dans l’appartement, des sons qui changeaient d’un jour à l’autre et que j’ai peu à peu oubliés. Ils devaient en déchiffrer la plus grande part, puisque mes besoins de base étaient couverts » (p.12). Pourtant, la communication se fait entre l’intérieur (le foyer) et l’extérieur (la rue, l’école, les lieux de travail, de communauté).

Siam, Lily Tuck

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 25 Mars 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Editions Jacqueline Chambon

Siam. Février 2012. Trad. USA Frédéric Joly. 222 p. 21 € . Ecrivain(s): Lily Tuck Edition: Editions Jacqueline Chambon

 

Voyage littéraire inhabituel mais assurément « Siam » est un voyage.

Lointain. Exotique. Dans une Asie du Sud-Est à peine post-coloniale, encore pleine des parfums des bungalows chics des occidentaux, des thés parfumés et des domestiques indigènes obséquieux. C’est Bangkok, en 1967, vrombissant déjà des envols lourds de menaces des bombardiers américains en mission vers le Vietnam du nord.

Comme un présage de la période noire qui s ‘ouvre, le livre commence par le départ de Claire vers la Thaïlande :

« Claire et James s’envolèrent de Boston pour Bangkok le jour de leur mariage. Vol de nuit qui dura presque vingt-quatre heures ; l’avion volant vers l’ouest ne rattrapa jamais le soleil. Il fit nuit tout le temps du voyage. »

Et pourtant, ce qui attend Claire, jeune femme fragile et émotive, c’est un vrai voyage : la découverte fascinante, obsédante, d’un pays qui la submerge de son étrangeté, de ses règles de comportement, de cette langue Thaïe qui s’apparente à des exercices de vocalises :

« Mai, mai, mai, mai – non, nouveau, brûle, bois »

L'état des sentiments à l'âge adulte, Noémi Lefebvre

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 24 Mars 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Verticales

L’état des sentiments à l’âge adulte, février 2012, 200 pages, 19 € . Ecrivain(s): Noémi Lefebvre Edition: Verticales

 

Etre heureux est une question humaine, dit la narratrice à un moment donné de son récit haletant. Elle n’a pas de nom ni de repères dans un Paris qui se résume un peu aux alentours de la Place d’Italie et de la Gare du Nord. Un jour, un matin, cette question humaine, soudain, semble la saisir, l’empoigner sans possibilité d’y échapper. Elle la présente comme « un changement de vision » ; c’est-à-dire un rejet catégorique de toutes ces fictions plus ou moins conscientes qui permettent d’être encore motivé en dépit du bon sens, d’être distrait de « l’insondable douleur de vivre ». Une perte de toute illusion forcément douloureuse.

Jean-Luc, le compagnon, au chômage, n’a plus l’énergie élémentaire de se faire propre pour les entretiens d’embauche – il vise à un poste de chef de vente ; la narratrice elle-même, diplômée de l’université, n’a pu trouver qu’un emploi de travailleuse sociale. Tout le roman ou presque, en vérité, va décrire le contenu de ce travail social. Et cela a comme la valeur d’un vécu. Sa collègue Mariama, que ses « emmerdements » d’immigrée d’origine sénégalaise semblent paradoxalement mettre à l’abri de tout sentiment de désespoir, et elle, se relaient (de « douze à quinze » et de « cinq à huit ») auprès de… Victor Hugo. Hugo, sans cesse présenté ainsi : « Celui que je connais personnellement, pas celui que tout le monde connaît au moins de nom ».