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Roman

Il y eut un jour et il y eut une nuit, Abdijamil Nourpeissov

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 21 Juin 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Russie, L'Âge d'Homme

Il y eut un jour et il y eut une nuit, traduit du russe par Athanase Vantchev de Thracy, janvier 2013, 530 pages, 25 € . Ecrivain(s): Abdijamil Nourpeissov Edition: L'Âge d'Homme

 

Entre l’odyssée et la fresque élégiaque

 

Ce magnifique roman est scindé en deux parties narratives. L’auteur évoque dans la première séquence intitulée « Il y eut un jour » la relation difficile et conflictuelle entre Jadiguer, « Un homme de haute taille, au visage basané » et « au caractère de chien », et son épouse Bakizat, qui s’est mariée par dépit après avoir été rejetée par Azim, l’ami commun des deux. Tout au long de cette partie, le lecteur sent monter la tension dramatique et tragique. Quelque chose gronde, les blocs de glace vont forcément se fissurer sous les pieds de nos protagonistes.

L’écriture est dense et introspective. En effet, Abdijamil emploie le deuxième pronom personnel du singulier lorsqu’il s’apprête à « entrer » dans la tête du personnage intéressé pour restituer sa pensée au lecteur. Ce procédé façonne toute la grammaire du roman. C’est sa liturgie.

Quarante jours après ma mort, Samira El Ayachi

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 21 Juin 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Quarante jours après ma mort, Editions de L’Aube, avril 2013, 228 pages, 16,80 € . Ecrivain(s): Samira El Ayachi

 

Le narrateur n’est plus. Oui, il est mort. A Paris. Il avait trente-cinq ans. Ses parents, en pèlerinage à la Mecque, sont injoignables. Même s’il est né en France, il n’est pas question de l’enterrer ailleurs qu’au Maroc, le pays de ses origines. L’oncle Ali est dépêché pour « rapatrier » le corps à Fès. C’est là, dans la maison familiale, au milieu des siens, des voisins, des amis, des curieux que le défunt va attendre pour ainsi dire pendant quarante jours le retour de ses parents avant d’être inhumé. Longues, très longues semaines au cours desquelles, pas une seconde, son corps et lui ne seront laissés en paix. Un… purgatoire !

« Dans le salon de la maison familiale, ils se tiennent là, hagards. Ils font de mon corps un fétiche. Ils m’entourent. M’épient. Me commentent ».

« Je ne sens pas leurs visages au-dessus de mon corps blanc. Je ne perçois pas la couleur de leurs vêtements. Je n’inhale plus les odeurs, le parfum de leurs fleurs. Mes yeux sont sourds, mes paupières restent closes et ma bouche, éteinte. Car je suis bel et bien mort. Mais c’est avec stupéfaction que je comprends que je vais tout entendre de leurs discours. Et que mon enfer durera quarante longs jours ».

Emergency 911, Ryan David Jahn

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 20 Juin 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, USA, Actes Noirs (Actes Sud)

Emergency 911, trad. (USA) par Simon Baril février 2013, 331 p. 22 € . Ecrivain(s): Ryan David Jahn Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Partir avec Ryan David Jahn dans cette poursuite éperdue d’une fille qu’on a arrachée à son père sept ans plus tôt et qu’on croyait morte, est une traversée rugueuse du cœur même de la littérature noire. Jahn nous offre, dans un style toujours aussi nerveux et dense (on se rappelle le « De bons voisins » haletant !) une sorte d’épure absolue du polar, dans une version extrême. Par sa noirceur, son incroyable violence, son scénario élémentaire, Emergency 911 constitue le parfait syntagme du thriller.

Autant en avertir d’emblée les lecteurs sensibles : les scènes de violence de ce roman touche au gore dans sa version « bistouri » ! Dans une débauche de détails horrifiques qui rappellent les ralentis des films de Sam Peckinpah. Le rapprochement d’ailleurs s’impose : simplicité de l’histoire, étirement des scènes violentes, comment ne pas évoquer « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia » par exemple ?

« Davis fait un bond de côté, mais ça ne suffira pas pour échapper à la balle du deuxième canon, qui l’atteint en plein visage. Il n’a même pas le temps de crier. En une fraction de seconde, son visage se transforme en un masque de sang et de muscles. Des dents et des fragments d’os se répandent dans l’allée derrière lui, à l’intérieur d’un triangle rouge qui s’élargit, comme si sa tête était un sachet de ketchup qu’on avait écrabouillé. »

Nager nues, Carla Guelfenbein

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 20 Juin 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Actes Sud

Nager nues, juin 2013, 273 pages, 22 € . Ecrivain(s): Carla Guelfenbein Edition: Actes Sud

 

11 septembre 1973, 11 septembre 2001 : c’est entre ces deux repères historiques que le roman de Carla Guelfenbein, Nager nues, s’articule quant à son déroulement :

Sophie vit avec son père à Santiago du Chili, dans les années précédant l’arrivée au pouvoir de l’Unité Populaire conduite par Salvador Allende. Ce père, Diego, est haut fonctionnaire du gouvernement d’Allende. Il est passionné par son engagement politique et aussi par les femmes qu’il aime séduire, posséder, parfois d’un amour torride, exclusif, exigeant. Pour tenter d’oublier les absences répétées de ce père, Sophie se lie d’amitié avec Morgana. Cette jeune femme tombe sous le charme de Diego et entretient avec lui une relation amoureuse qu’elle tente de dissimuler aux yeux de Sophie. Cette dernière se sent trahie et rejoint sa mère en France, tandis que Diego et Morgana entrent dans la clandestinité après le putsch du 11 septembre 1973 dirigé par un certain général Augusto Pinochet. Tous deux sont exécutés par suite d’un guet-apens tendu par les militaires.

Côté cour, Leandro Ávalos Blacha

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 17 Juin 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Amérique Latine, Asphalte éditions

Côté cour, traduit de l’espagnol (Argentine) par Hélène Serrano, mai 2013, 192 pages, 15 € . Ecrivain(s): Leandro Avalos Blacha Edition: Asphalte éditions

 

Imaginez un monde où un omnipotent opérateur téléphonique, Phonemark, règne en maître absolu sur votre existence, peut supprimer d’un simple coup de rayon votre maison si vous ne rechargez pas votre portable de crédits suffisants. Imaginez que cette entreprise vous oblige à emprisonner entre vos murs, contre une modique rémunération, des petits délinquants ou des tueurs en série, vous transformant en geôliers domestiques, qu’elle surveille tous vos faits et gestes, et qu’au final, gratification suprême, elle vous rende malade ou fou à lier…

Vous habitez un quartier où les maisons possèdent toutes une cour isolée, et c’est dans ces lieux clos que l’horreur s’installe… l’horreur, le fantastique et le magique.

Dans ce roman bâti autour de cinq chapitres, que l’on peut lire comme autant de nouvelles, le lecteur glisse peu à peu dans un univers cauchemardesque, où les protagonistes subissent le joug du diktat de la firme, s’en accommodent tant bien que mal, vont parfois bien au-delà de ce qu’elle leur impose, ou tentent de s’engouffrer dans les failles du système pour garder une certaine marge de manœuvre individuelle.