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Loupo, Jacques-Olivier Bosco

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa 07.10.13 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Jigal

Loupo, septembre 2013, 200 pages, 16,80 €

Ecrivain(s): Jacques-Olivier Bosco Edition: Jigal

Loupo, Jacques-Olivier Bosco

 

Il y a du Jacques-Olivier Bosco dans le personnage de Loupo, à moins que ce ne soit l’inverse. Inutile de chercher dans la biographie de l’auteur des points communs avec le parcours chaotique du héros de son dernier polar. Non, l’identification que l’on flaire à chaque page du roman ne passe ni par les origines, ni par l’enfance abandonnée, ni par un CV de bandit spécialisé dans les braquages… Si Bosco est Loupo, ou l’inverse, c’est par la sensibilité exacerbée, par l’incapacité à guérir les bleus à l’âme infligés par les injustices, par la recherche perpétuelle d’un refuge salvateur dans l’amitié virile, le credo dans des valeurs humaines qui se dressent comme autant de remparts face à la désespérance, la jouissance dans l’amour qui donne encore envie d’y croire et de s’accrocher à l’existence. Écorchés, à vif, l’un et l’autre. Parfois désabusés, mais jamais cyniques. La rage en partage, mais aussi et surtout la tendresse.

Loupo, c’est un ancien môme de l’Assistance Publique d’Évry, comme son pote Kangou, le frappé des gros cubes. « Deux loups solitaires et méfiants », 25 piges chacun et déjà à leur actif pas mal de braquages de postes et de banques sur Paris et sa banlieue et qui bénéficient des tuyaux de Le Chat, leur « prospect », au parfum des mouvements de fonds et des sécurités mises en place. Les motos volées et trafiquées pour Kangou, les décisions et les flingues pour Loupo.

« Dès l’entrée en scène je fais brûler la poudre, je dégomme une poubelle ou un panneau vantant les mérites d’une vie à 3,4%. C’est ma méthode pour qu’il n’y ait pas de malentendu, qu’on est pas là pour rigoler, ça fait bouger les biftons plus vite, et les esprits aussi ».

Ça peut aussi blesser ou tuer… un vigile ou un gamin qui joue planqué derrière un panneau publicitaire. Un « accident » qui brise une personnalité déjà bien cabossée et qui ne laisse pas la place aux remords. « Les remords pour une fiotte c’est du p’tit lait pour se rhabiller, se refaire une âme. Mais pour un gonze, un vrai, c’est comme d’avoir balancé sa famille à Auschwitz, c’est entrer en enfer direct, et y rester… ». Une balle de trop qui risque fort de se retourner contre celui qui a appuyé sur la détente ; ultime ricochet d’une destinée mal barrée depuis les langes, une fin probable, peut-être préférable à l’insupportable sentiment d’être devenu un monstre.

Se rendre à la police, se suicider ? Loupo y songe, mais avant cela, il y a du « taf » à revendre, des comptes à régler, et un coup, « Le Coup », celui dont tout malfrat rêve, son assurance-retraite, la fin des emmerdes, à condition d’échapper à la police et aux gangs des cités. Et puis, il y a Nora, une fille qui lui ferait penser que le bonheur n’est jamais très éloigné.

Loupo, c’est aussi une immersion dans la délinquance des cités, dans la violence urbaine des bandes de blacks « entre seize et vingt ans, dans le style grosses parkas, grosses baskets, et bandanas sous la casquette », des types au ciboulot dévoré par la came et qui « n’aimaient que la nuit, la chair fraîche et les proies faciles, et quand le mal est fait, quand le loup a mangé l’homme, c’est terminé ».

Jacques-Olivier Bosco signe ici son livre le plus actuel, tant par le thème que par le style, âpre, percutant, aux accents de slam mâtinés de verlan, sans tomber dans le piège du systématisme ou de la caricature. Un scénario simple, bien ficelé, qui se met d’abord et avant tout au service du héros. Un polar cinglant, survolté, qui devrait attirer à l’auteur une nouvelle génération de lecteurs, pas toujours séduits ni convaincus par les thrillers où il faut un DEA de psychologie pour cerner le profil de tueurs psychopathes ou une agrégation de philosophie ou/et d’histoire, pour en feuilleter les 500 pages.

Cette volonté manifeste chez Jacques-Olivier Bosco de faire simple, court, accessible, allons… lâchons le mot… populaire… de mettre le destin d’un homme au cœur de son roman, et de situer l’action dans un cadre urbain, beaucoup plus sensible dans Loupo que dans ses précédents polars, renvoie le lecteur à la page de dédicace : « En hommage à Léo Malet et à André Héléna ». Deux orfèvres en la matière. Gageons qu’ils reconnaîtraient en lui un digne héritier.

Fidélité à la tradition du roman noir et modernité sont les deux mots-clés de Jacques-Olivier Bosco.

 

Catherine Dutigny/Elsa

 


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A propos de l'écrivain

Jacques-Olivier Bosco

 

Jacques-Olivier Bosco est né à Fontenay-aux-Roses le 10 mai 1967. Quand les anges tombent est son cinquième roman publié aux éditions Jigal Polar. Ses précédents livres chez Jigal Polar : Loupo, septembre 2013, Prix Coup de cœur Blues & Polar 2014 ; Aimer et laisser mourir, septembre 2012, Sélection prix Ancres noires 2013 ; Et la mort se lèvera, février 2010, nominé Plume de glace 2011 / Prix du Festival Polar de Serre Chevalier ; Le cramé, mai 2011, Choix des libraires 2012, nominé Plume de glace 2012

A propos du rédacteur

Catherine Dutigny/Elsa

 

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Rédactrice

Membre du comité de lecture. Chargée des relations avec les maisons d'édition.


Domaines de prédilection : littérature anglo-saxonne, française, sud-américaine, africaine

Genres : romans, polars, romans noirs, nouvelles, historique, érotisme, humour

Maisons d’édition les plus fréquentes : Rivages, L’Olivier, Zulma, Gallimard, Jigal, Buschet/chastel, Du rocher, la Table ronde, Bourgois, Belfond, Wombat etc.