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Roman

Station terminale, Roland Jaccard

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 26 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Serge Safran éditeur

Station terminale, mars 2017, 160 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard Edition: Serge Safran éditeur

 

« Fieffé égoïste, je me soucie peu des autres, surtout quand je ressens de leur part une sollicitude excessive. Je revendique ma solitude avec obstination. C’est d’ailleurs la seule rébellion qui vaille ».

« La morgue avec laquelle mon frère revendique son indépendance et justifie sa muflerie m’a toujours laissé pantois. Il se réclamait de Stirner, de Nietzsche et de Cioran. Poussé dans ses derniers retranchements, il s’en tirait avec une pirouette, quand il ne vous jetait pas au visage un aphorisme d’un nihiliste viennois ».

Station terminale est le dernier voyage romanesque, du plus amusant des nihilistes suisses. Roland Jaccard qui a longtemps et avec talent dirigé la collection Perspectives Critiques du PUF, édité Georges Sanders (1) et Rüdiger Safranski (2), fréquenté Emil Cioran, lu Schopenhauer, publié des chroniques dans un quotidien du soir, écrit quelques livres – Les chemins de la désillusion, La tentation nihiliste, Une fille pour l’été – où il dévoile ses passions amoureuses, philosophiques, littéraires et cinématographiques.

La guerre invisible, Drew Chapman

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 25 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Albin Michel

La guerre invisible, février 2017, trad. Frédéric Grellier, 510 pages, 23,90 € . Ecrivain(s): Drew Chapman Edition: Albin Michel

 

Écrire un roman policier peut s’apparenter à la technique du tressage ou du tissage. Comme on noue ou l’on entrecroise des fils ou des cordelettes pour réaliser un motif, on se sert des différents éléments d’une affaire ou des personnages comme des brins de matière que l’on attache ou que l’on entrelace. Au fur et à mesure de ces opérations, apparaissent, comme un canevas, les différents tableaux de l’histoire. Dans La guerre invisible chaque brin, chaque évènement constitue un chapitre. Ces derniers sont plutôt courts ; ainsi l’ensemble est bâti de telle sorte que, malgré sa complexité, l’histoire se lit bien et vous tient en haleine.

Le héros de Chapman, Garett Reilly, est un trader de vingt-six ans très brillant analyste, mais amoral et antimilitariste, travaillant sur le marché obligataire, chez Jenkins & Altshuler à New-York, sous le regard indulgent et protecteur de son boss Avery Bernstein.

Le Livre des livres perdus, Giorgio Van Straten

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 24 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud, Italie

Le Livre des livres perdus, avril 2017, trad. italien Marguerite Pozzoli, 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Giorgio Van Straten Edition: Actes Sud

 

Cette enquête passionnante autour de huit livres perdus, égarés ou disparus ou détruits pour diverses raisons, tient de la chasse aux trésors, entreprise par des adultes qui ont gardé l’âme des enfants chasseurs. Pourquoi ne peut-on lire ces œuvres d’auteurs célèbres ou reconnus ? C’est l’objet de cette recherche qui touche des récits, romans ou mémoires des XIXe et XXe siècles.

Ce livre comporte un avant-propos qui situe les enjeux de la quête fabuleuse, huit récits, une annexe (liste raisonnée des livres cités), un index des références. L’essai s’incruste au scalpel dans l’itinéraire créateur de huit écrivains qui ont, pour des motifs que ce livre argumente, abandonné, censuré, brûlé ou perdu une œuvre d’importance. L’essayiste s’est rendu sur les lieux de la disparition pour mener son enquête : Londres, Florence, Catalogne, Paris, Pologne, Canada, Moscou.

Les écrivains se nomment Romano Bilenchi, George Byron, Ernest Hemingway, Bruno Schulz, Nicolas Gogol, Malcom Lowry, Walter Benjamin et Sylvia Plath. Des itinéraires sombres pour plus d’un, marqués au sceau du suicide, de la boisson et de la névrose. L’intérêt marquant du livre est de nous faire vivre de l’intérieur ces pages qu’il nous sera impossible de lire mais bien d’imaginer, de rêver, parfois grâce à des découvertes qui tiennent du miracle.

Pour saluer la parution de Jack London dans la Pléiade (1)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 22 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Nouvelles, Aventures, La Pléiade Gallimard

Jack London, Oeuvres, 2 tomes, 110 € les deux volumes, Octobre 2016 . Ecrivain(s): Jack London Edition: La Pléiade Gallimard

 

Jean-Marie Rouart, dans un texte intitulé « Je demandais aux livres : “Comment fait-on pour vivre, pour aimer, pour être heureux ?” » (paru dans la revue Commentaire en 2015), écrit ceci :

« Je n’imaginais pas que j’éprouverais autant d’émotions en remettant mes pas dans des coups de foudre parfois anciens. Soudain je retrouvai intacte mon ancienne ferveur en relisant […] le début du Peuple de l’abîme de Jack London ».

Reprenons ce début, tel qu’il est traduit par Véronique Béghain, dans le volume de la Pléiade :

« Mais c’est impossible, vous savez », me dirent des amis auprès desquels je venais chercher de l’aide pour m’immerger dans l’East End londonien. « Vous auriez intérêt à demander un guide à la police », ajoutèrent-ils, après réflexion, s’efforçant non sans mal de s’adapter aux mécanismes psychologiques du fou venu les trouver avec plus de références que de cervelle.

Pour que la mort ne crie pas victoire, Alexis Ruset

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Avril 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Pour que la mort ne crie pas victoire, éd. Zinedi, janvier 2017, 211 pages, 19 € . Ecrivain(s): Alexis Ruset

Avec ce roman d’Alexis Ruset, le lecteur est plongé dans l’atmosphère trouble et mouvante d’un village situé sur la ligne bleue des Vosges, sur le front-est de la guerre de 14/18, quasiment entre les armées allemande et française dont les mouvements le mettent tantôt sous occupation ennemie tantôt en zone provisoirement libérée.

Le lieu de l’action constitue une scène idéale pour une intrigue qui met aux prises dans le petit village de La Harpaille des protagonistes dont certains profitent de l’état incertain des hostilités dans une guerre qui n’en finit pas de ne pas finir, pour donner libre cours à leurs bas instincts, à leurs jalousies, à leur haine de celui qui ne leur ressemble pas, de celui qui n’est pas « des leurs ».

Car le personnage central est venu de l’Alsace, alors allemande, avant la guerre et, dès son installation dans le village, il a suscité curiosité, moqueries, animosité, suspicion, superstition et répulsion. Il est nain, difforme, il arrive un soir monté sur un grand bouc blanc, il parle un alsacien mâtiné d’allemand, il est accueilli et logé par une vieille femme solitaire elle-même rabougrie, laide et édentée, dont la demeure est à l’extrême bout du village (représentation classique de la sorcière et de son habitation excentrée par rapport à la communauté villageoise) et qui lui loue un cabanon isolé dans la forêt proche. Il a, pour compléter l’archétype, des dons « diaboliques » de guérisseur et de vétérinaire. Le monstre et la sorcière…