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Recensions

Berlin Requiem, Xavier-Marie Bonnot (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 17 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Plon

Berlin Requiem, Xavier-Marie Bonnot, septembre 2021, 360 pages, 19 € Edition: Plon

 

Que peut un artiste, un intellectuel, une sommité face à la barbarie d’un régime totalitaire ? Xavier-Marie Bonnot tente de répondre à cette question en mêlant dans ce roman des éléments historiques, tels que les relations du chef d’orchestre du Philarmoniker de Berlin, Wilhelm Furtwängler, avec le régime nazi et ses dignitaires ; et par l’introduction de personnages totalement fictifs, Rodolphe Meister, fils d’une célèbre cantatrice, Christa Meister. Tous trois sont nés à Berlin, se connaissent et se fréquentent, à tel point que le jeune Rodolphe, musicien lui-même, envisage secrètement d’égaler Furtwängler et de le remplacer, si le destin lui sourit. Mais dans ce récit, ce qui est abordé, c’est la question du rapport de l’art et du pouvoir politique. Ainsi, une conversation entre le Führer et le célèbre chef d’orchestre est-elle évoquée au début du roman : les divergences sur le pouvoir de la musique apparaissent : pour Hitler, c’est faire de la musique le « guide de tout un peuple » ; pour Furtwängler, la musique agit autant sur la raison que sur les sentiments. A la fin de cette conversation, le maestro trouve Hitler commun et médiocre : « Cet homme a une multitude d’idées marginales et fort conventionnelles sur l’art. Sa médiocrité m’aurait effrayé si je n’avais pas été persuadé que jamais il ne parviendrait au pouvoir », note-il dans son carnet.

Un secret, Magdalena, Elsa Oriol (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 17 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Un secret, Magdalena, Elsa Oriol, éditions L’Étagère du bas, septembre 2021, 32 pages, 14 €

 

Le pot-aux-roses

Dès l’ouverture de ce remarquable album jeunesse, riche de 32 pages, aux dimensions de 24,5 cm x 30,5 cm, le mot secret s’affiche sur la 2ème et la 3ème de couverture, sous forme de messages confidentiels, dépliés et froissés, assez nombreux (plus de 40). Ces bouts de papier relatent un morceau d’histoire de Paul et de Laura, les deux principaux protagonistes. L’on peut y lire Journal secret intime, ou pitié dis-moi ton secret, tu sais pas garder un secret, etc., griffonnés avec une écriture enfantine et colorée. La graphiste et illustratrice Elsa Oriol brosse de véritables tableaux, à la peinture à l’huile, ce qui est assez rare. L’on peut voir le jus de la matière pour le motif des cheveux, par exemple, le grattage du fond (des sols), le tout assorti de tons poudreux, mats, bistres, rehaussés de bleus ciel, de jaunes paille.

Le temps appris, Patrick Devaux (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 15 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

Le temps appris, Patrick Devaux, mai 2021, 67 pages, 16 € Edition: Le Coudrier

 

Le temps appris, recueil de poésie de Patrick Devaux, illustré par de magnifiques aquarelles de Catherine Berael, est une immersion poétique au cœur du thème du souvenir, des mots adressés aux disparus. Au-delà de l’absence, du temps écoulé, le poète a la conviction qu’il demeure quelque chose des aimés, de l’amie disparue devenue « ange » : « Il est tard / mais je la sais / vivante / entre les mots du sommeil ».

Dans la continuité de Rimbaud et de sa célèbre « mer allée avec le soleil », le ciel et les oiseaux offrent à l’auteur une porte d’accès vers l’éternité. Au souvenir de la mystérieuse défunte, il dédie « des milliers de mots que jamais elle n’aura lus ».

Il y a également, en toile de fond, une réflexion philosophique passionnante sur le temps qui passe. Le temps est cet ennemi, cet assassin insidieux contre lequel nul ne peut lutter : « L’abeille /à / la fenêtre / ne sait rien /du / temps appris / qui /malgré / sa transparence / va /lui briser les ailes ». Le poète s’interroge sur la toute-puissance du temps qui a malheureusement le pouvoir de tout détruire : « Le temps / n’a pas bien / compris / des dieux /les ailes / qu’il avait / reçues ».

Avant que le monde ne se ferme, Alain Mascaro (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 14 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Autrement

Avant que le monde ne se ferme, Alain Mascaro, août 2021, 245 pages, 17,90 € Edition: Autrement

 

Tout aura commencé dans la steppe kirghize, au sein de la « kumpania » dans laquelle Anton Torvath va croître. Né au début du « siècle des génocides », Anton va acquérir ses armes de circassien dans un cirque composé de jongleurs, de trapézistes, de dompteurs. Il sera lui-même dompteur de chevaux. Anton Torvath est tzigane, et ce « fils du vent » va devoir voyager pour rencontrer le pire dans une Europe « où le bruit des bottes écrase tout ».

« Les années s’égrenaient doucement au rythme des spectacles : monter, démonter la toile, atteler les chevaux, tracer la route… Des enfants naissaient ; d’autres étaient en âge d’intégrer la parade ou de présenter un numéro. Ils s’essayaient à tout, même à ce qu’ils n’aimaient pas a priori, c’était la règle du cirque Torvath. C’était ainsi que naissaient les vocations, ainsi qu’arrivaient les accidents ». Anton va aimer les chevaux et les chevaux vont l’aimer, depuis l’enfance, après qu’un accident l’aura fortuitement dirigé vers les équidés qui ne cesseront d’importer dans son périple.

L’Affaire Pavel Stein, Gérald Tenenbaum (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Septembre 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres

L’Affaire Pavel Stein, Gérald Tenenbaum, Cohen & Cohen éditeurs, août 2021, 146 pages, 17 €

 

Enseigner les mathématiques dans une université de bon niveau (ou dans un autre établissement) ne prédestine pas à occuper une place, quelle qu’elle soit, dans la littérature. Or, Gérald Tenenbaum, professeur de mathématiques à l’université de Lorraine, auteur d’une Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres (omise à la rubrique « Du même auteur »), a également composé plusieurs romans qui ne se réduisent pas à une succession chronologique de titres, mais forment à présent cet ensemble organique qu’on appelle une œuvre, où chaque nouvel ouvrage prend place naturellement, non sans modifier la physionomie du tout. L’ensemble dépasse la somme des parties (peut-être y a-t-il une manière mathématique de formuler plus adéquatement cette idée). De même qu’il existe une relation entre l’unité que constitue le roman isolé et le tout que forme l’œuvre, une autre relation apparaît, entre l’œuvre et la tradition dont elle relève. La littérature française est, depuis Montaigne, une littérature de moralistes, ce qui n’implique pas une vision étriquée de la réalité, mais une volonté d’explorer les ressorts cachés des actions humaines (les maximes de La Rochefoucauld ont la rigueur, la transparence et l’inexorabilité des postulats géométriques).