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Recensions

Grand Union, Zadie Smith (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 24 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Nouvelles, Gallimard

Grand Union, Zadie Smith, mars 2021, trad. anglais, Laetitia Devaux, 284 pages, 21 € Edition: Gallimard

 

Ce premier recueil de nouvelles de Zadie Smith regroupe des textes parus pour certains dans le New Yorker ou The Paris Review. Tous, même les plus fantaisistes, sont en prise avec l’actualité, et laissent lire un net engagement politique, par le choix des personnages, des thèmes, des points de vue : femmes noires méditant sur leur vie, transsexuel essayant un corset, retour sur le meurtre, à Londres, en 1959, de Kelso Cochrane par de jeunes blancs.

Le recueil frappe par la variété des genres et des formes narratives. Certains textes sont des manières de fables ou de contes moraux, comme La rivière paresseuse, brève satire du mode de vie occidental, ou Situation de blocage, qui met en scène de façon amusée le Créateur. L’un des textes les plus forts est Deux hommes arrivent dans un village, qui relate le viol de l’ensemble des filles d’un village dans un style travaillé par l’oralité et la poésie des légendes. L’horreur de la situation en est certes ainsi estompée – ce n’est pas le reportage que vise Zadie Smith – mais c’est pour faire apparaître la question, morale, du sens de ces viols, de la construction de leur sens à travers le récit : le récit du violeur, refusé par la femme du chef, celui que tisse Zadie Smith à la première personne du pluriel, englobant le lecteur, la lectrice, dans un nous féminin.

L’Intrusive, Claudine Dumont (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 23 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

L’Intrusive, Claudine Dumont, aout 2021, 377 pages, 24 € Edition: Le Mot et le Reste

 

« Depuis bientôt deux mois, je ne dors presque plus. Des journées entières sans une seconde de sommeil et quelque chose en moi est sur le point de se briser. Je regarde le psychiatre devant moi. Regarder me fait mal ».

C’est Camille qui parle, atteinte d’un mal-être, aux sens physique et psychique du terme. Ce mal-être, c’est son manque de sommeil et ce sont des incompétences successives de médecins qui vont la conduire chez Gabriel. Camille veut tout essayer, elle est prête à tout. Mais si Camille veut retrouver le sommeil, c’est pour revoir sa nièce, Jeanne, qu’elle ne voit plus en raison des conséquences de sa « maladie ». Jeanne est la fille du frère de Camille, une enfant de qui elle était très proche, jusqu’à un incident qui fera cesser toute relation entre la nièce et sa tante.

Gabriel est recommandé à Camille par son frère Laurent. Le frère et la sœur sont très proches, et Laurent veut tout faire et tout tenter pour la guérison de Camille. Gabriel a une machine qui permet de sonder sommeil et rêves, et c’est un peu à contrecœur que Camille va accepter.

Objets intranquilles & autres merveilles, Claude-Max Lochu, Bruno Smolarz (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arts

Objets intranquilles & autres merveilles, Claude-Max Lochu, Bruno Smolarz, Atéki éditions, 2021, 76 pages, 17 €

 

Il y a une réelle osmose entre le travail pictural de Lochu et les textes de Smolarz. Pourtant, les toiles préexistaient. Bruno Smolarz a écrit sur, à propos d’elles. La rencontre est insolite, poétique, diverse : ces deux-là aiment la couleur tranchante, le voyage dans « la toile ». Bruno parle d’artiste protéiforme quand il vante les mérites de son ami peintre. Les mots collent bien avec les sujets variés que la palette de Claude-Max propose à notre acuité. Il est vrai que les objets du quotidien (baskets, chaussures, etc.) occupent une grande place comme les inscriptions dans une certaine tradition warholienne : tel ce bidon « oil the end ».

L’objet est par nature intranquille puisqu’il fait parler de lui. Et c’est merveille que de croiser ces textes sur des couleurs pétantes, faut-il le dire ; Claude-Max Lochu est un fameux coloriste dans une lignée de figuratifs qui aiment dessiner, colorier, peindre, et ça se voit, et ça se sent car il y a ici des regards croisés : Bruno décrit, accompagne, analyse, commente les toiles, sans jamais déborder ni tomber dans la répétition oiseuse ;

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales, juillet 2021, 160 pages, 16,90 € Edition: Serge Safran éditeur

 

« Mon cœur battait si fort que j’étais en apnée. Il faudra que je consulte mon cardio. Je ne pouvais plus respirer, plus parler, plus déglutir. J’irai voir aussi mon ORL. J’entrai dans le bureau. Ils gisaient là tous les trois, étalés à même le sol dans une mare de sang. En faisant rapidement le déroulé des opérations, j’arrivai à la conclusion qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord. J’ai oublié d’être conne ».

Dominique Guiou et Thomas Morales ont réussi un réjouissant petit roman policier écrit à quatre mains et à mille idées, inventant par la grâce du roman un privé : une Dame au cabriolet. Yvonne Vitti n’est pas de son temps, mais d’une autre époque, celle des chansons italiennes que plus personne n’écoute et des voitures décapotables fumantes et pétaradantes, qui énervent les écologistes, elle roule au volant d’une Saab cabriolet jaune citron sans âge, et celle des films aux répliques pétillantes et piquantes. On imagine sans mal Yvonne Vitti face à Jean-Pierre Marielle sous l’œil amusé de Philippe de Broca, une héroïne comme le cinématographe, aujourd’hui trop occupé à s’auto-célébrer, n’ose plus en inventer.

Les Centaures, André Lichtenberger (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 18 Août 2021. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

Les Centaures, André Lichtenberger, Editions Callidor, 2017, Ill. Victor Prouvé, 288 pages, 20 €

 

Avec Les Centaures d’André Lichtenberger, les éditions Callidor remettent en avant un roman qui avait été oublié, dont la dernière réédition remontait à 1924, et dès lors considéré, selon l’éditeur lui-même, comme « le premier roman de fantasy français ».

Initialement publié en 1904, Les Centaures met en scène trois races dominantes sur une terre dont l’époque semble très lointaine, sinon indéterminée. Ces trois races sont les tritons, les faunes et les centaures, ces derniers étant en vérité, par leur force physique exceptionnelle, les véritables dominateurs, ceux dont les paroles de paix ne doivent jamais être bafouées, au risque d’un châtiment suprême. En effet, si l’ensemble des bêtes vouent une gratitude sans pareille aux maîtres centaures, les attaques meurtrières ne sont pas tolérées. Les mangeurs de chair ne peuvent bénéficier de nourriture qu’en se penchant sur des cadavres, quand la nature a fait son devoir. Si un animal agit contrairement à cette loi, il n’existe aucun compromis : il mourra rapidement sous les coups furibonds, violents et indomptables des centaures, qui useront de massues, de leurs sabots et de leurs muscles.