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Recensions

Le pont international, Silvia Baron Supervielle

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 23 Novembre 2011. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Roman, Gallimard

Le pont international, 176 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Silvia Baron Supervielle Edition: Gallimard


Quelque chose échappe. Comme dans l'œuvre poétique de Silvia Baron Supervielle un infime déplacement ouvre des horizons, champs insoupçonnés de l'improbable, glissant de perspective en perspective. Ainsi Amalia : "Dans la chaleur du sable, elle ne bouge pas, comme entraînée intérieurement vers le ciel". (p.27)

Un vieux monsieur, Antonio Haedo, a des souvenirs qui lui viennent de l'âme plus que de la tête et du cœur. Assis dans un fauteuil devant la fenêtre, il marche dans son souvenir. A sa mémoire personnelle fait écho une mémoire imaginative, celle des livres dont il arrange et poursuit différemment la vie des personnages : "Antonio a également l'impression d'avoir été imaginé par son cousin -écrivain-, comme il soupçonne son cousin d'incarner le héros d'un livre". (p.29).

Le point de départ est Fray Bentos, petit village entre deux pays, l'Uruguay et l'Argentine, reliés par ce pont international qui donne son titre au livre : "(…) une nuit elle franchira le pont pour oublier enfin". (p.57) Les personnages s'enchantent de l'autre côté. Rien n'y est pareil, une autre vie peut commencer.

La Soeur, Sándor Márai

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 19 Novembre 2011. , dans Recensions, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Albin Michel

La sœur (A Nover), traduit du hongrois par Catherine Fay, 310 p. 20 € (1946) . Ecrivain(s): Sandor Marai Edition: Albin Michel


La sœur est un modèle de construction, un Psychose avant l’heure en termes de mécanique. Où le héros n’est pas forcément celui que l’on croit. Tout du moins, celui que l’on suit pendant toute la première partie du livre disparaît tout à coup. Il laisse la place à l’un des personnages secondaires et un nouveau livre commence. Comme si La sœur était composé de deux livres en un seul, deux longues nouvelles qui se chevauchent et qui se répondent. Ou plutôt où la deuxième mange littéralement la première.

C’est le quatrième Noël de la seconde guerre mondiale et le narrateur, un écrivain, est parti passer quelques jours dans une auberge, située au sommet d’une montagne de Transylvanie. Bientôt, le temps se détraque, il se « calque sur la guerre ». Tous les occupants de l’auberge se retrouvent acculés dans l’auberge, pris au piège, comme mis « en quarantaine ». Car le lieu n’est plus franchement hospitalier. Il est humide et il sent le graillon. Pour ne rien arranger, le narrateur se retrouve en compagnie de gens avec lesquels il n’a pas envie d’échanger plus de trois mots. Sauf un : Z. Grand musicien, il est devenu « l’ombre de l’être triomphant et légendaire » qu’il a été.

Le ParK, Bruce Bégout

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 12 Novembre 2011. , dans Recensions, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Allia

Le ParK, Editions Allia Avril 2010 – 152 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Bruce Bégout Edition: Allia

Sur une île privée au large de Bornéo, un milliardaire a créé le ParK. Comme son nom l’indique, c’est un parc, mais pas comme les autres. Il rassemble en effet tous les types de parcs en un seul, il est le parc de tous les parcs, la synthèse ultime qui rend tous les autres obsolètes.

Avec lui s’ouvre « une nouvelle phase dans l’ère du divertissement de masse », mais qui dépasse les notions mêmes de divertissement et de loisir.

Le ParK est immense. Sa surface est comparable à celle de la ville de Djarkata. Une année ne suffit pas pour en faire le tour et en découvrir toutes ses attractions. Des « attractions » ? Oui, mais ... pas tout à fait. Elles sont si délirantes et violentes qu’elles provoquent l’ahurissement et le malaise. Le qualificatif de « répulsions » leur sied mieux.

Le ParK tient tout autant de Disneyland que de Treblinka.

Il met en scène l’idée de parcage et rassemble en un seul lieu toutes les formes d’enclavement humain pour protéger, isoler, enfermer, domestique, classer, regrouper, exterminer. S’y côtoient une réserve animale, un parc d’attractions, un camp de concentration, une technopole, une foire aux plaisirs, des cantonnements de réfugiés, un cimetière, une kindergarten, des jardins zoologiques, une maison de retraite ou encore une prison.

La Barbarie, Jacques Abeille

Ecrit par Anne Morin , le Jeudi, 10 Novembre 2011. , dans Recensions, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Attila

La Barbarie, 2011, 123 pages, 15€ . Ecrivain(s): Jacques Abeille Edition: Attila

 

Dernier volet du triptyque des Contrées, faisant suite aux Jardins statuaires et aux Barbares, la Barbarie, en faisant mine d’apporter un point final et un sens, nous enseigne une autre direction, ainsi que le suggère une phrase prononcée par le narrateur au terme de son procès : « (…) on se trompe sur le sens des événements ; nous ne nous éloignons pas de la barbarie, nous y allons » (p. 109).

Revenu à Terrèbre qu’il habitait au moment de son enlèvement par les Barbares, après plusieurs années de quête en compagnie des Cavaliers, le narrateur ne retrouve ni sa place ni son rôle dans une société rigidifiée. Cléton, un bureaucrate à l’emploi mal défini, spécialiste des abysses de l’administration le reçoit au « conservatoire du livre et de l’imprimé » et lui laisse une impression étrange « (…) il était à tous égards d’une inhumaine beauté et semblait quelque dieu antique… » (p. 35). Après une série de démarches dans un dédale administratif kafkaïen, il se voit confier un poste d’assistant subalterne à l’université où il était professeur avant les « événements ». Les temps ont changé. Le narrateur a la mauvaise idée de publier un article sur le peuple des Cavalières, mi-magiciennes, mi-amazones qu’il a rencontrées dans les steppes.

Père et fils, Larry Brown

Ecrit par Yann Suty , le Dimanche, 06 Novembre 2011. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Père et fils (Father and son) Traduction de l’américain par Pierre Furlan Gallimard, 1996, 376 p. – Repris en Folio, n°3608, 2002, 436 p. . Ecrivain(s): Larry Brown Edition: Folio (Gallimard)

 

Le roman noir n’est jamais aussi bon que lorsqu’il vire en tragédie.

Même si ce livre évoque aussi, par son titre, la littérature russe, en reprenant celui de l’une des œuvres phares de Tourgueniev, l’histoire est très américaine et plonge dans le Sud cher à Faulkner. Ce Sud populaire et sale, de petits Blancs, au cœur d’une végétation luxuriante, battu par vents et tempêtes, où l’alcool coule à flots et le crime est toujours (trop) facile. Un décor idéal pour laisser le bien et le mal s’affronter.

Le mal, c’est Glen Davis qui sort de prison. Il y a passé trois ans pour avoir renversé un enfant au volant de sa voiture, alors qu’il conduisait en état d’ébriété. Il revient au pays, retrouve son père, Virgil, et son frère, Puppy. Mais ces années de prison ne l’ont pas calmé, bien au contraire.

Sa mère est morte pendant sa détention, mais personne n’ose révéler à Glen dans quelles circonstances de peur de se frotter à sa colère.