Petits bonheurs de l'édition, Bruno Migdal
Petits bonheurs de l’édition. novembre 2011. 141 p. 10,15 €
Ecrivain(s): Bruno Migdal Edition: Editions de la DifférencePetits bonheurs de l’édition est un vrai bonheur de lecture, un moment d’esprit, d’humour, de regards pertinents sur l’écriture et sur les mœurs des grandes maisons d’édition. Enfin en tout cas de « la grande maison », celle de la rue des Saints-Pères à St Germain-des-Prés.
Car Bruno Migdal nous raconte son stage de trois mois dans l’antre mythique ! Et on en sort avec lui à la fois séduit et amusé.
A commencer par la découverte des tonnes de manuscrits qui arrivent en flot continu, porteurs des espoirs les plus fous de leurs auteurs.
« …il déferle plus de manuscrits que tous les stagiaires du monde ne pourraient en éponger, c’est une lame de fond qui se fracasse sans répit sur le bâtiment. »
Et commence alors la confrontation à la chose écrite, la lecture, le moment de se forger une « opinion », le nécessaire et parfois bien difficile compte-rendu !
« Je m’étais préparé à devoir argumenter, ergoter sur des manuscrits d’une valeur moyenne : ce n’est pour ainsi dire jamais le cas. La plupart étant navrants, l’échelle des critères s’en trouve modifiée, de graduelle et tempérée elle devient convulsive, déréglée, un texte honnête se pare de vertus abusives, l’argumentation développée en sa faveur devient outrée. »
Et puis les rencontres, parfois réelles, parfois furtives, parfois fantasmatiques. Ainsi Le mystérieux P. R. (enfin pas si mystérieux), auréolé à jamais d’un prix Goncourt.
« P. R., toujours ponctuel, qui fait partie du comité de lecture, vient y briser son attente tous les mercredis après-midi. Lunaire, circonspect, excessivement discret, il déambule à pas silencieux, mains dans le dos, comme le petit personnage de Sempé. (…) Il m’adresse un salut furtif et me devient à jamais sympathique ; c’est, de plus, le premier Goncourt à venir me saluer. »
Et puis, le regard de « l’ethnologue » en pays d’édition. Les mœurs étranges des habitants, les embrassades permanentes, suivies de propos peu amènes aussitôt la rencontre finie. Les petits repas de midi au bistro du coin ou aux deux Magots ! Les silhouettes familières et typées de la grande maison. Au fond ce que nous raconte Bruno Migdal dans ce délicieux récit c’est l’histoire d’un malentendu : il veut l’Amérique et il arrive dans un bureau avec des employés autour de lui.
Mais quel bureau ! Orné du portrait de « Bernard ». Bernard dont l’ombre plane sur chaque mètre carré de la maison. Bernard qui restera pour notre « voyageur » une ombre jusqu’au bout !
« Aperçu le chauffeur de Bernard, cinquantenaire pakistanais en complet veston, qui me signale la présence du maître, dont on vante l’extrême courtoisie avec le petit personnel. Après avoir fait taire ma conscience, j’arpente négligemment les étages espérant provoquer une rencontre dans l’exiguïté d’un couloir, faire une expérience de phénoménologie. Peine perdue, je reviens encore bredouille : Bernard, c’est définitivement l’Arlésienne. Je le verrai plus sûrement à la télé ce soir. »
On sourit, on apprend, on s’amuse. Comme dans une sorte de « Tintin et les mille manuscrits ».
Des rapports de stage comme celui-là, on redemande !
Léon-Marc Levy
VL1
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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