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Poésie

De la mort sans exagérer, Wislawa Szymborska (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 12 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Gallimard

De la mort sans exagérer, juin 2018, trad. polonais Piotr Kaminski, 320 pages, 10,20 € . Ecrivain(s): Wislawa Szymborska Edition: Gallimard

 

Des fragments de neuf recueils qui s’échelonnent sur plus de cinquante années de production offrent une belle perspective sur l’œuvre du Prix Nobel de littérature de 1996. Née en 1923, décédée en 2012, la poète polonaise sait être incisive, mordante, en jouant de l’humour noir et du scalpel pour déloger de leur gangue de convenances des vérités bonnes à dire et à insuffler dans la trame poétique.

Comme le rappellent plusieurs interventions de son Discours devant l’Académie suédoise, Wislawa Szymborska pointe le scepticisme flagrant de tout poète qui « se respecte », puisque « la perplexité » est au cœur de toute création selon elle. En outre, « avec un poète, rien ne va plus. Son travail n’est pas photogénique pour un sou ». L’adage « je ne sais pas » donne donc une entrée décisive dans son travail, qui marque sans arrêt son interrogation sur le monde, à la manière subtile, aérienne, ironique, songeuse et grave d’une poète lucide sur le monde qu’elle vit, et qui l’entoure.

Le rien, le vide, la menace devant l’effroi ou la mort, la réflexion sur le « bonheur pendant qu’il y est », ou sur la « résurrection » cocasse de personnages qui sont revenus du lointain de la vie pour y entrer de nouveau.

Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes), Stéphane Sangral (par Claire-Neige Jaunet)

Ecrit par Claire-Neige Jaunet , le Lundi, 11 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Galilée

Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes) . Ecrivain(s): Stéphane Sangral Edition: Editions Galilée

Le recueil de Stéphane Sangral Circonvolutions nous conduit là où l’on peut s’étonner de l’espace et du temps, et même de son propre corps, de sa pensée, de sa conscience, de tous ces « souterrains » où le vide et le plein, le fini et l’infini, le beau et le laid, l’absurde et la cohérence, le grand et le petit, l’absence et la présence, ne cessent de se renvoyer l’un à l’autre. Et le texte qui dit tout cela n’est-il pas lui aussi « étrange », et « étranger » à cela même qui le produit et à celui-là même qui l’écrit ?

Qu’est-il, ce texte, s’interroge le poète : un « sursis bien trop court », un creuset qui accueille le désespoir, l’épuisement, l’ennui, l’« incapacité de lire le réel », le « leurre de la conscience », le regret de « se gâcher la vie par l’angoisse de sa fin », la fragilité de la « représentation » qui permet aux idées de ne tenir « en équilibre » que durant un moment limité… Le texte est une mise « à nu » totale : s’il permet de « mourir un peu moins » et de répondre au « besoin de faire puisque je ne sais pas être », une « absence » cependant s’affirme « sous la forme », le « cercle vicieux du Rien » (et « du Tout ») et « le tapis roulant du temps » s’y invitent et inscrivent la mort dans chaque circonvolution. Entre révélation et dissimulation, le texte est recherche de « L’Un », alors que bruissent des voix que seule une construction polyphonique peut donner à entendre.

Celui qui dut courir après les mots, Gil Jouanard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 20 Février 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Phébus

Celui qui dit courir après les mots, novembre 2018, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gil Jouanard Edition: Phébus

 

Signaler en épigraphe qu’on a aimé et qu’on aime, dans le désordre, Montaigne, Calet, Follain, Fargue et Supervielle, c’est enjoindre son lecteur à lire ce livre sous la bannière heureuse de ces dénicheurs d’enfance, si j’ose ainsi appeler ces poètes et prosateurs qui ont dû nourrir durablement notre Gil.

Bien sûr, passant du « il » au « je », sans en faire un jeu factice, Jouanard, avec ce long titre, tire de sa vie mission à comprendre, au-delà de ses propres signes, celle des autres, et loin, derrière, dans une volonté anthropologique de saisie des éléments (à l’aune de Bachelard), celle des ancêtres qui découvrirent pas à pas chasse, outils, langage, expression artistique.

De quoi une vie, pour celui qui la commente à l’âge respectable de plus de quatre-vingts printemps, est-elle tissée ? Du bois des ancêtres ? De cette insigne conquête des mots ? D’une timidité combattue à force de solitude et d’âpre lutte ? Ou encore de cette science personnelle qui pousse un être à se deviner très tôt, dans la forge des mots ?

Dans le sillon des mots, Dominique Sintobin (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 19 Février 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Dans le sillon des mots, Editions Les Déjeuners sur l’herbe, 2018, 92 pages, 10 € . Ecrivain(s): Dominique Sintobin

 

Dans sa démarche active de l’écrit, pensée comme une promenade de Vie, Dominique Sintobin verbalise la phrase comme on chantonne : « écrire et reprendre un cheminement comme on reprend un sentier le même mais autrement ».

Le quotidien, à peine parfois transgressé, fait office de bonheur principal incitant à marquer le pas.

Recherche d’unicité avec les éléments principaux.

Il y a quelque chose de magnétique dans cette démarche ressemblant à un appel d’air dans d’évidentes joies bonnes à rappeler.

La simplicité fait office de difficulté à rattraper le moment présent et le garder un peu dans le creux de la main quand « l’écorce se fait caméléon » prenant « la couleur de la pierre ».

Alluvions, Michel Wolff (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 12 Février 2019. , dans Poésie, Les Livres, La Une Livres

Alluvions, Editions Les Déjeuners sur l’herbe, mai 2018, Encres de Cécile Massart, 48 pages, 18 € . Ecrivain(s): Michel Wolff

 

Dans son prologue, l’auteur s’annonce « passager clandestin » de lui-même. C’est dans cette sorte d’acceptation involontaire de lui-même qu’écrit Michel Wolff.

Echappatoire, « le clou singulier » de la poésie aurait donc « la tête ailleurs ».

Avec des bribes de phrases, Michel Wolff ouvre ses mots dans un papier carré comme une annonce de message inconnu sur un écran blanc.

Le temps, ainsi, s’aquarellise dans les taches diffuses de la peintre Cécile Massart accompagnant, à la perfection, ce sang de l’extérieur venu sur la phrase comme une preuve, un indice que « l’autre », ce poète, existe vraiment.

Empreintes digitales entre le vide et le mot, les traces ont quelque chose de l’estran après la marée puisque, certes, « l’irréversible beauté du matin, à la détrempe, colore la renaissance du monde ».