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Poésie

L’oiseleur, Pierre Lepère (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 19 Novembre 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Z4 éditions

L’oiseleur, juin 2018, 104 pages, 12 € . Ecrivain(s): Pierre Lepère Edition: Z4 éditions

 

« Et n’étant plus personne Reconquérir Ithaque », écrit le poète Pierre Lepère dans L’île intérieure, l’un des poèmes constituant le premier volet, Intimité, de son nouveau livre paru chez Z4 éditions, L’oiseleur. Car, « au commencement comme à l’achèvement suffit le Verbe », note Hans Limon dans l’Avant-propos. Suffit effectivement le Verbe, le chant poétique, à celui qui, éternel passant et passager du ciel migratoire, effleure pudiquement mais s’approche tragiquement d’une bribe de ses ailes le cadastre d’humanité, le sien ouvert à l’univers – d’une aile, d’un regard, à l’affût pacifique de ce qui se trame au pays des Hommes et de la Terre. L’oiseleur est ce marchand qui prend les petits oiseaux à la pipée, aux pièges, aux filets. Le poète-oiseleur, pacifiste, capte par le « filet de lueurs » et par ses « stances orphiques » une réalité prise au risque des mots : celui de l’envol, forcément ravissant, à la prise de vue d’envergure, heureuse et/ou malheureuse, l’augure aléatoire dans le ciel quotidien mais augural dans la forêt des signes et des songes emparfumée de brume et de soleils noirs ou de tonicité magnétique à l’instar du sens de l’orientation des oiseaux livrés, corps entier, à l’altitude mystérieuse, énigmatique.

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Arfuyen

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister, édition bilingue, mars 2018, 174 pages, 14 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

Honneur de la Cause Littéraire 2018

Derrière le dandy courtois, l’élégant, distant et tolérant névrosé qui pond de virtuoses lettres de condoléances (que la mort rêverait d’apprendre à lire), on devine chez Rilke, disait Jaccottet, « une nécessité aussi dure que celle qui fait errer une bête près de mettre bas en quête d’un gîte propice »(comme l’avoue Rilke au fragment 43).

Ce petit livre de très brefs morceaux (chronologiquement) choisis et traduits par G. Pfister l’illustre remarquablement : la précise et périlleuse mission de l’homme est, pour Rilke, d’élargir l’Invisible ici-bas.

Élargir le visible, la technique et le jeu le font déjà, sans profit essentiel. Mais l’invisible (dont la pensée humaine n’est qu’un élément, un départ local) est bien à déployer et élargir, estime Rilke, ici-bas : transférer l’invisible dans un au-delà, par principe plus invisible que nous, qui n’en aurait cure, est vain. Trois passages ici le disent :

Comme un lundi, Carnet de bord assis tout au bord du temps, Thomas Vinau (par Sylvie Zobda)

Ecrit par Sylvie Zobda , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Comme un lundi, Carnet de bord assis tout au bord du temps, La fosse aux ours, août 2018, 115 pages, 15 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau

 

Thomas Vinau dédie son recueil de prose poétique aux bestioles tendres et aux brindilles souples. Dès les premiers mots, le ton est donné. Celui de la vie quotidienne, réenchantée par la plume kaléidoscopique de l’auteur. Il faut un certain talent pour s’émerveiller d’un début de semaine, entre pleurs d’un enfant, pluie continue, pelouse à tondre et ce temps qui défile, qui déraille, qu’il faut retenir pour mieux vivre l’instant. L’instant donc est précieux. Et c’est le bonheur des petits trésors que la vie apporte qui nous est présenté dans cette respiration bienfaisante.

« Il me faut prendre le temps. L’agripper par le col. Le maintenir sur place. J’ai ma technique pour ça. Technique de survie. M’asseoir et rattraper le retard par les yeux. Du néant au séant, je règle la focale. Distinguer la lumière qui escalade le mur. La longue patience sage du tuyau d’arrosage. Les couleurs qui font leurs bagages sur les jouets abimés. Il me faut reprendre à zéro. Dans les petits scintillements du néant. Refuser le mouvement du jour… » (Au sommet du plongeoir, p.62).

Choix de poèmes, William Butler Yeats (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 12 Novembre 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Choix de poèmes, éditions Petra, août 2018, édition bilingue, trad. anglais Claude-Raphaël Samama, 140 pages, 16 € . Ecrivain(s): William Butler Yeats

 

Cette nouvelle traduction française de poésies de William Butler Yeats par Claude-Raphaël Samama – après les restitutions françaises antérieures proposées par Fréchet (Aubier), Cazamian (Aubier), Bonnefoy (Gallimard), Briat (Seuil), Masson (Verdier) – se penche sur la part humaniste, sentimentale et réflexive de l’œuvre de l’écrivain irlandais, plutôt que sur celle ésotérique ou politique. Un lyrisme personnel s’exprime dans ces textes poétiques à la voix émouvante et désabusée, retenant l’attention du lecteur touché par l’expression de faits, d’états sentimentaux que le poète a pu lui-même expérimenter. Les textes de Yeats choisis par Claude-Raphaël Samama évoquent la guerre, les déceptions sentimentales, l’impossibilité de l’amour, la tentation de la résignation face à la bêtise ou le dépit amoureux, la sagesse acquise avec l’âge, la mort rêvée ou méditée, etc. La relativisation du sentiment amoureux revient murmurer au destinataire (lecteur, lectrice, Je, Tu, Nous) : « Ne donne jamais ton cœur » ou « Surtout n’aime pas trop longtemps » : Ma douce amie, que ton amour ne dure :Moi j’ai aimé trop et trop longtemps.

Hymnes à Shiva, Outpala Déva (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 09 Novembre 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Arfuyen

Hymnes à Shiva, Outpala Déva, septembre 2018, trad. sanskrit David Dubois, 168 pages, 16 € Edition: Arfuyen

 

« Égaré par l’ivresse de ton amour,

je veux voir tout ceci :

le monde entier

comme étant Dieu

à travers mon corps, ma parole et mon esprit.

Et aussi, que toutes mes actions

soient une adoration ! » (7-8)

Le shivaïsme distingue, au sein du Principe suprême – Shiva, c’est-à-dire Dieu – trois aspects complémentaires, comme des « sortes d’archanges délégués » de Shiva – Brahma, principe de création ; Vishnou, principe de conservation ; Roudra, principe de destruction – voués à « des tâches subalternes au plan de la dualité (mâyâ) ».