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Les Livres

Nos silences animaux, Serge Ritman (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Février 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Nos silences animaux, Serge Ritman, éditions Collodion, novembre 2021, dessins Laurence Maurel, 72 pages, 12 €

Acuité

Ce qui frappe tout de suite à la lecture de Nos silences animaux, c’est la certitude du trait. Il ne fait pas preuve d’hésitation. Le texte est donc décidé dès les premières lignes et il manifeste clairement son lien avec la langue, lieu sûr et presque stable, assuré, qui nous permet clairement d’entrer de plain-pied dans l’univers du poète. Je dis donc poésie nette, car encline à la force paisible du contour littéraire. Du reste, ces poèmes s’accompagnent des fusains et lavis de Laurence Maurel. J’y vois la revendication d’une volonté définie de s’intéresser au mouvement de la plume, sorte de certitude pour la peintre (et ici pour le poète) d’une confiance dans le geste sans repentir, directement présent à la figure (ici au poème). Cette opération du pinceau ou du stylographe se teinte d’une vérité du discours pictural ou poétique.

avec dessiner ou écrire

à vite qu’il signe à même mon tissu

de serge

Le Pain perdu, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 04 Février 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Italie, Editions du Sous-Sol

Le Pain perdu, Edith Bruck, Editions du sous-sol, janvier 2022, trad. italien, René de Ceccatty, 176 pages, 16,80 € Edition: Editions du Sous-Sol

 

Il y a une bibliographie d’Auschwitz, de Dachau, des autres camps, de la Shoah. Des ouvrages essentiels, comme ceux de Robert Antelme, de Primo Levi, d’Imre Kertész, de Jorge Semprun, signalent des récits directement éclairants sur cette période. Témoignages bouleversants aussi. On est avec Le Pain perdu dans le même ordre d’idées, dans la même qualité d’approche.

Bruck, née en 1931 en Hongrie, dans une famille juive, est déportée à treize ans à Auschwitz et connaîtra d’autres camps, des années terribles d’émigration forcée, de déni humain, avant de s’installer, un jour, en Italie.

D’une famille nombreuse, six enfants qui ne survivront pas tous à la guerre, Edith relate avec réalisme, acuité, âpreté ces années-là qui pourront un jour renseigner utilement toutes celles et tous ceux qui ne sauront plus rien de la période nazie et de ses conséquences funestes.

Toute la famille a été embarquée un jour où la mère avait réussi à faire lever le pain. Il n’aura pas eu le temps de connaître le four et de rassasier ces pauvres exclus par le régime dans leur propre pays, du seul fait d’être juifs.

Gorki et ses fils, Correspondances (1901-1934) (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 04 Février 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Editions des Syrtes

Gorki et ses fils, Correspondances (1901-1934), éditions des Syrtes, février 2022, trad. russe, Jean-Baptiste Godon, 480 pages, 23 €

 

La chaîne des sodalités

1. Lettres à Maxime

Les présentes lettres, inédites, sont issues de l’exceptionnelle correspondance entre Maxime Gorki (né en 1897 à Nijni Novgorod, Alexeï Maximovitch Pechkov, décédé en 1936) et Maxime Alexeïevitch Pechkov (1897-1934), son fils légitime, et Zinovi Pechkov, son fils adoptif (né Yechoua Solomon Movchev Sverdlov en 1884, décédé en 1966). Nous découvrons à travers ces missives les conseils paternels de Gorki à Maxime, l’exhortation à l’étude des arts, à vivre en esthète et au dépassement de soi ; ainsi lui écrit-il : « quel ravissement peuvent procurer tableaux et statues », et « L’écriture est une noble tâche, à la fois fascinante et utile aux gens ». Gorki, séparé de son épouse, Ekaterina Pechkova (1876-1965), séjourne à Saint-Pétersbourg, en Finlande, à New-York, à Capri, à Naples. Les voix d’adresse sont affectueuses et abondantes : « cher fils », « fiston », « fils bien-aimé », « cher ami », « doux », « bon », « mon fils chéri », etc.

Mémoires d’un aventurier juif, Du Shtetl de Lituanie au Soudan du Mahdi, Getzel Sélikovitch (par Paul Rodrigue)

Ecrit par Paul Rodrigue , le Jeudi, 03 Février 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Mémoires d’un aventurier juif, Éditions de l’Eclat, trad. yiddish Paul B. Fenton, 309 pages, 29 €

Un Juif francophone d’origine lituanienne écrivait-il en yiddish ses Sept Piliers de la Sagesse en même temps que Lawrence d’Arabie ? Les mémoires de Getzel Sélikovitch n’ont pas la dimension des autres grands récits du genre. De forme plus modeste, ils ont pour but, selon leur auteur, « d’enrichir la littérature juive de la fin du XIXe siècle en apportant des éclaircissements sur des aspects de la science du judaïsme et des événements historiques » (1). Ces mémoires survolent et dépeignent, de 1879 à 1885, diverses sociétés d’Europe, d’Afrique du Nord et du Levant, avec, toutefois, un regard, sinon unique, du moins singulier.

Un Sorbonnard, tout compte fait, fraîchement sorti du shtetl, se passionne de mythologie égyptienne. À Paris, il est aussi courtisan de cercles prestigieux : Ernest Renan, le baron Joseph Günzburg, Eliezer Ben-Yehuda, le baron Maurice de Hirsch. Des études parisiennes au journalisme hébraïque, il part enquêter à Londres, puis il devient interprète d’arabe pour l’armée britannique et s’engage en Égypte pour participer à la répression des forces rebelles soudanaises. Il combat aux côtés des Anglais quand Osman Dhiqna, principal général du Mahdi Muhammad Ahmed, chef des troupes insurgées, attaque son camp.

Quand le merle blanc…, Anne Letoré (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 03 Février 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Quand le merle blanc…, Anne Letoré, Editions de L’Âne qui butine, Coll. Xylophage, 2011, 164 pages, 22 €

 

Cette édition comprend 317 exemplaires numérotés et abondamment illustrés, sous couverture cartonnée ornée d’un dessin en incrustation. Un beau livre, dans la tradition de parfaite finition qui caractérise L’Âne qui butine, maison qu’a co-créée et que dirige Anne Letoré, par ailleurs auteure du présent ouvrage.

Marin, à divers âges de sa vie, est le personnage principal, très anti-héros, ballotté dans les flots aléatoires d’une existence passée à tourner en rond à la recherche du bateau Cassiopée, en référence à l’épouse de Céphée condamnée à tourner sans fin autour du pôle la tête en bas pour avoir osé affirmer que sa fille Andromède était, ô hérésie, plus belle que les Néréides.

C’est à bord de la Cassiopée que le jeune Marin tombe sous l’emprise définitivement implacable de Maîtresse, qui a ordonné à Capitaine, son amant défaillant, de lui dénicher dans un port d’escale un partenaire plus performant. « Pour Elle, j’étais aussi l’homme qui parcourait les bas-fonds des ports où nous accostions, à la recherche de chair fraîche […]. Elle était parfois d’une insatiabilité inouïe », se remémore Capitaine lors de ses ultimes retrouvailles avec Marin.