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Les Livres

Les villes de papier, Une vie d’Emily Dickinson, Dominique Fortier (par Jacques Desrosiers)

Ecrit par Jacques Desrosiers , le Jeudi, 17 Mars 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Biographie, Grasset

Les villes de papier, Une vie d’Emily Dickinson, Dominique Fortier, septembre 2020, 208 pages, 18,50 € Edition: Grasset

 

Dominique Fortier nous fait découvrir une Emily Dickinson attentive presque sensuellement au monde à la portée de son regard : son jardin, un nid de brindilles, l’érable devant sa fenêtre, le blanc immaculé de ses robes, effacés à l’occasion par la voix inopportune d’un visiteur au rez-de-chaussée. Cette femme qui finira par se cloîtrer dans sa chambre, ne voulant plus voir personne sauf ses proches, Les villes de papier ne la présente pas comme une recluse attendant d’être délivrée par quelque expert en psychose (la légende a d’ailleurs exagéré sa réclusion), mais comme une écrivaine qui a donné sa vie à la poésie, sans même se soucier de publier les centaines de poèmes qu’elle jetait dans le tiroir de sa commode. Elle a choisi de vivre à l’écart non de l’ordre social, mais de la société. C’est la ligne de force sur laquelle avance la prose délicate de Dominique Fortier : dédramatiser la solitude d’Emily Dickinson.

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 17 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED, Grasset

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly, Grasset, janvier 2022, 133 pages, 12 €


Il faut bien qu’on finisse par entendre, derrière le sinistre brouhaha actuel, la voix de l’Histoire. Pas seulement ponctuellement après des « propos », ou vagues et bavards débats. Pas seulement par des commentaires désolés, pour autant infatigables dans les réseaux sociaux. Ce n’est pas là, temps de l’Histoire. Il faut le temps d’un livre, et le travail de démonstration précise d’un historien de métier, qui plus est, spécialiste de la période tant « revisitée » par Eric Zemmour, la seconde guerre mondiale et Vichy. Car, « jamais, en cent cinquante ans, dans notre république, à la veille d’un scrutin majeur, l’extrême droite n’aura semblé aussi forte, n’aura fait autant de bruit. Rarement, en période de paix, le système politique national n’aura paru aussi fragilisé ». Constat de départ de Laurent Joly.

La Divine Comédie, Dante Alighieri, traduction nouvelle Michel Orcel (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 16 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Italie

L’enfer (2018, 456 pages, 35 €), Le Purgatoire (2020, 464 pages, 35 €), Le Paradis (2021, 480 pages, 35 €)

Le Dossier Dante, Autour de la traduction de la Divine Comédie par Michel Orcel, éditions La Dogona, Arcadès Ambo, octobre 2021, 80 pages, 12 €

 

« O donna in cui la mia speranza vige,

e che soffristi per la mia salute

in inferno lasciar le tue vestige,

 

di tante cose quant’ i’ ho vedute,

dal tuo podere e da la tua bontate

riconosco la grazia e la virtute.

Suttree, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Mars 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Suttree, Cormac McCarthy, trad. américain, Guillemette Belleteste, Isabelle Reinharez, 620 pages . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Folio (Gallimard)

 

Ce livre déferle sur nous comme un flot terrible. Le langage lèche, frappe, blesse – un flot de débris, poétique et trouble. C’est intime et rude, sans cette netteté ennuyeuse et la volonté de clarté que vous trouvez dans n’importe quel roman bien fait. Cormac McCarthy a peu de pitié à partager, pour ses personnages ou pour lui-même. Son texte est brisé, beau et laid, c’est selon. M. McCarthy ne nous bercera pas avec une chanson douce. « Suttree » est comme un bon, long hurlement dans l’oreille.

Les lignes qui précèdent sont de Jerome Charyn : New York Times, 18 février 1979. Il n’est pas de meilleure introduction à ce qui suit.

Suttree est le roman le plus faulknérien de l’auteur le plus faulknérien. Jamais le flux de conscience n’avait retrouvé vie avec l’intensité, la brûlure que lui imprime Cormac McCarthy dans Suttree. Bien sûr, il y aura quelques années plus tard le très beau et très obsessionnel Méridien de sang, mais c’est bien dans Suttree que McCarthy déploie totalement son manifeste littéraire, celui qui proclame la langue comme objet central de la littérature.

Misère de l’homme sans Dieu, Michel Houellebecq et la question de la foi, Collectif, Caroline Julliot, Agathe Novak-Lechevalier (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 15 Mars 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Flammarion

Misère de l’homme sans Dieu, Michel Houellebecq et la question de la foi, Collectif, Caroline Julliot, Agathe Novak-Lechevalier, Flammarion, janvier 2022, 384 pages, 14 €

 

S’agit-il vraiment d’une qualité propre à un écrivain, au même rang que le style, l’aptitude à construire une intrigue, à créer des personnages auquel le lecteur aura envie de croire ? On peut en discuter. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître à Michel Houellebecq une impressionnante capacité à distinguer les « signes des temps ». Par quel prodigieux hasard, après ses déclarations franches sur l’islam, « religion la plus con », ses éditeurs choisirent-ils la date du 11 septembre 2001 pour aller faire amende honorable à la Grande Mosquée de Paris ? Quelques années plus tard, en décembre 2014, la publication annoncée de Soumission s’accompagna d’une écœurante odeur de sang : on allait voir ce qu’on allait voir et tout le landernau de l’antiracisme subventionné, de l’islamophilie aveugle et de la dhimmitude volontaire, se préparait pour la curée médiatique, en attendant peut-être mieux (accuser quelqu’un d’islamophobie équivaut à lui peindre une cible dans le dos ou des pointillés sur la gorge).