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La Une Livres

Magma, Marine Rivoal (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 09 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Jeunesse, Le Rouergue

Magma, Marine Rivoal, éditions du Rouergue, février 2022, 48 pages, 16 € Edition: Le Rouergue

 

Celui qui naît de la lave

Marine Rivoal est une jeune graphiste, née en 1987, diplômée d’illustration de l’École Estienne puis des Arts Décoratifs de Strasbourg. Elle signe cet album jeunesse brûlant, intitulé Magma, où une comète en feu née de la lave raconte son histoire. Le magma, masse informe qui, en se consolidant, donne une roche endogène, arrive ici des tréfonds de l’abîme ou de la stratosphère. Sur la première page de présentation, la boule de feu se repose dans un espace sidéral noir de charbon troué de blanc et dans la page de garde du verso, le magma explose, liquide épais en fusion – deux états de la masse…

Tabada ! Tabada ! Tabada ! La boule flamboyante s’éveille, ouvre deux yeux ronds, s’élance d’un cratère par-dessus les océans, les montagnes, les fougères, les lacs, rampe en dessous des plantes primordiales et des racines et traverse même le royaume des morts. Lors de son passage, le magma, bombe en caléfaction, coule à la façon d’un long ruban ignescent fauve et orangé. Le jeune lectorat pourra dénombrer les espèces végétales et animales des illustrations, découvrir ce qui est enfoui, grâce au vide du ciel pur, blanc cassé, vierge. De plus, chaque reproduction occupe une double page.

Les Sacrifiés, Sylvie Le Bihan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 08 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Denoël

Les Sacrifiés, août 2022, 384 pages, 20 € Edition: Denoël

 

« Chaque vie tissée de tourments, de peine et de labeur contient une petite étincelle de joie. Pour Juan, ce fut Ignacio. Et surtout, ce fut l’amour que le célèbre torero avait laissé à Madrid et dont il rapportait, sur les pans sombres de sa veste, les traînées d’un bonheur caché ».

Les Sacrifiés contient cette étincelle de joie, cette même étincelle qui parfois jaillit lorsqu’un torero se livre face à son taureau, ou encore quand un chanteur de flamenco touche au point indicible du duende, ce miracle inspiré, lorsque le chant transcende le chanteur et son public. Les Sacrifiés est un roman touché par cette même grâce inspirée. Roman d’une passion amoureuse, et d’admirations. Admiration pour la génération de 27 qui rassemblait notamment des écrivains et poètes comme Pedro Salinas, Rafael Alberti, ou encore Federico García Lorca, et le torero écrivain Ignacio Sánchez Mejías. L’un fusillé le 19 août 1936 à Grenade par les phalangistes, l’autre encorné par le taureau Granadino dans les arènes de Manzanares, et qui en mourra deux jours plus tard.

De Pétrarque à Kerouac, sous le regard de Richard Escot (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mercredi, 07 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits

De Pétrarque à Kerouac, sous le regard de Richard Escot, Editions Les Défricheurs, Coll. Fondateurs, avril 2022, 80 pages, 12€

 

L’empreinte de Pétrarque

« Il est des lieux où souffle l’esprit », on le sait depuis Maurice Barrès. Ainsi à l’approche d’une colline qui nous attire de loin, ou encore lorsqu’on découvre une clairière éclatante de lumière au cœur d’une forêt, après avoir suivi des chemins erratiques, ou bien au bord d’un fleuve révélant une courbe élégante et mystérieuse. On ressent alors devant tous ces paysages quelque chose de très profond. Tous ces endroits possèdent un je ne sais quoi qui leur confère une dimension fascinante, magique, proche du sacré. Et les hommes ne s’y sont pas trompés en nimbant ces lieux de légendes de toutes sortes. Il n’y a pas que le temps que les hommes ritualisent et sacralisent mais l’espace également.

Le Mont Ventoux fait partie de ces lieux. On ne l’approche pas innocemment. De loin, de la plaine provençale et au-delà, le Mont Chauve, aride et désolé, attire le regard de sa masse imposante. Son nom (bien qu’il soit sujet à toutes sortes d’interprétations) indique que là-haut, il y souffle ; les éléments y disent leur colère.

Nos derniers jours, Un temps à vivre, Kathryn Mannix (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Iles britanniques, Flammarion

Nos derniers jours, Un temps à vivre, Kathryn Mannix, Flammarion, mars 2022, trad. anglais, Marie-Anne de Béru, Clotilde Meyer, 318 pages, 22,90 € Edition: Flammarion

 

La mort est à la fois banale et exceptionnelle. Banale car, comme le rappelle Kathryn Mannix, « le taux de mortalité reste de cent pour cent » (p.16). Quoi qu’affirment les différentes religions, il n’est pas d’exemple d’être humain immortel. Même le Christ, le Fils de Dieu, a connu l’épreuve de l’humiliation, de l’angoisse, de la déréliction et, pour finir (ou pour commencer, selon le point de vue) de la mort. Auparavant, seul le prophète Élie avait échappé à la mort physique, mais le judaïsme s’est étrangement abstenu de bâtir une théologie entière sur cette exception, comme si elle était de peu de conséquence.

Exceptionnelle, car l’expérience des autres, si nombreux soient-ils, à avoir quitté ce monde avant nous (« Les morts sont plus nombreux que les vivants », écrivait Ionesco), ne nous est d’aucun secours et chacun doit « vivre sa mort » (étrange expression) individuellement, au contraire de la naissance, dont personne n’est conscient (sans doute est-ce mieux ainsi).

Lumière d’août (Light in August), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Lumière d’août (Light in August, 1932), trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, 628 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

La scène inaugurale de ce roman – l’ouverture peut-on dire tant on pense à l’art lyrique – est d’une lenteur biblique. Le temps y semble dilaté jusqu’au bord de l’immobilité. Plus qu’un ralenti, c’est un à-peine-mouvement, un semblant, qui anime la jeune femme dans son long périple, avec son petit baluchon et cette charge innommable dans son ventre. Qui anime la charrette qu’elle croise et dont on perçoit plus le bruit que le mouvement. Scène d’ouverture écrasée par la chaleur, par la lumière d’août. Une des plus belles ouvertures romanesques de l’histoire de la littérature.

Assise sur le bord de la route, les yeux fixés sur la charrette qui monte vers elle, Lena pense : « J’arrive de l’Alabama : un bon bout de route. A pied de l’Alabama jusqu’ici. Un bon bout de route ».

Lena arrive à Jefferson comme une parfaite étrangère. Pieds nus, enceinte et abandonnée par le père de l’enfant qu’elle porte, Lena stupéfie et scandalise ceux qu’elle rencontre. Elle est considérée comme une paria, suscitant des réactions qui pourraient laisser penser que Jefferson est un lieu où les étrangers et les marginaux sont rares, où il y aurait des normes communautaires.