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La Une Livres

Gîtes, Julio Cortazar

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 24 Juillet 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Amérique Latine, Nouvelles, Gallimard

Gîtes, trad. de l’esp. par Laure Bataillon, Gallimard, Collection L’imaginaire, Mai 2012, 280 p. 9,50 € . Ecrivain(s): Julio Cortázar Edition: Gallimard

 

Ce qu’il y a de fascinant dans les nouvelles de Cortázar, très représentatives de la riche littérature fantastique latino-américaine, c’est qu’elles partent quasi toujours du quotidien, de situations des plus banales, et puis, comme si la réalité commune n’était protégée que par un voile extrêmement ténu, soudain par une brèche, une faille, une déchirure, elle est envahie ou insidieusement pénétrée par d’autres réalités bien plus sombres et menaçantes, où évoluent des créatures dangereuses, effrayantes, ou pire encore. Elles montrent à quel point notre normalité, finalement, tient à peu de chose et qu’un rien peut nous faire basculer dans la folie, attiser nos pulsions les plus obscures, les plus animales, comme la statuette qui rend fou et sanguinaire dans L’idole des Cyclades et Les ménades, où un chef d’orchestre paye cher et probablement en chair, son moment de gloire, quand le concert classique se transforme en orgie carnassière, sous la conduite d’une femme vêtue de rouge. Le talent de Cortázar n’est plus à démontrer, et bien que les nouvelles de Gîtes, dont certaines figurent également dans d’autres recueils, commencent à dater – première parution chez Gallimard en 1968 – elles n’ont pas pris une ride. Elles se lisent avec toujours autant d’intérêt, de frissons et de plaisir.

Au carnaval des espérances, Jean-Claude Baise

Ecrit par Lionel Bedin , le Samedi, 21 Juillet 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Au carnaval des espérances, Les presses du midi, 2011, 224 p. 18 € . Ecrivain(s): Jean-Claude Baise

 

Au Carnaval des espérances est un roman dans lequel Jean-Claude Baise nous transporte dans un pays qu’il connaît bien : la Guyane. La Guyane et ses lieux emblématiques : Saint-Laurent-du-Maroni, Kourou, Cayenne. La Guyane et son exubérance végétale. La Guyane et sa moiteur, sa chaleur. Un pays où les corps sont peu vêtus, où les jeunes femmes marchent avec des « mouvements fondus et harmonieux, sveltes et félins ». Un pays dans lequel des populations se sont mélangées aux cours des siècles. « Ici, l’humanité pétillait comme si l’Histoire, avec des talents d’artiste, s’était servie de toute la palette des races humaines pour créer des teintes et des nuances toujours différentes ». Un pays avec un décor de rêve : le fleuve Maroni et les petites rivières se parcourent en pirogues ; les mygales surgissent sur les empennages de bois, les crabes aux pinces rouges s’enfuient sur le sol spongieux… Un pays de rêve ou de cauchemar, tout dépend.

Tout dépend du moment où l’on y arrive et ce que l’on vient y faire. L’histoire démarre à Cayenne, et par un grand moment : le carnaval. Une grande fête, un incroyable spectacle.

Faites les fêtes, Francis Marmande

Ecrit par Frédéric Aribit , le Vendredi, 20 Juillet 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits

Faites les Fêtes, Nouvelles Editions Lignes, 253 pages, mai 2012, 20 € . Ecrivain(s): Francis Marmande

 

Il y a mille-et-une façons de faire les fêtes. Mille-et-une aussi sans doute de les écrire, ce qu’on a curieusement peu fait. Francis Marmande vient de s’y coller, dans un livre en forme de vide-poches qui en épuise environ 63, ni plus ni moins, soit le nombre exact de ses pérégrinations aux fêtes de Bayonne, la première de ses villes natales, depuis 1949. Il a alors 4 ans, et c’est l’âge idéal pour entrer enfin dans cette autre université de tous les non-savoirs. « Joie d’abandon » ? Voire. Juste au moment de l’été, disons quand on voudra mais de préférence entre Herri Urrats (mai) et les fêtes de Sare qui closent un peu la saison (septembre), c’est une propédeutique pas banale pour aller se perdre, le verre à la main, dans les fêtes dites « locales », les gaztexte et autres peñas basques qui vous laisseront peut-être entrer. Ou alors, préférer le Guide Michelin, mais c’est autre chose.

Le livre, poteo littéraire, déambule au caprice de la mémoire, et trinque au comptoir de tous les genres, comme on filerait le train au hasard en personne, d’un bar à l’autre, à Donosti. Ce sont des anecdotes personnelles, déjà racontées ailleurs (l’honorable ruade d’une vache en 1976, lire le jubilatoire Chutes libres) ou inédites, toujours truculentes, où la mise en scène héroï-comique donne souvent le pouls de l’amitié, régionalismes compris (les cheveux « trempes »…).

Assommons les pauvres ! Shumona Sinha

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 18 Juillet 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Asie, Roman, Récits, L'Olivier (Seuil)

Assommons les pauvres !, 2011, 155 pages, 14,20 € . Ecrivain(s): Shumona Sinha Edition: L'Olivier (Seuil)

Ce petit livre rapporte :

 

– qu’au Nord prospèrent des états opulents, arrogants, accapareurs, vivant en paix et vendant des armes, démocratiques et imposant leur système économique au reste du monde

– qu’au Sud, il y a des populations pauvres, humbles, spoliées, prises en étau dans des guerres intestines, subissant une dictature affirmée ou déguisée, conséquemment miséreuses

– qu’entre ces deux mondes, les routes se ferment, les frontières se renforcent, des murs s’érigent

– que du Sud vers le Nord s’écoule, malgré les barrières, un flot incessant d’hommes et de femmes, ici échappés du sous-continent indien,  qui, en échange du peu qu’ils possèdent, mettent leur vie entre les mains de passeurs dénués de tout scrupule dans l’espoir d’arriver dans l’aire où tout paraît aller mieux.

– que ceux d’entre eux qui survivent aux périls de la migration doivent se procurer, à destination, la clé qui leur permettra de sortir de la clandestinité : le statut de demandeur d’asile politique.

Tout cela, nous le savons, plus ou moins.

Contes d'ailleurs et d'autre part, Pierre Gripari

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 17 Juillet 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Grasset, Jeunesse

Contes d’ailleurs et d’autre part, Illustrations de Guillaume Long, 2012. 190 p. 9 € . Ecrivain(s): Pierre Gripari Edition: Grasset

 

Publiés une première fois en 1990, voici la réédition de huit contes d’ailleurs et d’autre part, à la sauce Gripari, huit bijoux de drôlerie fantastique, inspirés des folklores russes, français, italien et d’Afrique du Nord. Un véritable régal, avec ce verbe franc, truculent et tellement poétique de Pierre Gripari, s’adressant à ses lectrices et lecteurs d’une façon si familière, qu’elles et ils pourraient croire qu’il est assis tout près d’elles et eux. Le conteur de la Rue Broca est véritablement talentueux, c’est évident, mais outre son imagination pétulante, il est doté également d’une grande liberté de pensée. Ils nous emmènent donc ici dans un monde peuplé comme il se doit de magie, d’amour et de courage. Dans Mademoiselle Scarabée, on comprend que l’apparence importe peu, mais qu’il importe de trouver bonne boulette à son pied quand on veut se marier. « Quand un cheval trottine et crottine, quand une vache lâche sa bouse en marchant, je fais une petite boule de la chose en question, puis je la pousse à reculons jusqu’à ma maison ! » Dans Madame-la-Terre-Est-Basse, les objets ont une âme, ils parlent, ils bougent, ils peuvent être tristes mais savent aussi se venger.