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La Une Livres

Calligraphie des rêves, Juan Marsé

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 16 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Biographie, Récits, Christian Bourgois

Calligraphie des rêves, traduit de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu, 412 p. 20 € . Ecrivain(s): Juan Marsé Edition: Christian Bourgois


Une lettre à l’adresse indécise, mal adressée, un messager hésitant entre la littérature et la musique, deux manières d’exprimer la moelle d’une réalité qu’il préfère placer à côté, ou mettre de côté. Un mal entendu, le doigt manquant, celui qui échappe à Ringo, l’empêchant de devenir pianiste et/mais l’obligeant à s’appliquer à tenir le stylo entre pouce et majeur, ne pas écrire n’importe quoi, repasser la phrase dans sa tête, avant de jeter les mots : chacun aura sa place comme les notes sur une portée : « (…) l’autre (main) s’obstine à cacher, avec pudeur, la première annotation, quand, attentif à d’autres échos et à un autre rythme, il décide de corriger et de préciser davantage. (…) Il croit que ce n’est que dans ce territoire ignoré et abrupt de l’écriture et de ses résonances qu’il trouvera le passage lumineux qui va des mots aux faits, endroit propice pour repousser l’environnement hostile et se réinventer soi-même » (p.207).

L’ « art de bien écrire », la transmutation. Fixer des rêves comme des vertiges, les laisser s’imprégner de réalité : « (…) C’est peut-être la première fois que ce garçon pressent, ne serait-ce que de façon imprécise et fugace, que ce qui est inventé peut avoir plus de poids et de crédit que la réalité, plus de vie propre et plus de sens, et par conséquent plus de possibilités de survie face à l’oubli » (p.19).

Noces de verre, Philippe Routier

Ecrit par Paul Martell , le Dimanche, 15 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

Noces de verre, janvier 2012, 224 p. 18 € . Ecrivain(s): Philippe Routier Edition: Stock

La banalité du mal.

La formule d’Hanna Arendt pourrait s’appliquer au livre de Philippe Routier, Noces de verre, qui nous propose un voyage très éprouvant pour les nerfs.

Le père de Khadija, Tareq, est épicier à Puteaux. Après la mort de sa femme, il décide de retourner au pays, à Essaouira au Maroc. Khadija a 19 ans, elle travaille dans un magasin Relay et, pour elle, ce départ est le début d’une « cruelle solitude » qui durera de longs mois. Solitude que semble briser, un an plus tard, sa rencontre avec Virgile dans une laverie automatique.

Virgile suit des études pour devenir prothésiste dentaire et il est passionné de tuning. Ce n’est pas exactement le coup de foudre entre les deux gens, mais ils vont être amenés à se fréquenter et à se plaire l’un l’autre.


« Khadija voyait en son compagnon un garçon un peu fruste au charme puissant, plein de tonus, qui aimait potasser ses cours et qui saurait se bâtir un solide avenir. Elle avait besoin de s’appuyer sur un jeune homme de cette trempe pour entamer une nouvelle vie. Cette nécessité affaiblissait son discernement et lui ôtait toute méfiance. »

Pour une vie plus douce, Philippe Routier

Ecrit par Paul Martell , le Samedi, 14 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Pour une vie plus douce, 6,10 € . Ecrivain(s): Philippe Routier Edition: J'ai lu (Flammarion)

Sorti en 2009, le livre de Philippe Routier trouve une résonnance particulière, aujourd’hui, en pleine crise économique sous fond de dettes d’Etats. Son sujet principal, le surendettement, n’est pas sans rappeler l’ouvrage d’Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne. Mais à la différence de ce dernier qui avait une approche quasiment documentaire des choses, en se plaçant du côté des juges chargés de traiter ce type de cas, donc avec une certaine distance, Philippe Routier se met du côté des endettés, les suit dans leur quotidien, et donne une véritable incarnation au sujet.

Au début du livre, le père du narrateur sort de prison après y avoir passé sept ans. On apprendra plus tard que c’est parce qu’il a cherché à tuer son fils. Mais celui-ci lui a pardonné. Il attend même son père à sa sortie de prison, non pas pour régler des comptes, mais pour l’aider à reconstruire sa vie et à repartir de l’avant. « J’ai la certitude que mon père m’a toujours profondément chéri, même si, plus tard, son acte effarant […] en ferait douter un jury d’assises ».

Dès lors, Philippe Routier va s’attacher à remonter aux causes de cet emprisonnent. « Ecorché vif, mon père ne le fut jamais qu’aux coudes, pour avoir rampé vers une place au soleil qui ne cessait de reculer devant lui ». Pour se faire cette « place au soleil », le père achète, achète encore, achète toujours.

Revue Rue Saint Ambroise N° 28 (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 13 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Revues

Rue Saint Ambroise N° 28

Elégant, clair, aéré, le N°28 de « Rue Saint Ambroise » semble à l’image de l’entreprise de ses créateurs et animateurs. Il faut au moins ces trois qualités pour s’aventurer dans la publication de micro-nouvelles issues de la plume d’auteurs aussi différents que possible !

Le genre en effet, la nouvelle très courte, est des plus exigeants. Toute médiocrité, imitation ou faiblesse d’écriture y est impitoyablement visible, comme le nez dans la figure ! La brièveté amène naturellement le lecteur à une attention qui n’a pas le temps du relâchement.

L’équipe de « Rue St Ambroise » l’a parfaitement compris. Elle l’écrit d’ailleurs dans la présentation de sa revue : « Attention aux auteurs, temps pour lire ». Et la plus belle qualité pour réaliser pareil projet est, assurément, la curiosité d’esprit, la certitude que des auteurs ont quelque chose à raconter, à apporter, et pas forcément des auteurs connus.

19 petites nouvelles, joyeuses ou tristes, graves ou pas sérieuses, classiques ou innovantes. Avec une qualité en commun : la … qualité ! Une vraie rigueur de choix, tant dans les trames narratives que dans l’élégance de l’écriture. Avec une palette d’auteurs – d’auteures – qui présente aussi bien des plumes déjà reconnues et d’autres … pas encore !

Le retour de Silas Jones, Tom Franklin

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 11 Janvier 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Albin Michel

Le retour de Silas Jones (Crooked Letter) Traduit de l’américain par Michel Lederer. 390 p. 22,90 € . Ecrivain(s): Tom Franklin Edition: Albin Michel


Bienvenue au cœur du Mississipi. Sa végétation luxuriante, sa faune de serpents et rats, et ses habitants guère plus avenants.

Le retour de Silas Jones nous plonge droit au cœur d’un pays où il ne fait pas forcément bon vivre. En tout cas où on regarde où l’on met les pieds en marchant, mais aussi en ouvrant sa boîte aux lettres. On ne sait jamais, un serpent à sonnettes pourrait y avoir été glissé…


Larry Ott a 41 ans. Depuis des années, il vit seul dans la maison de ses parents devenue la sienne. Larry est mécanicien automobile. Il a un garage, mais aucun client, sinon quelques personnes perdues en chemin. Tous les habitants du coin l’évitent. Plusieurs années plus tôt, il a été impliqué dans la disparition d’une jeune fille, Cindy. Ils étaient allés ensemble au drive-in, et à l’issue de la soirée, elle a disparu. Son corps n’ayant jamais été retrouvé, Larry n’a pu être prouvé coupable, mais pour tout le monde, il l’est. Ainsi, il est devenu « Larry le Pourri ».