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La rentrée littéraire

Jean-Jacques Schuhl, Du dandysme en littérature, Guillaume Basquin

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 03 Octobre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

Jean-Jacques Schuhl, Du dandysme en littérature, septembre 2016, 200 pages, 30 € . Ecrivain(s): Guillaume Basquin Edition: Editions Honoré Champion


Le Dandysme est apparu en Angleterre au 18ème siècle. Ce fut un mouvement post-révolutionnaire qui concernait les membres de la classe moyenne aussi bien à Londres qu’à Paris et ce dès 1790. Initialement associé à la mode élégante et au langage raffiné, « le dandysme qui est une institution en marge de la loi possède un code des lois rigoureux auquel tous ses sujets sont strictement soumis, mais leurs caractères individuels peuvent être ardents et indépendants » (Baudelaire). Sa description de la dichotomie inhérente au dandysme entre dissidence et appropriation, excentricité et uniformité, peut s’appliquer aux mouvements punks et gothiques ainsi qu’aux travestis et aux mouvements de l’avant-garde : il s’agit d’expressions faites pour repenser l’ordinaire et le fétichisme et visant à illustrer une perception plus large de la réalité, opérant dans les cadres périphériques de la dissidence.

Possédées, Frédéric Gros

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 28 Septembre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel, Histoire

Possédées, août 2016, 297 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Frédéric Gros Edition: Albin Michel

 

En 1632, à Loudun, un événement survient qui va cristalliser les peurs, les angoisses du moment, alors que Catholiques et Protestants se disputent âprement la direction des esprits, un événement autrement important que ce que nous nommerions aujourd’hui un fait divers ou une escroquerie. Parce qu’il s’agit bien de cela, une escroquerie permettant la diversion par des politiques, nous parlons ici des hommes qui n’ont de cesse de briguer un pouvoir en utilisant tous les moyens. Et une manœuvre de diversion visant à scléroser les populations en abusant de leur crédulité.

Loudun donc, le couvent des Ursulines. La mère supérieure, mère Jeanne des Anges, est saisie de convulsions. Et les explications qu’elle donne sont édifiantes et destinées à percuter les esprits :

« Il devait être trois heures cette nuit. Je crois que le bruit de la porte me réveilla. Son grincement exactement. Même doux, même faible, son grincement. J’ai ouvert les yeux dans le noir, le croirez-vous j’entendais les pas sur le parquet. Et j’étais paralysée, totalement inerte, incapable d’atteindre ma bougie. Et le corps dans le noir, je le sentais se déplacer, j’entendais respirer près de moi et peut-être aussi un faible rougeoiement je crois qui dessinait la silhouette. Sœur Claire oui, c’était un homme d’Eglise, en soutane, le même. Mais j’ai vu son visage, je l’ai reconnu ».

Revenir du silence, Michèle Sarde

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 27 Septembre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Julliard

Revenir du silence, septembre 2016, 408 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Michèle Sarde Edition: Julliard

 

Faut-il mettre un genre sur un livre ?

Récit, documentaire, témoignage, biographie, recueil d’archives, le roman indiqué comme tel est ici un ensemble dynamique sans limites, une forme vivante, là toute sa puissance et sa cohérence. Mais pas seulement. Il faut s’ancrer davantage dans ces pages, s’y enfoncer, suivre les personnages à la trace, les vrais, ceux qui ont vécu, détailler les figures sur les photos sépia, les cicatrices et les papiers lacérés voire reconnaître des traits communs, peut-être même une filiation : ici les ancêtres de Michèle Sarde, famille judéo-espagnole expulsée d’Espagne par les rois catholiques, réfugiée, recueillie, issue de l’Empire ottoman.

« Un roman à clés qu’il me fallait déverrouiller moi-même pour comprendre où je voulais en venir ou plus exactement d’où je voulais venir (…). Née en France, moi je l’étais, et je le répète, afin de faire tout particulièrement plaisir à l’auteure de mes jours, au fond de son tombeau, dans un petit cimetière de la Brie. Et cette naissance-là, ma mère la considérait comme la plus grande chance qu’elle ait pu m’offrir, et le cadeau des bonnes fées, des fées authentiquement celtiques, convoquées par elle autour de mon berceau, dans l’Ille-et-Vilaine profonde ».

L’administrateur provisoire, Alexandre Seurat

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 24 Septembre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

L’administrateur provisoire, août 2016, 182 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Alexandre Seurat Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Très beau livre, grave, que ce second roman d’Alexandre Seurat, dont le sujet a priori semble classique, car inhérent à notre Histoire et, par là, résonnant souvent en littérature. Une famille ; l’un des siens, un arrière-grand-père de celui qui parle, a collaboré pendant la guerre, en travaillant pour le Commissariat aux questions juives ; condamné par une décision de justice posthume. Le secret, par la suite, déguisé souvent en oubli, voire en déni, a recouvert les traces des faits. Comme l’effacement ou l’enfouissement de la marée montante. Le jeune descendant soulève les voiles en creusant une batterie de questions : qu’a fait cet arrière-grand-père ? Comment, quand et contre qui ? A quelle hauteur placer son action, son crime, bien sûr, sa responsabilité ? Et au final, qui était cet homme : « bon, dit-il, c’était un bigot, il était d’une certaine époque, voilà… » ? Creuser, comme avec un bistouri qui va charcuter, faire mal, évidemment, et pour autant, éliminer une tumeur dangereuse, celle qui, en goutte à goutte, attaque le tissu familial ; cancer qui a déjà fait une première victime, le frère du narrateur : « hanté par la Shoah, quand il rentre de sa visite d’Auschwitz avec sa classe de lycée, possédé par la haine, un désir de vengeance… ».

Lala pipo, Hideo Okuda

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 23 Septembre 2016. , dans La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Wombat

Lala pipo, Nouvelles Éditions Wombat, août 2016, trad. japonais Patrick Honnoré, Yukari Maeda, 288 pages, 22 € . Ecrivain(s): Hideo Okuda Edition: Wombat

 

Lala pipo, entendre et comprendre non pas le nom d’une prostituée ou d’une nouvelle Lolita, mais « A lot of people », mal prononcé en japonais, a été publié en 2005 au Japon, puis adapté au cinéma en 2009 par Tetsuya Nakashima, avec comme acteur principal Hiroshige Narimiya, idole de toute une génération de teen-agers nippons. Le roman, constitué de six chapitres qui peuvent se lire comme autant de nouvelles, chacune introduisant un nouveau personnage, la dernière bouclant sur la première en une construction circulaire parfaite, explore la vie et les déviances sexuelles de plusieurs Tokyoïtes.

Mais pas n’importe lesquels. Hideo Okuda, avec malice et une ironie mordante, choisit ses héros parmi les laissés-pour-compte de la réussite à la japonaise, les « Okatu » ou « Hikikomori » rétifs à tout contact social, les femmes au foyer ou exerçant de petits boulots peu payés, un écrivain de nanars érotiques en mal d’inspiration, ou les seconds couteaux de l’industrie du sexe dans le quartier très « tendance » de Shibuya.