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Essais

Écrits stupéfiants, Drogues & littérature d’Homère à Will Self, Cécile Guilbert (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Robert Laffont

Écrits stupéfiants, Drogues & littérature d’Homère à Will Self, Cécile Guilbert, septembre 2019, 1440 pages, 32 € Edition: Robert Laffont

 

Drogue et Littérature ou les poisons du rêve

Entre enfer et paradis, produit et dose, Cécile Guilbert rappelle que la drogue offre une dualité. Il y a là extase et souffrance. Les adjuvants illicites font sombrer mais aussi ils sont capables d’ouvrir des portes (particulièrement les psychédéliques). La drogue est donc souvent au seuil de la littérature et ce, depuis la poésie védique et donc quasiment les origines de l’humanité. Mais les écrivains s’en servent véritablement beaucoup plus tard.

Cécile Guilbert nous rapproche de lieux étranges voire – comme Michaux – des « rencontres avec les Dieux », bref d’un ailleurs inatteignable – source de savoir ou paradis. La mesure de l’être est donc métamorphosée par le « poison noir » de l’Opium qui provoque « la rencontre de Pommard et du Pernod » selon Cocteau qui est bien plus qu’un dandy de la drogue auquel il fut réduit. La drogue est souvent une esthétique qui dilate le temps. Et Cécile Guibert fait le tour de la question dans une classification judicieuse abondamment illustrée de textes significatifs.

Mémoire du yiddish Transmettre une langue assassinée Entretiens avec Stéphane Bou, Rachel Ertel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 14 Octobre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel, Histoire

Mémoire du yiddish Transmettre une langue assassinée Entretiens avec Stéphane Bou, Rachel Ertel, mai 2019, 218 pages, 19 € Edition: Albin Michel

 

Les langues mortes jonchent la route de l’humanité, au long de son chemin tortueux et désespérant vers on ne sait quelle destination : certaines, dont on a oublié jusqu’au nom ; d’autres connues d’une poignée de spécialistes à travers le monde ; d’autres enfin prestigieuses, comme le latin, qui ne mourut véritablement qu’au XXe siècle. On connaît au moins une langue ressuscitée, l’hébreu, certes jamais oubliée, redevenue cependant langue vivante de plusieurs millions de locuteurs. Mais qu’est-ce qu’une langue assassinée ?

Les communautés juives d’Europe, de l’Alsace à la Russie, employèrent pendant des siècles non pas l’hébreu, réservé à un usage liturgique, mais un étonnant mélange d’allemand, de langues slaves et d’hébreu : le yiddish, parlé et écrit sur la plus grande partie du continent – une extension dont peu de langues purent jamais se prévaloir. Le yiddish ne se contenta pas d’être parlé : des journaux, des romans, des pièces de théâtre, des poèmes se publiaient.

Ainsi parlait, Georges Bernanos (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 08 Octobre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Arfuyen

Ainsi parlait, Georges Bernanos, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Bocholier, août 2019, 152 pages, 14 € Edition: Arfuyen

 

Georges Bernanos (1888-1948) vomit la sagesse, « Il n’est rien de haïssable en l’homme que sa prétendue sagesse, le germe stérile, l’œuf de pierre que les vieillards se passent de génération en génération et qu’ils essaient d’échauffer tour à tour entre leurs cuisses glacées » (n°129), et voilà pourtant – admirablement composé par Gérard Bocholier – un authentique livre de sagesse, car l’effort de sagesse (nous le savons tous par ce qui également nous en sépare !) tient à la puissance de trouver la paix dans la vérité. Car la vérité ne laisse jamais spontanément en paix : elle divise les hommes (puisqu’elle est indifférente aux intérêts subjectifs et à leur conflit) et intimide l’homme (car elle révèle ce qui rend le réel tel, et tranche depuis sa souveraine clarté) ; inversement, la fausseté nous délivre illusoirement de la guerre, car elle distord ou dissimule ce qui pousse invinciblement l’homme à détruire l’homme. Les hommes mentent d’abord par peur du mal qu’ils font ou subissent. « On ne massacre jamais que par peur, la haine n’est qu’un alibi » (n°116).

Touaregs L’exil pour patrie, Intagrist el Ansari (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 08 Octobre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Maghreb, Histoire

Touaregs L’exil pour patrie, Editions Alfabarre, 2018, 200 pages, 25 € . Ecrivain(s): Intagrist el Ansari

 

Auteur de l’itinéraire poétique Echo saharien L’inconsolable nostalgie, Intagrist el Ansari est aussi journaliste et historien. C’est à ce titre qu’il a compilé sous le titre Touaregs L’exil pour patrie une sélection d’articles de presse et d’analyses géopolitiques et sociologiques qu’il a publiés dans divers magazines sur la situation de belligérance perpétuelle dans laquelle vivent les diverses populations du Sahel, et particulièrement les Touaregs du nord du Mali, depuis 2012. Cette somme est à la fois un ouvrage pédagogique et l’expression d’une révolte. Ouvrage pédagogique efficace par la redondance et la précision des éléments factuels de texte en texte et par la possibilité offerte au lecteur de suivre quasiment de mois en mois l’évolution des événements contemporains dans cette partie agitée du monde sahélien.

Ouvrage pédagogique nécessaire à qui veut tenter de démêler l’écheveau a priori inextricable des groupes armés et des forces politiques locales et externes impliqués dans l’histoire récente de ce vaste espace quasi-désertique englobant la moitié nord du Mali et les régions périphériques.

La science sociale comme vision du monde, Wiktor Stoczkowski (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 07 Octobre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

La science sociale comme vision du monde, septembre 2019, 640 pages, 26 € . Ecrivain(s): Wiktor Stoczkowski Edition: Gallimard

 

L’anthropologue Wiktor Stoczkowski prouve dans un essai déstabilisant combien Durkheim est le symptôme d’une pensée qui – sous couvert de rationalisme – en devient le contraire. Pour autant, l’auteur de ce brillant essai ne met pas en pièce la pensée de cet « Emile » (très peu rousseauiste) mais uniquement sa manière de forger une idéologie particulière. Elle se fonde contre William James. Leurs deux systèmes ont fondé deux visions opposées de la société. Chez Durkheim, elle devient « neurasthénique proposée par un neurasthénique » Wiktor Stoczkowski, qui par delà le cas précis de l’inventeur de la sociologie offre un point précis sur les sciences sociales naissantes et leurs explications. Elles créent des sortes de théories laïques de salut qui prendront – hélas – toutes leurs forces au XXème siècle en remplaçant Dieu par l’homme rouge ou brun…