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Essais

De l’Écriture politique comme un art, George Orwell (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 01 Juin 2021. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Editions Louise Bottu

De l’Écriture politique comme un art, février 2021, trad. anglais, Pierre Grimaud, Polina Martinez-Naumenko, Frédéric Schiffter, 134 pages, 13 € . Ecrivain(s): George Orwell Edition: Editions Louise Bottu

 

Si célèbre soit-il, George Orwell est paradoxalement un écrivain méconnu. L’édition massive de ses œuvres complètes, que Peter Davison et ses collaborateurs publièrent en vingt volumes (auxquels ils ajoutèrent en 2006 un supplément, The Lost Orwell) et qui compte neuf mille pages, est presque entièrement dissimulée derrière un livre, un seul. Disons-le sans méchanceté : il faut parfois beaucoup d’indulgence pour trouver de l’intérêt à certaines de ses autres productions, lesquelles n’eussent probablement jamais été rééditées si elles n’avaient eu le même auteur que 1984. On ajoutera que, même si le titre d’une œuvre ne fait pas tout, Orwell se montra peu inspiré dans ce domaine. Qui acquerrait de son plein gré et sans être mu par une curiosité malsaine un volume intitulé Keep the Aspidistra Flying (la traduction française est encore plus repoussante, qui propose Et vive l’aspidistra !) ? Le recours à l’anthologie paraît donc une solution de bon sens et celle-ci est de grande qualité.

Ça n’a rien à voir avec l’islam ?, Lydia Guirous (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 27 Mai 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Plon

Ça n’a rien à voir avec l’islam ?, Lydia Guirous, Plon, mars 2021, 232 pages, 18 € Edition: Plon

 

Le pamphlet de Lydia Guirous fut publié pour la première fois en 2017. La situation qu’elle dénonçait a-t-elle évolué favorablement en quatre ans ? Non et cela justifie cette réédition, augmentée d’une préface inédite. Lydia Guirous connaît le fanatisme mahométan de première main : elle a grandi dans l’Algérie des années 1990, déchirée par une guerre civile entre musulmans plus ou moins modérés. Comme l’Iran à la fin des années 1970, l’Algérie en cette décennie fut, pour la France, le laboratoire des malheurs à venir. Avant Charb, le père Hamel et Samuel Paty, il y eut Tahar Djaout, Abdelkader Alloula, Nabila Djahnine, Amel Zenoune (égorgée à vingt-deux ans, alors qu’elle revenait de l’université, tête nue – une double faute, aux yeux de ses meurtriers). Les massacres perpétrés dans la rédaction de Charlie Hebdo prolongeaient les assassinats ciblés d’intellectuels, de professeurs, de médecins, survenus en Algérie ou en Tunisie. Mais ces morts, la France ne les voyait pas, ne voulait pas les voir. L’aveuglement volontaire n’est jamais une bonne stratégie. Lydia Guirous estime – et c’est tout à son honneur – qu’en tant qu’Algérienne émigrée en France, son devoir est à présent de sauver le pays qui l’a accueillie (p.216).

Sans transition, De Roland Barthes à Pasolini, Cyril Huot (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 06 Mai 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tinbad

Sans transition, De Roland Barthes à Pasolini, Cyril Huot, avril 2021, 154 pages, 18 € Edition: Tinbad


« Sans transition » : n’est-ce pas la posture même de Roland Barthes lorsqu’à la fin de sa vie il laisse s’introduire dans le processus de son écriture un principe pourtant contraire à la loi dans le cadre de laquelle il avait jusque-là voulu la tenir, à savoir aspirer à y voir au final s’intégrer quelques éléments autobiographiques jugés de prime abord superficiels voire fallacieux, éloignés de l’exigence formaliste du phrasé littéraire, plus opaques qu’éclaireurs d’un parcours ? Quelle place accorder aux « biographèmes » (« néologisme forgé par Barthes », précise l’auteur Cyril Huot) dans l’entreprise de l’écriture, ces fragments biographiques épars sur le chemin d’une vie ? Et n’est-ce pas contradictoire de la part de celui qui déclara « la mort de l’auteur » que de le voir rédiger un Roland Barthes par Roland Barthes ; de le surprendre, dans la dernière ligne droite de sa vie, désireux de voir s’introduire dans la mémoire qu’il laissera de lui et de son œuvre quelques fragments de son histoire personnelle ?

Mon frère Robert Johnson, Dans l’intimité de la légende du blues, Annye C. Anderson (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 04 Mai 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Rivages

Mon frère Robert Johnson, Dans l’intimité de la légende du blues, Annye C. Anderson, mars 2021, trad. Nicolas Guichard, 172 pages, 19 €

Les éditions Payot-Rivages Rouge ajoutent à cette collection dédiée au blues et au rock ce témoignage qui, s’il n’est pas strictement littéraire, éclaire d’un jour particulier la vie du légendaire bluesman Robert Johnson. On connaît peu de sa vie, sinon qu’une légende, tenace au point que littérature et BD s’en sont abondamment emparés, voudrait qu’il rencontrât le diable pour lui vendre son âme…

Robert Johnson est né le 8 mai 1911 dans le Mississipi, où il meurt le 16 août 1938 dans des circonstances troubles. Malgré sa très courte vie qui ajoute à la légende, il va devenir le bluesman le plus influent de l’histoire de cette musique. Et le contrat « signé » avec le diable explicite cette importance.

Alors qu’il allait s’endormir, le diable lui serait apparu à un croisement de routes (crossroads), aurait pris sa guitare pour l’accorder, et se serait évanoui. De ce pacte avec le diable seraient nés les fameux 29 titres que le bluesman a créés et enregistrés, titres qui ont inspiré de nombreux musiciens tels que Jimi Hendrix, Jimmy Page, Brian Jones et Keith Richards des Rolling Stones, Eric Clapton…

La Pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Andrea Schellino (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 03 Mai 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Classiques Garnier

La Pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Andrea Schellino, 656 pages, 59 € Edition: Classiques Garnier

 

« Littérature de décadence ! – Paroles vides de sens que nous entendons souvent tomber, avec la sonorité d’un bâillement emphatique, de la bouche de ces sphinx sans énigme qui veillent devant les portes saintes de l’Esthétique classique. À chaque fois que l’irréfutable oracle retentit, on peut affirmer qu’il s’agit d’un ouvrage plus amusant que l’Iliade ». Ainsi Baudelaire commençait-il ses Notes nouvelles sur Edgar Poe. La décadence occupe, chez l’écrivain français, une place cardinale (au sens étymologique) à la fois en tant que sujet de réflexion et critère de réception. Que Les Fleurs du mal aient pu être jugées comme une œuvre décadente, alors qu’à nos yeux elles incarnent une forme de classicisme, est un paradoxe qui nous en apprend plus sur l’époque où vécut Baudelaire (l’adjectif décadent finissant par fonctionner comme une sorte d’insulte ou d’anathème qu’écrivains et critiques se jetaient au visage) que sur le recueil lui-même. Mais Baudelaire ne fut pas seulement considéré comme un exemple de décadence : il médita ce concept et son envers, la notion de progrès. En cela, il fut de son temps, car plus que toute autre époque et pour des raisons qui n’ont été qu’imparfaitement élucidées, le XIXe siècle fut hanté par la perspective du déclin.