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Essais

Dant de Flourence (deux préfaces à La Comédie de Dante), Gabriele D’Annunzio (par Jean-Charles Vegliante)

, le Lundi, 23 Août 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Dant de Flourence (deux préfaces à La Comédie de Dante), Gabriele D’Annunzio, éditions Arcades Ambo, avril 2021, 57 pages, 14 €

Un petit livre élégant, discret, sans notes superfétatoires, impeccablement édité par l’érudit Paul Bitner avec un document d’archive dactylographié de René Gutmann, et certainement fort utile. Les deux préfaces de D’Annunzio annoncées en sous-titre étaient restées en effet (dans la version française d’André Doderet) confidentielles, quasiment inédites en fait, à la suite de diverses péripéties exposées dans le court texte liminaire de l’éditeur scientifique. Ce dernier a eu l’excellente idée de fournir la première mouture – tirée à part en quelques rares exemplaires, véritables incunables – Dante, les imprimeurs et le bouvier, en reproduction anastatique dont on appréciera même le papier jauni (pp.39-49). La rédaction de ce texte, dont nous retrouverons l’essentiel (repris dans la seconde version), assez divaguant « à sauts et à gambades », ne fut pas manifestement le premier souci du vates vétéran, retiré alors, en 1924, au bord du Lac de Garde, anobli comme Prince de Montenevoso, occupé à relire son Notturno de 1921 et à meubler sa propriété, bientôt baptisée Vittoriale degli italiani… tout en finissant de se remettre d’une chute du 1er étage dans l’un de ses jardins (chute peut-être provoquée par une fillette que le vieux poète serrait de près, ou par la mère de celle-ci accourue), où il fut gravement blessé.

Quand les élèves nous élèvent, De nouvelles voix éducatives, Frédéric Miquel (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Harmattan

Quand les élèves nous élèvent, De nouvelles voix éducatives, Fréderic Miquel, 200 pages, 20,50 € Edition: L'Harmattan

 

Bien sûr, parfois « les élèves enfoncent ». « Disciples indisciplinés, enfants-rois, empereurs-mineurs, beaucoup n’ont qu’une idée : se frotter à leurs maîtres pour s’éprouver et faire de leur dépouille courbée un piédestal à la gloire de leur immaturité » (p.155). Et « avoir un Bac+5 pour trembler devant un Bac-5 » n’est ni naturel ni souhaitable !

Bien sûr, aussi, seuls les adultes peuvent éduquer ou former les non-adultes, car la raison ne peut naître que d’elle-même (et non de la violence, de la folie et de l’ignorance, qu’elle seule peut cerner et dépasser, comme disait Eric Weil) : l’humanité ne peut compter que sur elle-même pour se renouveler, l’humanité à former dépendant toujours de l’humanité formée. Le développement doit mener à l’autonomie sans pouvoir en partir. « Le portrait de la jeunesse comme une période de soumission n’a donc rien de substantiellement péjoratif dans la mesure où l’inégalité de statut provient de faits et de situations objectivement reconnaissables qui échappent à l’arbitraire d’une volonté de puissance usurpatrice. Bienheureuse éducation ! » (p.127).

L’Europe archéologique, Jean-Paul Demoule (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 17 Août 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard), Histoire

L’Europe archéologique, Jean-Paul Demoule, mai 2021, 400 pages, 8,60 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Nous sommes à la fin du mois de juin 2021. Comme chaque jour, la lettre d’information du site Sciences et Avenir permet d’assouvir ce péché mignon qu’est la curiosité insatiable et tous azimuts, surtout du côté de l’archéologie en tant qu’elle parle de l’Homme et son histoire. Le lecteur apprend, dans le désordre, en suivant des titres intéressants à ses yeux, qu’une grotte dans les montagnes de l’Altaï aurait abrité des Hommes de Denisova et des Néandertaliens de façon simultanée ; qu’à Copenhague viennent d’être réunis les squelettes de deux guerriers vikings appartenant à la même famille, l’un mort en Angleterre, l’autre au Danemark ; que certaines victimes de la peste durant le Moyen Âge ont été enterrées dans des cimetières ordinaires. La première information résulte de l’extraction d’ADN de sept cents échantillons de sédiments récoltés dans la grotte de Denisova ; la seconde information résulte d’une cartographie de l’ADN des squelettes de l’époque viking (entre le VIIIe et le XIe siècle) ; la troisième information résulte de l’analyse des dents de personnes décédées au XIVe siècle en Angleterre, dans lesquelles ont été retrouvées des traces de Yersinia pestis.

Écrits guerriers, 1914-1915, Remy de Gourmont (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Août 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, Classiques Garnier

Écrits guerriers, 1914-1915, mars 2021, 634 pages, 49 € . Ecrivain(s): Rémy de Gourmont Edition: Classiques Garnier

Dira-t-on que le titre de cette anthologie, par ailleurs remarquable, est mal choisi et qu’en lui réside le seul défaut de l’entreprise ? Car jamais homme, jamais écrivain, ne fut moins guerrier, mieux disposé à goûter les délices de la paix, que Remy de Gourmont (1858-1915), congédié en 1891 de son emploi à la Bibliothèque nationale pour avoir publié un pamphlet, Le joujou patriotisme, où il exprimait sa profonde lassitude devant la propagande déployée au sujet des « provinces perdues », l’Alsace et la Moselle annexées par l’Allemagne.

Ceux, de moins en moins nombreux, qui savent encore que Gourmont a existé se le représentent en général comme un esthète reclus au milieu de ses livres, loin du tapage et du tumulte. C’est bien ainsi qu’il faut l’envisager durant la première année du conflit mondial, ne quittant son appartement du 71 rue des Saints-Pères que pour aller flâner chez les bouquinistes des bords de Seine. Il serait cependant faux d’imaginer un individu ayant choisi de vivre exclusivement dans le passé. L’actualité le rattrapait à son domicile, sous la forme de multiples journaux et d’une abondante correspondance. Et le mouvement s’exerçait également en sens inverse, car Gourmont contribuait à alimenter certains quotidiens en leur confiant des articles, comme ceux réunis dans ce volume.

The Game, Alessandro Baricco (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard), Italie

The Game, février 2021, trad. italien, Vincent Raynaud, 415 pages, 6,20 € . Ecrivain(s): Alessandro Baricco Edition: Folio (Gallimard)

 

Si l’on en croit les détracteurs d’Internet et du tout numérique, nous sommes en train de construire une civilisation virtuelle, artificielle, superficielle, décliniste, qui génère des peurs en comparaison desquelles la maîtrise du subjonctif est très rassurante. En effet, nous « roulons tous feux éteints », nous préparons une mutation anthropologique sans précédent, une véritable révolution mentale. Qu’en est-il vraiment ? Dans cet ouvrage, documenté et idéologiquement orienté, Baricco prend parti pour le numérique, séduisant et ludique, ce qu’il appelle le « Game ».

« Digital », tout comme « numérique », signifie que les informations sont traduites en chiffres par la machine. A l’emploi du terme « Internet », désignant le réseau informatique mondial, Baricco préfère celui de « Web », abréviation de « World Wide Web », ou toile mondiale, système hypertexte créé par l’informaticien Timothy John Berners-Lee en 1990 : la formule est plus dynamique, plus branchée.