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Critiques

Le Journal d’un haricot, Olivier Hobé (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Apogée

Le Journal d’un haricot, Olivier Hobé, Editions Apogée, 2011, 64 pages, 12 € Edition: Apogée

 

« Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m’envahit, je le sens, je le renifle, il n’a jamais été aussi proche de moi. On me regarde écrire. Dans un café, on se rend compte de la solitude des loutres. Il me semble être l’une d’elles ». Ainsi s’achève, dans une langue horizontale tendue comme la moire, tirée au cordeau, où presque rien ne dépasse, mais qui ne rompt jamais sa texture sensible, Le Journal d’un haricot qu’Olivier Hobé a tissé de notes prises au quotidien.

Un drôle de titre, qui pourrait, de prime abord, dérouter le lecteur friand de mises en bouche truculentes. On s’attend à parcourir un énième conte de la Collection Milan Jeunesse, mais sûrement pas le récit d’une loutre tentant de se tenir au plus près de celui qui, le plus souvent, est nommé par la lettre Q.

On devine que le haricot en question est une plante herbacée d’un genre peu amène, dont gousses et graines n’ont rien de comestible, qui creuse avidement, dans le dédale des entrailles, une galerie de tchernoziom, avec pics et à-pics :

Le ravin du chamelier, Ahmad Aboukhnegar (recension 2)

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Pays arabes, Sindbad, Actes Sud

Le ravin du chamelier, (2012), trad. de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman, 207 p. . Ecrivain(s): Ahmad Aboukhnegar Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Le Ravin comme métaphore du monde


Tout commence par une scène de lutte acharnée. Un face à face féroce, dans un lieu transformé en champ de bataille, entre, d’une part, des hommes « à bout de nerfs, brandissant leurs gourdins sans oser passer à l’attaque ». Et d’autre part, la femelle-serpent qui les défie « ostensiblement » depuis plus de trois jours poussant sa bravade jusqu’à faire tourner ses adversaires « en bourriques ».

Dès le début du roman, Ahmad Aboukhenegar, romancier égyptien, nous introduit au cœur d’une histoire de vengeance ; une intrigue du genre fantastique qui met en scène des hommes et une femelle-serpent engagés dans une « guerre » où les premiers, « mus par une haine enfouie – et – une répulsion instinctive », tenant dans leurs mains haches et gourdins, les sens aux aguets, solidaires des uns et des autres, déploient toute leur énergie et leurs forces pour se défendre des velléités vengeresses voire meurtrières de leur ennemie ancestrale, la femelle-serpent qui hante leur imaginaire et réveille leurs peurs archaïques.

Dernières nouvelles du sud, Luis Sepulveda et Daniel Mordzinski

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 24 Mai 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Métailié

Dernières nouvelles du Sud, Avril 2012, 160 pages, 19 € . Ecrivain(s): Luis Sepulveda et Daniel Mordzinski Edition: Métailié

1996. Le romancier Luis Sepúlveda et son ami photographe, Daniel Mordzinski, partent pour une longue virée sans but précis, ni contrainte de temps, au fin fond du continent américain, au-dessous du 42ème parallèle.

« Nous avancions lentement sur une route de graviers car, selon la devise des Patagons, se hâter est le plus sûr moyen de ne pas arriver et seuls les fuyards sont pressés ».

Ils nous livrent ici le concentré, l’essence même de ce qu’est le voyage : la rencontre avec l’autre. Et puis un constat, terrible, le constat d’une disparition. Patagonie, Terre de Feu, des noms qui pourtant évoquent encore tout un univers de mythes, d’aventures et de rêves, tout ça disparaît, comme ont disparu les tout premiers habitants, « Les autres ethnies ont succombé aux règles d’un progrès dont nul n’est capable de définir les fruits », premières victimes d’un engrenage qui broie toujours plus vite, aussi féroce qu’aveugle, un monde emporté dans la grande gueule d’un capitalisme toujours plus vorace. Ainsi de carnet de voyage, le livre devient une sorte d’« inventaire des pertes », et les superbes photos en noir et blanc de Mordzinski appuient sur cet aspect de monde dont il ne resterait que des ombres, un monde à l’abandon, échoué comme une baleine sur les rives d’une mondialisation dévorante et inhumaine.

L'une et l'autre, suivi de mes pairs, Maïssa Bey

Ecrit par Nadia Agsous , le Samedi, 24 Mars 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Maghreb, Récits

L’Une et l’autre, suivi de Mes pairs, coll. Regards croisés, Editions l’Aube, mars 2009, 58 p. 7,50 € Editions Barzakh, Alger, mai 2010, pour l’Algérie . Ecrivain(s): Maïssa Bey

« Je suis votre hôte aujourd’hui. A la fois celle qui est reçue et celle qui accueille. Vous me recevez chez vous et je vous accueille dans ma demeure de mots, au seuil de laquelle je me tiens portes ouvertes », écrit Maïssa Bey au début de son dernier ouvrage qui regroupe deux essais à dimension essentiellement autobiographique.

Echange. Acceptation. Complicité. Réciprocité. Tels sont les maîtres-mots qui structurent la démarche de cette écrivaine qui, à travers ce récit de vie se lance dans une présentation de soi. En nous livrant son savoir sur soi, Maïssa Bey met en scène son sentiment d’être, c’est-à-dire « l’ensemble des représentations et des sentiments – qu’elle a développé – à propos d’elle ». C’est ainsi qu’à travers ces deux essais, elle nous invite à nous immerger au cœur de sa face subjective qui est celle du « Je ». Un monde où elle puise les mots, les idées, les images, les personnages, ses perceptions de soi et des autres, ses expériences de la vie, les situations vécues, le sentiment de cohérence, ses souvenirs d’enfance… Et à travers la mise en mots de sa trajectoire de vie et des évènements qui de son point de vue ont marqué son existence, elle endosse à la fois le rôle de sujet et d’objet. Autrement dit, Maïssa Bey écrit au sujet de celle qui écrit, c’est-à-dire elle-même.

Puisque mon coeur est mort, Maïssa Bey

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 02 Mars 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Maghreb

Puisque mon coeur est mort, La Tour-d’Aigues, Editions de l’Aube, 2010, 255 p.- 17,80 € 
Editions Barzakh, Alger, avril 2010, pour l’Algérie, 184 p. . Ecrivain(s): Maïssa Bey

Dans la nuit du destin, sur le chemin du retour, un jeune homme est assassiné dans la fleur de l’âge. Il avait à peine vingt ans. Au moment où il s’affale sur le sol, il appelle sa mère : «ya M'ma, ya yemma !» (Ô Mère, ma Mère !).

C’est par cette scène tragique et douloureuse que Maissa, Bey nous introduit dans son dernier roman.

Aïda. Femme. Divorcée. « Sans homme, sans mari ou tuteur légal, ni père ». Enseignant l’Anglais à l’université. Vivant dans un appartement en compagnie de son fils à qui des assassins amnistiés par la loi de la Concorde civile viennent d’ôter la vie.

Douleur. Remords. Culpabilité. Haine. Solitude. Basculement dans la folie. Projet de vengeance. Intention meurtrière…

Mais comment ? Comment ? Comment vivre avec ce vide ? Comment se donner l’illusion de la présence de ce fils unique tant chéri ?

Par l’écriture ! a décidé Aïda. Et chaque jour, la voilà qu'elle « trace sur un cahier d’écolier le chemin – qui  la – mène à l’Absent.