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Critiques

Vercingétorix, Jean-Louis Brunaux (par Vincent Robin)

Ecrit par Vincent Robin , le Mardi, 30 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Gallimard, Histoire

Vercingétorix, février 2018, 330 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Brunaux Edition: Gallimard

 

Nos connaissances sur la Gaule non provinciale, du temps où elle perdit sa libre indépendance pendant le premier siècle avant notre ère, relèvent essentiellement des témoignages de guerre (les Commentarii de bello gallico) que Jules César façonna entre les années 58 et 52. Ce fut la période de ses interventions militaires poursuivies dans presque toutes les régions de ce vaste territoire composite et peuplé, dont il rendit compte point par point au sénat romain. Fédérateur de la résistance ultime face au futur dictateur romain lors de ses incursions en Gaule dite « chevelue », Vercingétorix apparut au final comme le dernier plus sérieux adversaire militaire que le proconsul trouva sur son chemin avant de soumettre à Rome l’ensemble de l’ouest européen continental. Mais la Guerre des Gaules, écrits uniques rapportant ces épisodes très largement à la gloire de leur rédacteur, suffira-t-elle jamais à raconter la vérité objective de cette courte décennie historique ? On sait que non. Montaigne reprochait déjà à César « les fausses couleurs de quoi il veut recouvrir sa mauvaise et pestilente ambition ». Parmi les observateurs critiques et contemporains du texte-rapport de Jules César publiciste de sa victoire, Jean-Louis Brunaux ouvre à son tour une perspective un peu moins manichéenne et orientée des évènements relatés, en suggérant les qualités méconnues du profil présomptif du grand vaincu d’Alésia.

Ce lointain de silence, Jean-Louis Bernard (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Encres vives

Ce lointain de silence, octobre 2018, 16 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard Edition: Encres vives

 

Le nouveau recueil de Jean-Louis Bernard se déploie comme sur un fil tendu dans l’espace, un fil de silence considéré à son horizon, comme projeté à son « lointain ». Fil suspendu entre un point de départ et un point d’arrivée si l’on veut les appeler ainsi, entre les deux premiers poèmes et le dernier. Parti d’une sorte de bilan, d’un constat (au temps de « nos stridences », nous n’avons rien fait pour prévenir « l’arche de solitude »), comme un regret des occasions manquées et qui « fixe » la situation du poète lui-même (« à terre perdue / je compte les collines »), le recueil aboutit dans son dernier poème à une sérénité nouvelle, une forme d’apaisement : un autre silence s’ouvre alors, un « silence des mots / échappés de leur cage », où « la parole s’absente ». Un passage du « silence diluvien à recoudre » au « silence étiré », jusqu’à ce point d’aboutissement que constitue l’amnésie, qui se fait au prix d’une tension, d’une évolution en tout cas, peut-être d’une transformation.

Poésie sur Place, Christian Prigent (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Poésie sur Place, Presses du réel, coll. Al Dante, mars 2019, 112 pages, 18 € . Ecrivain(s): Christian Prigent

 

En un nécessaire transfuge de la « matière » où un glissement a lieu loin des mots poussiéreux, Christian Prigent ose soudainement et volontairement les vocables salis, baveux, merdeux au besoin. Le lecteur ou auditeur (puisque le livre est accompagné d’un CD) est pris de panique dans cette montagne de mots, ne capitalise plus rien.

L’auteur se laisse aller au pur plaisir d’un corpus qui ne répond pas à la simple curiosité du visible, du lisible, mais au désir de voir ce qui est absence, manque, ombre, voir non seulement le souffle mais la défécation comme il le rappelle dans un des textes : L’écrit, le caca, tiré de sa revue TXT n°10.

L’énumération, la répétition, la scansion ouvrent à une danse qui fait sauter les verrous du monde et du corps. Lire ou entendre n’est plus saisir, appréhender, c’est se laisser envahir par un flux auquel le poète donne « corps » pour offrir au « spectrateur » un état d’éveil au moment où la matière verbale devient ce que Beckett nomma du beau nom de « foirades »…

Spirales vagabondes Et autres parallèles inédites en labyrinthe, Joyce Mansour (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 19 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Spirales vagabondes Et autres parallèles inédites en labyrinthe, Nouvelles Éditions Place, novembre 2018, 339 pages, 27 € . Ecrivain(s): Joyce Mansour

 

Joyce Mansour et le rire du soleil

Joyce Mansour demeure la poète de débordement, de la fragmentation, pour éprouver ce qui passe et se passe dans le corps et dans le souffle. De la tradition juive d’où elle vient ne reste sans doute que le corps de la lettre, son ossature de l’alphabet consonantique afin que le verbe accouche du corps.

Pour Mansour il s’agit de tout casser sous « un talon d’acier », « éventrer les acteurs, déraciner les morts, avaler, cracher, mastiquer, éjaculer ». Chez elle la mort tambourine mais dans un désert chauffé à blanc le martèlement des verbes ponctue hors conjugaison.

La poétesse renverse son angoisse de la mort par la force de l’éros, de l’ironie et de l’autodérision. L’érotisme est chez elle retour à la violence, la transgression et un processus lié à l’action.

Le mendiant sans tain, Philippe Leuckx (par Sonia Elvireanu)

, le Vendredi, 19 Avril 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

Le mendiant sans tain, février 2019, ill. Joëlle Aubevert, 54 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx Edition: Le Coudrier

 

Poète et critique belge réputé dans le monde francophone, Philippe Leuckx est l’auteur d’une œuvre considérable, récompensée de nombreux prix, dont Prix Pyramide (2000), Prix Emma-Martin (2011), Prix Gros Sel (2012), Prix Robert Goffin (2014), Prix Maurice et Gisèle Gauchez-Philippot (2015), Prix Charles Plisnier (2018).

L’un de ses plus récents recueils de poèmes, Le mendiant sans tain, paru chez les Éditions Le Coudrier en 2018, est illustré par deux portraits réalisés par Joëlle Aubevert : un homme qui semble interroger un ailleurs lointain, en correspondance avec le personnage des poèmes. Philippe Leuckx parle de la solitude, de l’absence, du vide de la vie par un personnage qui en est écrasé, mais ranimé encore par le souvenir d’un meilleur de la vie qu’on lui refuse : « Parfois un souvenir étoile le front éteint/ Comme une grappe de joie/ Qui désaltère la peur/ Qui s’indigne et prolonge/ Nos petites mains tremblantes ».