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Critiques

Mauvais anges, Mènis Koumandarèas (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Vendredi, 10 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Quidam Editeur

Mauvais anges, avril 2019, trad. grec Michel Volkovitch, 236 pages, 20 € . Ecrivain(s): Mènis Koumandarèas Edition: Quidam Editeur

Ce livre nous plonge dans l’Athènes de l’après-guerre dont l’auteur se fait le témoin, lui qui « avait entendu dans son enfance le bruit des bottes allemandes ».

Unité de temps (1945-1950) : « quelque chose de terrible s’était passé dans le monde alors que je jouais, enfant insouciant, dans le Parc ».

Unité de lieu : « le nombril de la ville » – la station Omònia, le cinéma Krònos en ruine « où se retrouvaient les soldats et où Matìna contemplait les photos de Gary Cooper », le théâtre de bois Olympia, la place Kyriakou et, bien sûr, l’immeuble où il vit, au-dessus du métro : « la nuit pendant que je dors un bruit part du sous-sol ».

Ça démarre doucement avec de simples phrases. Quelques clins d’œil humoristiques ici ou là : « mon premier film américain : Par la porte d’or, avec Olivia de Havilland […] et Charles Boyer, tout juste arrivé à Hollywood, qui va la voir à l’hôpital et dit avec un terrible accent français “I love you darling”. C’était à peu près ce qu’aurait pu dire Séraphin à Matìna devant le Krònos, dans un style un peu plus grec : “Tu me plais, ma poule !” ».

Solombre, Florence Noël (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 10 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Solombre, éditions Le Taillis Pré, avril 2019, 96 pages, 14 € . Ecrivain(s): Florence Noël

 

Il existe une force de persuasion comme il existe une force de dissuasion. C’est ce que révèle, notamment, Florence Noël activant le soleil et l’ombre dans la même idée jusque dans le titre de son évocation.

La maturité de cet auteur touche au sublime dans l’entrechoc des idées, exactement à la charnière où tout pourrait basculer dans un sens ou dans un autre, avec, en direct, des images suggérant une humanité très immédiate : « tes murs sont peints au café froid/ grande table, une seule chaise/ personne/ n’a l’adresse de ta demeure ».

Ainsi « faudrait-il (il faudrait) de la blancheur/aux lèvres soudoyées à l’ange/ annonciateur de faim ».

Le corps se fait vertige à rejoindre ainsi les grandes œuvres humaines (« crisse le papier de soie sous la voûte du pied »).

Le temps des livres est passé, Juan Asensio (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Le temps des livres est passé, éditions Ovadia, mars 2019, 655 pages, 35 € . Ecrivain(s): Juan Asensio

 

Pour quiconque aime vraiment la littérature, la vraie, celle dont l’unique projet est la justesse et la perfection, ce livre est un don du ciel. Juan Asensio, dont on sait la force de travail et le talent qu’il déploie dans son Blog littéraire Stalker*, nous y offre quelques-unes de ses études critiques, plus de soixante au total. Travail de Titan qui fait et qui fera trace dans l’histoire de la critique littéraire.

Le mot est dit, critique littéraire – ce qui semble tirer l’objet de ce livre vers un exercice dont il faut dire qu’il n’existe quasiment plus. Aujourd’hui – les Américains nous ont tendu le mot – on fait des « revues » (reviews) de livres, on dit aussi en français des recensions. De quoi s’agit-il ? D’un exercice de compte-rendu de lecture : de quoi parle ce livre (ah les résumés de livres !), comment c’est écrit, quel en est le degré, non pas d’intérêt mais de plaisir qu’il procure. Le journaliste littéraire aujourd’hui est un bateleur du livre. Les plus intelligents d’entre eux parlent aussi de la situation du livre, de son champ de signification et de son importance littéraire. Les autres se contentent de leur propre plaisir (« J’ai aimé », « J’ai adoré », délayés à l’envi…) brandi comme une preuve de la grandeur du livre traité.

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, Henri Vermorel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Albin Michel

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, août 2018, 632 pages, 29 € . Ecrivain(s): Henri Vermorel Edition: Albin Michel

 

La correspondance entre Sigmund Freud et Romain Rolland fut publiée pour la première fois en 1966, dans une thèse de la Faculté de médecine de Paris. À qui s’en étonnerait, on rappellera que Freud était médecin et que la psychanalyse entretient avec la médecine des rapports, certes ambigus, mais réels. Cette correspondance est d’un faible volume et l’on peut de prime abord s’étonner que la republication d’une vingtaine de lettres (il n’y en a pas davantage) aboutisse à un volume de six cents pages. C’est que l’intérêt de cette correspondance est inversement proportionnel à ses modestes dimensions matérielles et Henri Vermorel, qui les republie, les annote et les éclaire, a fait un authentique acte de lecture, digne de tous les éloges. Il reprend le livre qu’il avait publié en 1993 (Sigmund Freud et Romain Rolland, Correspondance 1923-1936, Presses Universitaires de France), en le mettant à jour pour tenir compte de la découverte de nouveaux documents dans les archives de la maison Fischer, l’éditeur de Freud.

La chance de l’écrivain, David Lodge (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 07 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Biographie, Récits, Rivages

La chance de l’écrivain, avril 2019, trad. anglais Maurice et Yvonne Couturier, 540 pages, 24 € . Ecrivain(s): David Lodge Edition: Rivages

 

Après Né au bon moment (2016), dont le titre original est Quite a good time to be born, A Memoir, 1935-1975 (2015), Lodge renoue ici avec ses mémoires autobiographiques, à présent dans les années 1980. C’est son identité d’écrivain qu’il interroge dans ce livre.

Lodge s’est toujours intéressé à la pratique de la fiction et à l’écriture créative des écrivains, dont il parle dans au moins deux ouvrages : The Practice of Writing, non traduit (1996) et The Art of Fiction, recueil de chroniques littéraires qu’il a écrites pour The Independant (L’Art de la fiction, Payot et Rivages, 2008). Pour lui, l’étude des textes littéraires et des intentions de son auteur sont le pendant de l’écriture de fiction narrative. Sa carrière d’universitaire, qui plus est de professeur de littérature anglaise moderne et contemporaine à l’université de Birmingham, a nourri ses romans. Contenu biographique et factuel et contenu fictionnel interfèrent, faisant de cet écrivain un partisan de l’« intégrationnisme », c’est-à-dire de la concordance entre l’expérience de l’auteur et le matériau textuel.