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Les Chroniques

Un jour nous serons humains de David Léon

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 15 Décembre 2014. , dans Les Chroniques, La Une CED

Un jour nous serons humains de David Léon a été présenté au dernier festival d’Avignon dans une mise en scène de Hélène Soulié et chorégraphie d’Emmanuel Eggermont

Dans le cadre d’une carte blanche, au Théâtre Ouvert, Stanislas Nordey a lu le texte de David Léon le 20 novembre 2014. Il sera repris également au printemps prochain, à Paris

 

« Les voix de David Léon »

Il faut d’abord attendre, attendre l’heure, dit l’organisateur. Il faut attendre, se préparer à l’écoute des voix. David Léon est juste devant nous, , presqu’à la même hauteur que nous, dans la petite salle de l’auditorium de la médiathèque de Vaise ; seule une barrière nous sépare. Debout sans pupitre, avec son livre. Il est comme immergé dans le monologue. Il baigne dans le halo bleuté, venu du ciel des projecteurs qui colorie le plancher. Il tient son livre, son texte dans la main gauche que la lumière irradie d’une blancheur presque surnaturelle. Le corps du lecteur se perd dans l’ombre : il y la voix, il y a la main droite qui, en quelque sorte, est le corps vivant des mouvements. Et le micro noir se dresse au centre de l’espace scénique.

Souffles - Les Maghrébins et la modernité avortée

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 09 Décembre 2014. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Lire l’écrivain tunisien Mahmoud Messadi (1911-2004), c’est repenser l’origine et l’histoire de la modernité romanesque dans le monde arabe, dans l’écriture en arabe. Aujourd’hui, en relisant les romans de Mahmoud Messadi, Açed (Le Barrage) écrit dans les années trente ou Mawlid al-Nisyane (La naissance de l’oubli) ou Haddatha Abou Hourayra (Ainsi parla Abou Hourayra) ou Ayyamou Imran (Les jours d’Imran), nous constatons que la modernité, si modernité existe, dans l’écriture romanesque arabe a été entreprise d’abord par les intellectuels littéraires maghrébins.

Ecrire un roman dans les années quarante, selon la vision de Mahmoud Messadi, était une grande résistance esthétique et philosophique et linguistique à l’encontre de l’hégémonie d’une écriture rhétorique égyptienne. Lire un autre Maghrébin, un certain Ali Douadji (1909-1949), auteur de Jaoulet Baina Hanet Al-Bahr Al-Abyadh Al-Motawasset (Promenades entre les bars de la Méditerranée) ou Sahirtou Minhou Al Layali (Autant il m’a éveillé des nuits), nous donne une certaine idée sur l’histoire des littérateurs maghrébins, les casseurs des tabous.

Composer de la musique aujourd’hui, Michèle Reverdy

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 05 Décembre 2014. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED, Côté Musique(s)

 

Composer de la musique aujourd’hui, Michèle Reverdy, éd. Klincksieck, coll. 50 questions, 2007, 216 pages, 15 €

 

Michèle Reverdy, une personne vivante

Je voudrais écrire quelques mots sur une personne et un livre à la coupure de différents faisceaux d’intérêts qui sont miens, amicaux et intellectuels. Amitié et reconnaissance de Michèle Reverdy, la compositrice de Médée – commande de l’Opéra de Lyon – qui m’a confié les deux dernières pages manuscrites de la partition dudit opéra (1). J’ai donc un point de vue à la fois très argumenté et personnel de la production de la compositrice, qui nous livre dans son ouvrage chez Klincksieck une vraie parole d’artiste. Et pour mieux dire, je crois utile de préciser que cet autographe me hante un peu, à la manière d’un vin dont les notes pourraient être des grappes, dont les clusters pourraient devenir une musique dionysiaque et vibrante, et constituer une œuvre vivante d’aujourd’hui.

Mémoires d’une fille d’Afrique, à propos de Carnets intimes de Taos Amrouche

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 29 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, La Une CED

Je lus l’Iliade au milieu des blés mûrs (…) C’est en moi qu’Antiloque lançait l’épieu. C’est en moi qu’Achille damait le sol de sa tente, dans la couleur de ses lourds pieds. C’est en moi que Patrocle saignait. C’est en moi que le vent de la mer se fendait sur les proues.

« Jean le Bleu », Jean Giono (1932, Grasset)

Nature et passion

Les Carnets intimes de Taos Amrouche se tissent au fil de nombreuses interrogations entrecoupées de malaises, de rencontres fortuites, de recherche d’absolu. Les couleurs les habitent, rouge sur le bonheur, vert pour l’angoisse de l’attente, jaune d’or pour le troisième journal, bleu pour le futur bilan. Taos Amrouche consigne avec une naïveté de jeune fille entre affronts et ivresse l’évolution de ses sentiments (et de ses déboires) pris en étau par Jean (Giono), qualifié de poltron et de monstrueux – situation commune aux créatrices des années 1950/60, assignées à des rôles fantasmatiques et à une reconnaissance moindre… Taos Amrouche l’avoue [à propos de Giono] : Je l’ai idéalisé. Je l’ai fabriqué et dénonce : si le bâillon est bien ajusté, il me domine, l’idée que je puisse être éditée, m’exprimer, me libérer lui est intolérable (l’on pense parfois, dans ce maelström sentimental, au Journal de Katherine Mansfield de 1927, et à sa liaison malheureuse avec Francis Carco).

Cathédrales, 1789-1914, un mythe moderne

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Dir. Sylvain Amic et Ségolène Le Men, Cathédrales, 1789-1914, un mythe moderne, Somogy éditions d’art, Musées de Rouen, Paris/Rouen, 2014, juin 2014, 39 €

 

Grâce à la publication de ce bel ouvrage, nous sommes, ne finissons pas d’être « à l’heure où s’accomplit la découverte de la cathédrale », pour reprendre la formulation de Charles Morice dans sa longue introduction à l’ouvrage d’Auguste Rodin Les Cathédrales de France, publié en 1914.

Cette découverte s’opère grâce à la vue d’abord (vraie grâce). Entrant en certaines cathédrales (qui nous donnent le sentiment d’être « faite[s] de toutes les cathédrales », comme l’a murmuré Morice), l’on est amené à être ébloui. Même s’il y a l’ombre, omniprésente, chaque cathédrale aimée perd immédiatement, dans le moment où l’on reconnaît cet amour qu’on lui porte, « son essence comme structure de pierre » (John Ruskin) pour recouvrer son essence comme structure de lumière. Émile Verhaeren, alors trop jeune pour assister aux offices, découvrit « comme en maraude » la cathédrale gothique d’Anvers et fut ébloui de voir luire « un autre soleil »*.