Identification

Les Chroniques

Deux livres à peine lus : textes et prétextes par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 23 Avril 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Le pays des deux livres. L’un dicté par le ciel, l’autre dicté par une chaise. Celui du ciel est connu, dit, répété, psalmodié, mal compris, pas compris, imposé, détourné comme un avion, précipité sur les gratte-ciels ou les femmes ou les individus ou les libertés. Le livre du ciel ne sert pas, à certains, à éclairer le monde mais à le brûler, désormais.

Il suffit de regarder l’actualité : premier autodafé inversé de l’histoire : on use d’un livre pour brûler le monde, pas le contraire. Son premier mot est « Lis » depuis l’éternité prononcée. Parce que le désastre de l’analphabétisme semble être intemporel dans nos géographies : il fallait l’intervention d’un Dieu pour pousser les gens à lire !

Et cela semble n’avoir pas suffi quand on regarde Daech, El Qaïda, la campagne contre Benyounes ou le retour du FIS et la tenue du Sultan de l’AIS qui a avoué un meurtre à la télé sans faire bouger personne, sauf Ouyahia qui lui a servi du thé.

Le second livre, celui dicté par la chaise, est la Constitution. Femme violée, livrée, piétinée, semelle votée, loi fondée et dévergondée. A quoi cela sert une constitution dans les pays dits « arabes » ? A rire jaune puis à faire semblant de lire.

Le sort fait aux femmes révèle la liste des peuples maudits (Kamel Daoud)

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

Farkhunda. Le prénom, presque, d’une terre. Ou d’un royaume ? Ou d’une légende ? C’est le prénom de la femme afghane lynchée par la foule, filmée, puis jetée au fleuve Kaboul, dépecée et brulée, il y a une semaine. Il fallait voir ces images sur Internet : des policiers qui se croisent les bras, un Afghan qui filme, une meute qui s’acharne sur une masse sombre : la femme accusée d’avoir brûlé un coran. A un moment, un homme arrive et se met à la frapper avec un seau. Un autre avec une planche. Poussière. Atroce. Sentiment de terreur et de honte.

Plus tard, quand retombera la poussière, le ministère afghan de l’Intérieur précisera qu’elle n’était coupable de rien : ni d’avoir brûlé, ou piétiné ou déchiré un Coran. Juste d’avoir été une femme. Farkhunda. On tente d’imaginer ses derniers moments, sa douleur sous le piétinement, ses cris, sa sombre solitude.

Je vous construis le paradis ! par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Aujourd’hui, j’ai décidé de construire le paradis. Et pour construire le paradis, un vrai paradis, il faut avoir les ingrédients adéquats et nécessaires : humains, angéliques, diaboliques, matériels et textuels. Parce que je l’ai toujours imaginé en forme d’une vaste et riche bibliothèque, donc pour ériger le paradis, le vrai paradis, il me faut des livres, beaucoup de livres humains et divins. Les meilleurs livres de tous les siècles et de tous les Cieux. Des livres dans toutes les langues. Même ceux écrits dans les langues des oiseaux. Dans toutes les disciplines et dans toutes les indisciplines ! Et beaucoup de manuscrits ornés et calligraphiés par les plus grands maîtres du calame à l’image d’El Wassiti et Ibn Moqla.

La bibliothèque, même avec ses milliers de livres et manuscrits, sans la présence des poètes, elle n’est qu’espace mort. Mausolée abandonné. Donc j’ai décidé d’inviter les poètes pour occuper mon Éden. J’ai établi une liste des meilleurs faiseurs de mots ou de papillons. Je les ai classés par ordre de mérite c’est-à-dire par ordre de malédiction. La « malédiction poétique » est un critère littéraire déterminant dans mon choix. Et parce que le paradis est un espace de liberté, j’ai laissé la liste ouverte.

Carnets d’un fou : XXVI (mars 2015)

Ecrit par Michel Host , le Samedi, 11 Avril 2015. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

(Pour la nouvelle présentation de ces « Carnets », lire la première page des Carnets d’un fou-XXIV)

 

« La Bibliothèque n’est pas ce qu’un vain peuple pense. Mais un climat, mais un haut lieu. Elle fascine, elle envoûte, elle fait des vocations. Cent vingt kilomètres d’imprimés y plongent trois cents chercheurs dans de chastes ivresses. Quand on les a connues on n’en guérit jamais ».

Alexandre Vialatte, Chroniques de La Montagne, I, p.87

 

# Il y a eu (des paléontologues le prétendent) un homo habilis et un homo faber. Je veux bien. Tranche-biftecks en silex, armes de poing et de main. Puis vint, dit-on, homo sapiens. Là, je l’avoue, c’est se vanter au-delà de toute raison. Pourquoi alors les flèches et les arquebuses ? Quant à prétendre qu’il fut suivi de homo sapiens sapiens, c’est vouloir cacher la laideur de ses pieds sous la roue du dindon.

Ecrits pour l’amitié (*1)

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 11 Avril 2015. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

« Chacun a son propre ciel. Il ne faut jamais s’installer dans le ciel d’un autre car on s’y sentira toujours comme un étranger. Par contre les cieux des autres peuvent nous inspirer à créer et élargir notre propre ciel »

(Anna-Eva Bergman, Carnet de 1950)

 

J’avais lu, il y a très longtemps, De sel et de cendres et j’ai renoué depuis peu avec la lecture de Jean Proal en découvrant les nouvelles du recueil Bleu de neige du bulletin n°5 de l’Association des amis de Jean Proal.

J’écrivais dernièrement à Anne-Marie Vidal, dont le travail pour faire vivre l’œuvre de l’auteur est passionné et passionnant, la fascination qu’exerce cet auteur sur nos esprits. Et aussi, combien j’avais été troublée dans ces nouvelles par le lien étroit entre les thématiques de l’amour et de la mort qui parcourt les textes.