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Les Chroniques

Journal de lecture du Don Quichotte en la Pléiade (8) - Du simulacre à la fiction

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 07 Mai 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Au moment où il écrit cette « page » de journal, le journalier voit s’approcher le jour de la Sant Jordi, la fête catalane qui est aussi fête mondiale du livre et encore plus, l’anniversaire de la disparition de notre auteur, père de Sancho et de son maître. Voilà quatre siècles qu’ils tracent leur chemin dans nos imaginaires littéraires, devenant plus réels que bien des personnages réels que nous croisons au quotidien. Sans éclats, sans violence, ils se sont installés en nous, toujours prêts à nous répondre ou à nous surprendre au milieu de notre quotidien, de nos conversations ou de nos rêveries. Il peut parfois nous arriver de les oublier, de les perdre de vue dans le brouhaha et la noise qui trop souvent nous submergent, mais ils sont toujours là, ombres ou silhouettes qui ont l’éternelle patience de nous attendre, acceptant nos errances et nos hésitations, sans rien nous reprocher…

De fait, d’autres ces derniers temps sont parvenus à parler plus fort et à s’imposer, à s’interposer, éloignant le lecteur trop compulsif de leur pas et de leurs aventures. Mais comme ils sont de ceux qui ne disparaissent pas, nous savons les retrouver à peu de chose près à l’endroit où nos chemins se sont pour un temps séparés. Alors nous hâtons le pas sur les sentiers d’encre et de papier, impatients de les retrouver, et accordant à nouveau notre souffle de lecteur au rythme de leurs paroles, de leur chevauchée et de leurs aventures.

Assia Djebbar peut encore vivre si on le veut, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 03 Mai 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Chouyoukhs contre écrivains. Imams contre livres. Fatwas contre fictions. La fin du monde contre le monde. La mort contre le conte.

Le pays a choisi, un peu, parfois, souvent. D’un côté les écrivains, chassés parfois, morts tellement de fois, exilés, forcés, réduits ou transformés en caricatures d’eux-mêmes ; de l’autre la montée triomphante et dopée de ces armées de « Savants » qui tuent le monde par la langue, salissent la vie et transforment une religion en sexologie de malades.

D’un côté l’écriture qui cherche du sens sans tuer l’homme, restitue la dignité, l’énigme ou la gravité, de l’autre ceux qui veulent tuer la femme, la liberté, la promenade et le corps et le sens. Le pays, entre le gouffre et le roman, le rite et la rature, un livre et tous les autres livres. Question de fond : le pays a-t-il besoin de ses écrivains ? Presque pas.

A quoi sert un écrivain dans un pays où la fiction n’est pas tolérée ? Où la fiction est sommée ou soupçonnée ? Où l’imaginaire n’est pas un droit mais le diable ?

« Quatre filles et un Violoncelle », par Marie du Crest

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 25 Avril 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La pièce de Michel Bellier, Les filles aux mains jaunes, a été créée en 2014 au théâtre Le Sémaphore à Port de Bouc et reprise ensuite tant en France qu’à l’étranger, dans une mise en scène de Joêlle Cattino. Le théâtre Joliette-Minoterie, scène conventionnée, à Marseille, la propose les 23, 24, 25 et 26 mars à nouveau.

Il est posé sur le sol, ce drôle d’instrument qui ne tient debout que sur sa pointe, que si l’on décide de le faire jouer, assis sur une chaise et installé entre ses jambes comme une amante installée sur les genoux d’un amoureux. Tout est obscur autour de lui ; des lampes industrielles suspendues dans les cintres rappellent sans doute que le théâtre est ce moment suspendu entre le noir et la lumière, et le retour au noir. Le violoncelle, en quelque sorte, dit que Les filles aux mains jaunes ne sont plus seulement le texte de Michel Bellier mais une représentation, une mise en scène matérielle, affaire d’objets et d’accessoires choisis, du son et de la lumière, des corps et des voix. Il n’y avait pas de musique entre les pages de la pièce écrite. Le Violoncelle est là, du début du spectacle, étrange et unique présence masculine puisque c’est Jean-Philippe Feiss qui tient l’archet, fait des pizzicati, le transforme en percussion.

Sur "Eureka Street" de Robert McLiam Wilson

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 23 Avril 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Si l’on doit assigner une fonction à l’art, ce pourrait être la suivante : permettre de voir le monde, le traduire en une œuvre qui, si elle ne donne pas du sens au monde, permet au moins de l’appréhender. La mélancolie et les yeux qui s’humidifient avec dignité – Les Larmes, de Rachmaninov. La paternité et l’envie de dire la vie à son enfant – Mistral Gagnant, de Renaud. La solitude urbaine – The Nighthawks, de Hopper. La splendeur de la bêtise – Bouvard et Pécuchet, de Flaubert. Une œuvre d’art, à ce titre, ne pourrait être décrétée telle qu’en tant qu’elle donne à voir, qu’elle ouvre à l’esprit des portes jusque-là fermées, ou du moins à peine entrouvertes. Voilà pourquoi Eureka Street (1996), le troisième roman de l’Irlandais du Nord Robert McLiam Wilson (1966) est un grand roman, pourquoi il doit être célébré et lu par tout le monde en ces jours d’inquiétude : mieux que tout autre, ce roman a traduit l’intraduisible, la vie au quotidien au temps du terrorisme, au temps de la violence incompréhensible d’une guerre civile insensée ayant duré « vingt-cinq ans et cent jours » : « Trois mille personnes étaient mortes, plusieurs milliers d’autres avaient été battues, blessées ou amputées, et nous avions tous connu une trouille bleue pendant presque tout ce temps-là. A quoi cela avait-il servi ? Qu’avait-on ainsi accompli ? »

IF / Revue des Arts et des Ecritures Contemporaines #43, mars 2016

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 22 Avril 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

On ne saurait trop insister sur la vitalité et la richesse des revues littéraires, et particulièrement poétiques, philosophiques mais aussi artistiques en France, depuis plusieurs décennies. Elles sont pour la plupart d’entre elles de véritables champs d’expérimentation, donnant la parole à des auteurs ou artistes que le monde éditorial « mainstream » parfois ne met pas en lumière. De plus, elles permettent, loin de Paris, de donner à des auteurs, plasticiens, peintres, vidéastes et bien d’autres encore, l’occasion de trouver un écho auprès d’un lectorat curieux en matière de création contemporaine ; tel est le cas de IF.

Fondée en 1992 par Liliane Giraudon, Henry Deluy et Jean-Jacques Viton, la revue semestrielle If (12 €) est désormais diffusée par les éditions Les Solitaires Intempestifs. Hubert Colas en assure la direction.

La revue est un reflet éditorial de Montevideo – lieu de création contemporaine et d’ActOral festival international des arts et écritures contemporaines, basés à Marseille.