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Théâtre

Pas bouger, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Pas bouger, 56 pages, 9 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

« Soit le point A, soit le point B »

Il y a A, un homme qui marche parce que « ceux du départ » lui ont dit que « là-bas » il rencontrera un, une cycliste. C’est un ordre, une mission, le but peut-être de sa vie. Il progresse droit devant, en direction du coucher du soleil. Il y a B, un homme figé, immobile qui, lui, attend le signal qui l’autorisera à entrer dans le mouvement. Il est celui qui répète dans l’économie maladroite, sans respect de la syntaxe : « Pas bouger ». Commandement qu’il se donne à lui-même, dans la répétition, dans un refus buté de tout autre vécu, semblable à un soldat de terre cuite de l’empereur Qin Shi Huang.

Ils se rencontrent, s’éloignent l’un de l’autre puis se retrouvent, font un bout de chemin ensemble et à nouveau se séparent comme nous le faisons dans notre vie. Le jour et la nuit se succèdent selon la construction de la pièce, en 6 parties ou scènes. Chacun d’entre eux affirme son point de vue sur la vie. D’un coté le Mouvement, la découverte du monde (p.45) et de l’autre la Contemplation. Cosmique. B dit à A (p.31) :

Quelqu’un manque, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 24 Novembre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espaces 34

Quelqu’un manque, 45 pages, 9,5 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Espaces 34

 

« La langue de l’intérieur »

Quelqu’un manque, écrit en 2002 dans le cadre de la Chartreuse d’Avignon, est une pièce courte, dont la brièveté même travaille le langage et le deuil comme autant de pertes, de lacunes, de répétitions impuissantes, de silences et de non-dits. Le manque de l’autre, du compagnon malade, agonisant et défunt dont nous suivons le calvaire physique. La choralité dans la distribution (les pleureuses, Elle, le soignant, l’ami) accomplit ce travail de la recherche de ce qui s’en va, de ce qui s’efface, de ce qui meurt mais aussi de ce qui reste. Nous ne savons pas si les paroles se souviennent, ressurgissent, semblables à la mémoire. Ainsi au début du texte, les pleureuses reprennent-elles à leur compte ce « qu’il disait » ou « ce qu’elle disait » jusqu’à creuser encore plus profondément dans l’intériorité (p.30-1) :

Qu’est-ce que ça serait toi, hein, ta dernière volonté ? disais-tu.

Peut-être, après tout pourquoi pas, un verre de lait, oui, de lait bien chaud, disais-tu.

Auteurs vivants, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 28 Octobre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Auteurs vivants, 54 pages, 11 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

En octobre 1663, Molière joue devant le roi L’impromptu de Versailles, comédie en prose et en un acte dans laquelle il met en abyme le travail d’une répétition avec sa troupe. Il règle ses comptes avec la troupe de l’hôtel de Bourgogne et avec les détracteurs de sa pièce, L’école des femmes. Emmanuel Darley participe lui, en 2006, au projet d’une trilogie du Théâtre au présent, aux côtés de Yves Gourmelon et Lydie Parisse, intitulée La répétition publique. Le texte d’Emmanuel Darley correspond au deuxième opus de l’ensemble Théâtre contemporain qui édité deviendra Auteurs vivants. Son entreprise n’est pas sans rappeler celle de Molière puisqu’il s’agit là aussi d’une répétition comme l’indique la didascalie initiale : « Deux sur la scène en costume de ville. Texte en main. Ils vont et viennent ».

Cette répétition d’ailleurs constituera l’unité du propos. Les personnages appartiennent évidemment au monde du plateau : les comédiens André, Maurice, Madeleine (avatar contemporain de la mademoiselle Béjart de Molière), le metteur en scène, Marc-Antoine, lui aussi sans doute souvenir de l’Antony de Shakespeare et enfin l’auteur contemporain qui « terrorise » la petite troupe répétant Le Cid de Corneille, le bien nommé Cagoule. Les spectateurs (les vrais dans la salle) quant à eux jouent le rôle que Darley leur assigne.

Le Mardi à Monoprix, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 20 Octobre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Le Mardi à Monoprix, 56 pages, 11 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

« Telle quelle »

Le Mardi à Monoprix, sans doute la pièce la plus connue d’Emmanuel Darley, dévoile ce qui a constitué la trajectoire de l’ensemble de son œuvre. En effet, rare écrivain « total », romancier à ses débuts puis auteur de pièces en 1998 avec Badier Grégoire, E. Darley n’a eu de cesse de passer de l’écriture dramatique à l’écriture romanesque. Ainsi Le Mardi à Monoprix est-il, certes, le monologue d’un transsexuel, qui laisse entendre d’autres voix que la sienne : celle de son père « qui dit » en tout premier lieu ou celle par exemple d’une femme rencontrée dans la rue. Mais le texte est élaboré aussi comme un récit à la première personne (récit d’une nouvelle), qui avance par étapes, par blocs typographiques. Marie-Pierre, la narratrice, évoque la journée du mardi, qu’elle consacre à son père qui vit seul, dans une autre ville. Rituel attentif avec ses gestes et ses tâches ménagères que des phrases simples au présent, proches de notes sèches, souvent en l’absence de ponctuation, énumèrent :

Le mardi c’est dit je passe la journée là-bas à faire ceci cela la poussière et tout. Je secoue la nappe je change les draps. Je vide la poubelle.

Indigents, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 11 Octobre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Indigents, Actes Sud-Papiers, 2001, 42 pages, 7,47 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

La misère du monde

Il y eut les gueux, les misérables, les mendiants, les clochards, tous les damnés de la terre. Aujourd’hui, d’autres mots désignent ceux que nous ne voulons pas voir, les exclus, les sans domicile fixe, les poétiques hobos. La littérature les a peints, de Serena à Daeninckx ou Echenoz. Emmanuel Darley lui les nomme « indigents » comme pour déjà prendre ses distances avec une perception strictement sociale, administrative de ceux que la société a marginalisés. L’indigence dit la privation du nécessaire, une existence de l’ordre de la survie, de la « picole » consolatrice, de la biture. Une humanité réduite à être des « corps allongés dans diverses proximités, des couvertures et des cartons » (cf. didascalie inaugurale). Les personnages de la pièce installés à l’écart de la ville, du côté de la gare, lieu de l’errance par excellence, ne font que parler, mouvoir leur corps. Les uns contre les autres ; les uns avec les autres.