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Roman

Une femme fuyant l'annonce, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Dimanche, 21 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Seuil, Israël

Une femme fuyant l’annonce, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Août 2011, 666 p. 22,50€ . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

Ce n’est pas un livre, c’est un choc. Un bouleversement, un éboulis et une résurgence, ou si l’on préfère, un effondrement et une résurrection. Tous les mouvements de la vie, superbement traduits, une partition.

Ora est cette « femme fuyant l’annonce » de l’éventuelle mort de son second fils, Ofer, au cours d’une opération spéciale pour laquelle, sa période terminée, il s’est porté volontaire. Ora, qui avait prévu de faire une randonnée en Galilée avec lui décide alors d’engager le destin : sa manière à elle de repousser des deux mains la porte sur ce qu’elle refuse de voir advenir. Entraînant de force avec elle Avram, père caché d’Ofer qu’il a toujours refusé de voir, elle se lance dans une pérégrination au cœur de paysages sublimes, enchanteurs, paradisiaques, éclatant de couleurs, baptismaux : « (…) En Israël, les chemins émettent des sons que je n’ai entendus nulle part ailleurs (…) » dit Ora, alors qu’Avram lui répond « tu veux dire que (…) le langage germerait de la terre ? » (p. 504).

S’imaginant conjurer le sort en racontant la vie d’Ofer à son père, nouant le fil et tissant la trame, en le disant elle espère le protéger : tant que l’évocation d’Ofer planera sur leur randonnée, rien ne lui arrivera, il faut détourner de lui le mauvais sort :

Great Jones Street, Don DeLillo

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 19 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Actes Sud

Great Jones Street, 304 pages, 22 € . Ecrivain(s): Don DeLillo Edition: Actes Sud

Plus de 30 ans après sa publication, Actes Sud réédite le livre de Don DeLillo, Great Jones Street.

Bucky Wunderlick est une rock-star au sommet de sa gloire. Subitement, il décide d’abandonner son groupe en pleine tournée et de disparaître. Homme public, il aspire à une vie privée et se réfugie dans un petit appartement miteux sur la Great Jones Street du titre, dans l’East Village new-yorkais.

« Tu es sorti de ta légende pour te mettre en quête d’une liberté personnelle ».

Mais personne n’entend le laisser tranquille.

Le « pouvoir » de Bucky augmente. Plus il passe de temps dans l’isolement, moins il fait parler de lui, et plus il existe dans les médias et dans l’esprit du public. Sa présence devient encore plus intense que lorsqu’il arborait son costume de rock-star et écumait les scènes.

Les rumeurs vont bon train. Alors qu’il reste enfermé dans sa chambre à New York, il est aperçu dans différents endroits du monde. Certains l’auraient également vu donner des concerts.

Bucky en vient à changer de statut. Plus qu’une rock-star, Bucky apparaît comme un messie en herbe, un porte-parole, quelqu’un qui pourra donner aux gens du sens à leur vie. On attend de lui qu’il parle, qu’il délivre son message.

Le Juif Süss, Lion Feuchtwanger

, le Lundi, 15 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Le Livre de Poche

Le Juif Süss, traduit de l'allemand par Maurice Rémon 697 pp., 8 €. . Ecrivain(s): Lion Feuchtwanger Edition: Le Livre de Poche

Si on lance une recherche à la mention « Le Juif Süss » sur Google, il faut attendre pas moins de quatre-vingt références avant de tomber sur une maigre notice Wikipédia consacrée au roman que Lion Feuchtwanger publia sous ce titre en 1925. À croire que l’autodafé des nazis à l’encontre de ce chef-d’œuvre se poursuit par malentendu interposé, dans  la mesure où l’unique information qui focalise l’attention à son sujet, c’est le film de propagande, supervisé par Goebbels, qu’en tira le réalisateur Veit Harlan en 1940. Or, voici qu’en décembre dernier reparaissait, dans sa version intégrale, ce texte superbe qu’il n’y a plus désormais aucune excuse à ignorer.

« Version intégrale », la chose mérite d’être soulignée. En effet, les rares à s’être plongés dans la précédente traduction française, due à Maurice Rémon, n’eurent accès qu’au pâle reflet des sept cents pages originales ; à un ersatz, amputé de maints passages et rendu par une langue autrement surveillée. La présente mouture se base sur l’édition Aufbau-Verlag de 1959 et, en la matière, la belle ouvrage de Serge Niémetz est à saluer sans réserve, car il aura su restituer à la prose de Feuchtwanger son ampleur, sa souplesse, sa richesse lexicale et expressive, bref son énergie. Du noir et blanc manichéen du film antisémite qui en fut tiré, la palette se rehausse pour le coup de toutes les nuances du fresquiste hors pair qu’était le romancier.

Adieu le cirque !, Cheon Un-Yeong

Ecrit par Victoire NGuyen , le Samedi, 13 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Asie, Serge Safran éditeur

Adieu le cirque !, traduit du coréen par Seon Yeong-a et Carine Devillon, avril 2013, 267 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Cheon Un-Yeong Edition: Serge Safran éditeur

 

Ballade des âmes errantes

 

Le roman s’ouvre sur un spectacle de cirque en Chine. Deux frères assistent aux acrobaties qui se déroulent sur scène. Le lecteur ne connaît que la pensée de l’un des frères, Yunho, qui contemple le spectacle.

« Je regardais la scène, les bras croisés, bien résolu à rester de glace, quelque dangereux que fût le numéro réalisé devant mes yeux. La virtuosité de cette troupe d’acrobates chinois, qui arrachait des exclamations au public par une contorsion ou un pliement grotesque du corps, ne m’inspirait que pitié. Le cirque implique une prise de risque. Le cirque, c’est l’affranchissement des limites physiques par un entraînement infernal. C’est donc de la pitié, et non de l’émotion, que l’on éprouve au cirque ».

Un balcon sur l'algérois, Nimrod

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 12 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Afrique, Actes Sud

Un balcon sur l’Algérois, avril 2013, 174 pages, 18 € . Ecrivain(s): Nimrod Bena Djangrang (Nimrod) Edition: Actes Sud

 

 

Début des années quatre-vingt. Paris – c’est-à-dire, essentiellement Montparnasse, Saint-Germain-des-Prés et Montmartre. Nimrod, un jeune étudiant tchadien, arrive de son pays et s’inscrit à la Sorbonne. Les rapports avec sa directrice de mémoire, d’académiques, virent à la passion amoureuse et charnelle. Jeanne-Sophie est fille de colonel et issue de la grande bourgeoisie. Lui est boursier. Il est marié – Maureen, l’épouse, est au Tchad avec leur fille ; elles le rejoindront peut-être. Jeanne-Sophie a toujours eu ce qu’elle voulait et est habituée à posséder ce qu’elle désire. A côté de ces deux personnages, il y a quelques autres dont Bakary, éboueur malien de son état et père d’un garçon qu’il a eu avec Sylvie, une amie de Jeanne-Sophie. Sylvie, également prof à la Sorbonne, est une « fille d’aristos » ; son père est un banquier… Voici comment pense et parle Bakary – au grand dam de sa compagne ; enfin compagne est une façon de parler parce que Bakary a sa fierté d’éboueur. Il tient à son foyer de travailleurs d’Arcueil-Cachan et refuse d’emménager avec Sylvie dans son appartement du 16ème. Bakary donc – il s’adresse à Nimrod :