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Nouvelles

La lumière est à moi, et autres nouvelles, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 20 Juin 2019. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

La lumière est à moi, et autres nouvelles, Gallimard coll. Haute enfance, octobre 2018, 208 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Gallimard

 

La sensualité adolescente retrouvée. Deux garçons pour une fille. L’été comme un frisson.

Dans la langue, on renoue avec l’intime, cette « lumière est à moi », nous suggère le titre, celle du corps, du cœur, et de ce touché d’une cible si difficile à nommer quand elle vibre au loin à l’intérieur.

Du surplomb de l’enfance – au sens large, petite et adolescence –, Gilles Paris découvre des consciences fines.

La grâce de l’écriture fait le reste.

La longue nouvelle, Eytan, qui déroule ses errances et beautés relationnelles sur les îles Lipari, surtout, comme « Les enfants de chœur ».

Beaucoup de poésie, d’âpreté. Nombre de regards d’adolescents, de jeunes filles, légèrement en décalage, avec une perception aiguë des adultes qui virevoltent autour d’eux.

Le Cœur en Lesse, Aurélien Dony (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 12 Juin 2019. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Cœur en Lesse, MEO éditions, mai 2019, 100 pages, 14 € . Ecrivain(s): Aurélien Dony

 

Outre le souvenir d’enfance, par exemple, il est possible de faire vivre l’idée humaine dans les ressources d’un paysage, avec aussi un esprit d’intégration : « J’ai besoin d’espace, de ciel à travers les branches, de vent sur ma peau. J’ai besoin d’appartenir à l’écorce des bouleaux, aux plumes des tourterelles, au cours d’eau. Je veux m’enraciner, devenir ce tout dont je suis ».

C’est qu’Aurélien maîtrise l’ambiance, scénarise tout ce qu’il touche. Touchante aventure à faire jaillir, parfois, le souvenir dans le vieux rêve d’autrui apportant une certaine consolation :

« Il n’y a plus rien, Simonne… L’ombre du vieux couple, dans la lumière d’or d’une fin de jour d’été, se fond dans le décor. Simonne serre un peu plus la main d’Emile entre ses doigts.

– Si, mon amour, regarde. Il y a encore des papillons ».

Coucher de soleil et autres croquis de la Nouvelle-Orléans, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 06 Juin 2019. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Coucher de soleil et autres croquis de la Nouvelle-Orléans (New Orleans Sketches), trad. américain Michel Gresset, 112 pages, 2 € . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

Juste neuf nouvelles, très brèves, extraites du recueil « Croquis de la Nouvelle-Orléans » (Gallimard, Du Monde Entier) et cela suffit à être éclaboussé par le génie littéraire absolu du Maître du Mississippi. Il n’en faut pas plus pour plonger dans les rues de la Cité du Jazz, des pauvres Blancs et des Noirs, plus pauvres encore si c’est possible. L’art du portrait chez Faulkner confine au surgissement des êtres hors du temps et de la page. Un court paragraphe suffit à camper une figure du Sud à jamais.

« “Bas les pattes !” hurla-t-il. La façon dont il se tenait debout sur sa seule jambe en faisant tournoyer sa béquille autour de lui comme une hélice d’avion tenait du miracle. “M’arrêter chez moi dans ma chambre ! M’arrêter ! Où sont donc les lois et la justice ? Est-ce que je ne fais pas partie de la plus grande république de la Terre ? Est-ce que chaque travailleur n’a pas le droit d’être chez lui, et est-ce que je n’y suis pas ici ? Fiche-moi le camp, maudit Républicain ! Parce qu’il a un boulot fédéral, il se croit tout permis”, déclara-t-il aux badauds d’une voix rauque et roublarde. D’un grand geste, il ramena sa béquille sous son aisselle et prit une attitude avantageuse » (Miroirs de la rue de Chartres).

Trois gouttes de sang, Sadeq Hedâyat (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 31 Mai 2019. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Zulma

Trois gouttes de sang, mai 2019, trad. persan Gilbert Lazard, Farrokh Gaffary, 192 pages, 8,95 € . Ecrivain(s): Sadeq Hedâyat Edition: Zulma

 

Sang et phosphore

Dès la première nouvelle, Sadeq Hedâyat puise au répertoire allégorique de son pays d’origine, l’Iran, à travers les jardins, la présence des animaux, la musique, la famille, les marginaux, tous étranges et entêtants. Dans un temps bouleversé, traumatisé, chaque récit recoupe un pan de l’histoire syncopée des vieux mondes islamisés, dans des espaces que hantent les morts. L’on y rencontre le chat à « la plainte déchirante », au « roucoulement amoureux », l’œil – sacré, celui du destin, l’œil porte-malheur, jusqu’à l’œil crevé de l’aveugle –, la référence parabolique aux fables, Kâlila wa Dimna, puis l’hommage au poème versifié et à la prose persans.

Ainsi, la nature morte recouverte de poussière, synonyme du passé, se remet à embaumer et à reverdir. La survivance olfactive d’« un parfum de violette » alimente la mélancolie nocturne et la folie, comme le prouve l’acharnement exalté de l’archéologue américain de la nouvelle Le trône d’Abou Nasr, taraudé par l’espoir de trouver la porte qui mène aux trésors enfouis du vieux Chiraz, tentant de déchiffrer des manuscrits complexes, et qui creuse sans ménagement l’entrée du caveau.

Le Diable et Sherlock Holmes, David Grann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Mai 2019. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Editions du Sous-Sol

Le Diable et Sherlock Holmes, Editions du Sous-Sol, mars 2019, nouvelles traduites de l’américain, 452 pages, 23 € . Ecrivain(s): David Grann Edition: Editions du Sous-Sol

 

Autant le dire d’emblée, ce volume de novellas de David Grann n’a que très peu de rapports avec le pensionnaire du 221b Baker Street à Londres. Certes, la première histoire – qui nous place au cœur des descendants et des fanatiques du détective – raconte la quête aventureuse des documents précieux de Sir Arthur Conan-Doyle. On peut aussi dire qu’une autre nouvelle, Un crime parfait, évoque de loin les énigmes que Sherlock avait à résoudre et ses méthodes d’enquête. Mais pour tout le reste, c’est-à-dire l’essentiel, le lien avec Sherlock Holmes nous a échappé. Par contre, nous avons du pur David Grann, et c’est déjà formidable.

Grann est un cas très particulier dans ce qu’il faut bien appeler la littérature. C’est qu’il n’en fait pas. Si l’on estime que l’acte littéraire est création, fiction, alors les histoires qui sont racontées ici – et plus généralement dans tous les livres de David Grann – ne sont pas littérature car elles sont vraies et rapportées telles qu’elles ont eu lieu, jusqu’au moindre détail. Aucune part à la fiction, rien à voir avec l’exofiction par exemple qui prend des faits réels pour les romancer, les remodeler au gré de l’auteur.