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Les Livres

Œuvres complètes, Louise Labé, Bibliothèque de La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Décembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Pléiade Gallimard

Œuvres complètes, Louise Labé, octobre 2021, 736 pages, 49 € jusqu’au 31 mars 2022, 55 € ensuite Edition: La Pléiade Gallimard

 

Louise Labé Lyonnaise, dite la Belle Cordière, entre en Pléiade. Mais qui entre en fait ? Le dynamisme littéraire de la bonne ville de Lyon vers le milieu du XVIème siècle, le goût du mystère et du jeu littéraires, l’esprit coquin des poètes lyonnais (Maurice Scève et sa troupe) laisse supposer que Louise est un mythe littéraire, une pochade géniale d’un groupe d’amis poètes qui se seraient servi d’une courtisane de l’époque – réputée pour ses prouesses amoureuses – pour inventer une poétesse. Mireille Huchon, qui dirige cette édition, avait largement contribué à semer le doute dans son étude sur Louise Labé (Louise Labé, une créature de papier).

Et pourtant. Rien au monde ne vient à l’appui définitif de cette thèse. L’ouvrage de La Pléiade présente 24 sonnets de la plume de Louise Labé et 24 poèmes dédiés à Louise Labé par ses amis lyonnais (dont Maurice Scève, Pontus de Tyard, Guillaume des Autels, Pernette du Guillet…). Faux hommage ou vraie admiration pour une femme stupéfiante, putain et poète ? Clore ce débat sans fin s’impose. Mireille Huchon nous y invite dans son introduction : qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.

Un jour, Maurice Genevoix (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Décembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Plon

Un jour, Maurice Genevoix, Plon, septembre 2021, 208 pages, 19 €

 

 

En 1976, Maurice Genevoix est âgé de quatre-vingt-six ans et publie un bref et intensément paisible roman, Un jour. Que ce roman soit une somme, une synthèse ou un testament importe peu, ce ne sont que des étiquettes. À vrai dire, malgré les références faites à la propre œuvre et à la propre biographie de l’auteur, ce roman peut (doit ?) être lu comme un récit indépendant de toute littérature, de toute histoire littéraire, de toute considération universitaire – un peu comme l’œuvre de Genevoix, qui se méfiait voire se gaussait des théories littéraires ou psychanalytiques, surtout appliquées à ses livres. Juste, mais c’est suffisant pour l’âme, une déambulation entre amis silencieux malgré les mots prononcés, un de ces moments rares de proximité absolue avec l’Autre – qui est peut-être au fond soi-même, on y reviendra.

La Cathédrale des noirs, Marcial Gala (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 13 Décembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

La Cathédrale des noirs, Marcial Gala, Belleville éditions, octobre 2021, trad. espagnol (Cuba) Maïra Muchnik, 240 pages, 19 €

 

« SI T’ATTERRIS ICI, C’EST POUR LA VIE, quelqu’un l’avait écrit sur le mur d’une maison, et c’est vrai que le quartier était chaud, vraiment chaud »

 

D’une construction fort originale, La Cathédrale des noirs, avec ses airs de simplicité et son humour caustique de quartier populaire, se bâtit sur une succession de témoignages qui dessine de plus en plus clairement une réalité trash et sanglante. Nous sommes à Cienfuegos, la « perle de Cuba », sa fameuse baie et ses plages adulées par le touriste, mais dans La Cathédrale des noirs, nous ne verrons pas la plage, juste quelques virées au quartier blanc de Punta Gorda pour y vendre de la viande et quelle viande !

Les faits qui sont au cœur de ce roman se déroulent à Punta Gotica, quartier pauvre, quartier noir, avenir barré, vilaines combines, drogue, alcool, sorcellerie, putes et criminalité. Punta Gotica est un quartier où on pisse sur la tête de l’ennemi vaincu.

Ainsi parlait Pétrarque, Dits et maximes de vie (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 13 Décembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Anthologie, Italie

Ainsi parlait Pétrarque, Dits et maximes de vie, François Pétrarque, éditions Arfuyen, octobre 2021, trad. italien et latin, Antoine de Rosny, 169 pages, 14 €

 

Écriture universelle

Découvrir l’axiologie de Pétrarque est une grande joie littéraire et philosophique. Car cette lecture nous replace au cœur de ce que l’on nomme la sagesse gréco-latine. Tout ici émane du parfum subtil de notre vieil humanisme de la Renaissance – si l’on considère le trecento comme ouvrant sur la Renaissance Italienne. L’homme occidental est défini lui aussi, bien après, par Montaigne et la valeur qu’il donne à « L’Honnête homme », et par l’invention au siècle suivant de la perspective (avec Masaccio). En tous les cas, la poésie change, se transforme, quitte l’emprise féodale et la chanson des troubadours par exemple, pour explorer des sentiers neufs (comme le fait parallèlement Dante Alighieri). Il y a certainement la conscience de l’éclosion d’un nouvel homme – à l’image peut-être de notre temps où l’on ressent la fin d’une conception anthropologique pour une autre acception.

Hospitalité des gouffres, Réginald Gaillard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 10 Décembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Hospitalité des gouffres, éd. Ad Solem, novembre 2020, 128 pages, 17 € . Ecrivain(s): Réginald Gaillard

 

Doublement fêté par le Prix Max-Jacob et le Prix Verlaine de l’Académie française, Hospitalité des gouffres, préfacé par Jean-Yves Masson, est un grand livre. L’oxymore du titre dit assez la conscience poétique de son auteur, près d’affronter les affres de l’enfance comme les promesses « à la cendre ».

Si les ténèbres « rôdent », il y a foi en la force même du vers « qui persiste dans le crâne », telle une lumière. Il faut porter des fardeaux, et « les temps sont courts » ; il faut user de légèreté pour saisir « une main qui soulève la tempête du salut ». Atteindre « l’arbre de vie » : tel est le vœu de ce livre fortement architecturé. Entre désir, constat, souhait et espérance.

Le « gouffre » était là, loin dans le temps, au temps des femmes de l’enfance. « Un enfant de ferme désormais seul » pleure ses « terres jurassiennes ». Un poète rameute le meilleur, quitte à énoncer ces blessures sans repos, sans répit.

Nous voilà lecteur hôte des gouffres !