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Les Livres

Dans les braises d’Hervé Guibert, Maxime Dalle (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 06 Janvier 2022. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Dans les braises d’Hervé Guibert, Maxime Dalle, éditions Louison, octobre 2021, 144 pages, 19 €

 

A la mémoire de Conrad Detrez et David Wojnarowicz

 

A quoi reconnaît-on un auteur important ? A la place qu’il occupe en son siècle, moins comme témoin que comme voix, petite musique, grincement, conscience malheureuse parfois ? A son monde, que l’on identifie en quelques lignes ? A sa langue et à son influence ? Aux pages insignifiantes qu’il s’est gardé de publier ? Hervé Guibert, mort du SIDA le 27 décembre 1991 à trente-six ans, fut un auteur important. Quiconque a eu vingt ans vers 1985, ayant ou non partagé ses préférences sensuelles, ayant été touché ou non, de près ou de loin, par la pandémie, ne peut être resté indifférent à ses livres et à sa trajectoire, exemplairement lumineuse et douloureuse.

A quoi reconnaît-on un livre important sur un auteur important ? A la manière dont il vous happe ; aux perspectives qu’il découvre. L’essai biographique de Maxime Dalle, Dans les braises d’Hervé Guibert, est un livre important.

Bouger les lignes, Florence Saint-Roch (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 06 Janvier 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Bouger les lignes, Florence Saint-Roch, L’Ail des ours, octobre 2021, 48 pages, Ill. Roselyne Sibille, 6 €

Ce livre tout consacré aux migrants d’une époque terrible nous demande, à nous lecteurs, de « bouger les lignes » de notre conscience.

À l’heure où tant de gens cherchent, par tous les moyens, de concevoir pour eux et leurs enfants une meilleure vie, à coups de voyages et d’errances, le poème peut, sans doute, apporter une sorte de salut, un brin de réflexion, une espèce de sauvegarde :

 

Notre solitude en croise d’autres

Le soir venu en lieux d’herbes et de taillis

On se réchauffe au même feu

Thé de fortune gruau épais

Nos pieds rendus à leur nudité (…) (p.33)

Les Communards, Michel Winock, Jean-Pierre Azéma (par Vincent Robin)

Ecrit par Vincent Robin , le Jeudi, 06 Janvier 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Seuil, Histoire

Les Communards, Michel Winock, Jean-Pierre Azéma, mars 2021, 224 pages, 8 €

Par tradition, le terme de « Communards » désigne ces citadins qui prirent part à l’insurrection parisienne de 1871. Ce fut ainsi, au lendemain de la sévère défaite napoléonienne de Sedan (le 1er sept. 1870), que cette population urbaine entendit s’opposer vigoureusement, d’abord à l’invasion prussienne, ensuite à l’Assemblée versaillaise conduite par Thiers et préconisant une collaboration avec l’envahisseur. Par recul historique faut-il considérer que ces citadins révoltés furent essentiellement des ouvriers et artisans soutenus par des membres de la petite bourgeoisie parisienne. Forte de la Garde nationale qui se rangea majoritairement à ses côtés, cette importante fraction insurgée, le plus souvent populaire, entendit alors répondre aux menaces qui se profilaient face à elle de deux côtés. Par une réaction armée, par une reconsidération des statuts sociaux courants et par l’affirmation de son autonomie. C’est ainsi, grâce à une charte élaborée par l’assemblée communale élue à la majorité que cette émanation populaire définissait bientôt ses principes d’immunité et de régulation sociale. Au bout de quelques mois cependant, ce mouvement collectif aux aspirations d’indépendance démocratique et de justice sociale allait succomber dans un affreux bain sanglant, généré par l’acharnement et la sévérité militaires de « Français-Versaillais », finalement bien plus compréhensifs et dociles à l’égard de l’occupant germanique.

La Tencin, Femme immorale du 18e siècle, Claire Tencin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 05 Janvier 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Tencin, Femme immorale du 18e siècle, Ardemment éditions, novembre 2020, 209 pages, 14 € . Ecrivain(s): Claire Tencin

 

« C’est à son nez que j’ai vu sa capacité à distinguer le vrai du faux. Ce flair qui distingue les fortes personnalités des plus faibles. La capacité à sentir d’instinct à qui on a affaire ».

« Il se dégage de son regard volatil l’enthousiasme d’un esprit agité et l’appétit d’un être que l’on a affamé de nourritures terrestres ».

Pour raconter la vie virevoltante de Claudine Alexandrine de Tencin, il faut se doter d’un style qu’il l’est tout autant. Pour se glisser dans la peau et les mots de La Tensin, il ne faut pas douter des forces de l’admiration. Premier acte de cette admiration : son identité, Claire Tencin s’est approprié le nom de cette salonnière de haute voltige, volé dans la tombe de l’Histoire où on t’a enfermée arbitrairement comme ton père t’avait enfermée. Nous sommes dans le cœur tremblant du XVIIIe, corps à cœur, où dans les lits et les salons se nouent intrigues, et jeux de pouvoir, la peau s’accorde au verbe, et Alexandrine de Tencin en fait ses Académies. Alexandrine de Tencin y noue des amours, et des amitiés, elle se lie, sans jamais y perdre sa liberté de mouvement, de verbe et de corps.

L’Ivresse de l’eau, Charles Duttine (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mercredi, 05 Janvier 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Editions Douro

L’Ivresse de l’eau, Charles Duttine, éditions Douro, novembre 2021, 112 pages, 18 €

 

Un maître-nageur, drôlement féru de mythologie grecque et de philosophie, promène autour de lui un regard inquisiteur et suspicieux. D’emblée, avec son recours constant aux « nous » et aux « notre », il sollicite le lecteur, dont il se gagne la complicité. À la piscine où il travaille, il ne dissimule rien de son envie de se jeter à l’eau et d’entamer une narration enchaînant des histoires qu’il souhaiterait étranges, surprenantes et mystérieuses. « Avant tous les épisodes étranges que j’ai pu vivre et que je vais tâcher de consigner ici, la piscine municipale était un endroit des plus agréables ».

D’emblée, il fait étalage de ses réflexions bachelardiennes et nous prévient que les eaux sont loin de n’enfanter que de la rêverie poético-romantique. Des dangers peuvent la peupler et, alors, « il faut […] se méfier de leur violence secrète et cachée, ce dont on n’a pas idée ». D’ailleurs, il ne trouve pas anodin qu’on ait donné le nom d’Edgar Poe à la piscine municipale où il est souvent d’astreinte : « …au plus profond de moi, j’avais un vague pressentiment que cette appellation d’un écrivain maudit apporterait, un jour ou l’autre, quelques troubles, et je ne me trompais pas ».