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Les Livres

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 14 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare, Editions Le Bruit du Monde, août 2022, 334 pages, 21 €

 

C’est quelque chose comme un roman à la fois réaliste et merveilleux. L’histoire d’une vie prise dans des circonstances sociales insolubles et une narration faite d’envolées imaginaires par besoin peut-être de « s’échapper » justement de ce réel sans issue. La romancière tisse avec une maîtrise remarquable une intemporalité qui laisse s’épanouir son sujet fondamental. Lequel ? Disons : le duo humain sur Terre – l’homme et la femme. Il est beaucoup question du Coran dans le roman ; de son étude, de son enseignement et de son interprétation. Il est donc permis de voir dans Le Feu du Milieu une intention d’être un texte sur le fondamental, un propos sur le primordial humain. L’imagination riche, la patience narrative, des séquences issues du Livre saint ou des légendes et contes populaires autorisent cette lecture. Le duo humain sur Terre donc. L’homme et la femme. Et les multiples modalités effectives de leur cohabitation éternelle – maître et esclave, père et fille, mère et enfant, riche et pauvre, dominant et dominé, noir et blanc, chasseur et proie, etc.

Ella dans les vagues, Britta Teckentrup (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 14 Octobre 2022. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jeunesse, La Martinière Jeunesse

Ella dans les vagues, Britta Teckentrup, juin 2022, trad. anglais, Elsa Whyte, 32 pages, 13,90 € Edition: La Martinière Jeunesse

 

La petite fille et le cétacé

Cet album jeunesse placé sous un signe aquatique, les bleus et la liquidité, a été entièrement conçu par Britta Teckentrup (illustratrice et auteure de plus d’une soixantaine d’ouvrages, née à Hambourg, ayant étudié au Royal College of Art de Londres). Une immense baleine indigo ondoie sur la couverture recto verso, portant en surface dans une coque de noix éclairée d’un falot, un minuscule personnage. Et nous voici partis avec le sujet principal du récit, Ella, une petite fille, perdue dans les vagues, dans l’espace infini : « Ella navigue seule sur son petit bateau, loin très loin, au cœur de l’océan ». Les pages de garde dorées annoncent ainsi la plénitude.

Tout d’abord, Ella va traverser des eaux teintées de bleu ciel, de vert prairie puis de noir sidéral, ensuite de bleu nuit et de vert olive. Une puissante explosion chromatique surgit en même temps qu’un appel guttural des fonds marins. Un guide miraculeux (une colombe) projette de la lumière à la fillette qui ne le quitte pas des yeux. Les éléments vont se déchaîner, tourbillonner, éclaboussant la frêle embarcation ! Il faudra à Ella trouver en elle confiance et courage.

Sonia Mossé, une reine sans couronne, Gérard Guégan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Sonia Mossé, une reine sans couronne, Gérard Guégan, Editions Le Clos Jouve, septembre 2022, 102 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan

 

« La photo de Sonia que fit Wols le lendemain impressionnera l’ambassadeur du Reich en poste alors à Paris. Il verra en elle, ironie du sort, la parfaite représentation de la beauté germanique et parviendra à convaincre le directeur d’un hebdomadaire berlinois de la publier en bonne place.

Ainsi allait la vie à la veille d’une nouvelle grande tuerie ».

De livre en livre, de héros anonymes en héros invisibles, Gérard Guégan poursuit son roman du siècle passé, celui des surréalistes, des écrivains indomptables, des communistes perdus, des traîtres et des absents, des révoltés curieux, des goûteurs du monde, des amours, des guerres et des révolutions. Après avoir écrit un admirable portrait de Théodore Fraenkel (1), il se glisse à nouveau dans ces temps troublés et troublants, inventifs et terrifiants : les années trente.

L’approche de Delft, De la peinture hollandaise & de Marcel Proust, Daniel Kay (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Jeudi, 13 Octobre 2022. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’approche de Delft, De la peinture hollandaise & de Marcel Proust, Daniel Kay, éditions Isolato, 2011, 71 pages, 14 €

Le livre tout en finesse de Daniel Kay, L’approche de Delft, publié en 2011 par Isolato, se propose, en quatre chapitres particulièrement denses, de tisser des liens entre la peinture hollandaise, dont Vermeer de Delft constitue le parangon, et l’œuvre de Marcel Proust, A la recherche du temps perdu. Il s’agit de mettre au jour la façon dont une œuvre d’art, qu’elle soit picturale ou littéraire, opère une transfiguration allégorique du réel le plus ordinaire. L’idée, très hégélienne au fond, qui sous-tend cette réflexion, est qu’il n’y a pas, en art, de réalisme stricto sensu, à quoi on tend souvent à réduire, à tort, la peinture hollandaise, accusée de prosaïsme bourgeois, comme le croit, par exemple, Eugène Fromentin dans Les maîtres d’autrefois : selon lui, le but des peintres hollandais du XVIIe siècle, qui excellent dans la peinture de genre, c’est-à-dire dans la représentation de la vie quotidienne, est « d’imiter ce qui est, de faire aimer ce qu’on imite, d’exprimer nettement des sensations simples, vives et justes ».

Clara lit Proust, Stéphane Carlier (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 12 Octobre 2022. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard

Clara lit Proust, Stéphane Carlier, Gallimard, Coll. Blanche, septembre 2022, 192 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Stéphane Carlier Edition: Gallimard

 

 

« Proust, avant, ce nom mythique était pour elle comme celui de certaines villes – Capri, Saint-Pétersbourg, où il était entendu qu’elle ne mettrait jamais les pieds ».

Jouissif en diable le petit livre ! On s’émeut, on sourit, on rit – beaucoup, et ma foi, on relit Proust par les yeux ébahis de Clara. Ce genre de livre, et d’histoire un peu culottés, peut faire pschitt une fois le regard détourné vers d’autres centres d’intérêt aussi vite éteints qu’allumés, propres aux rentrées littéraires. Cela aurait peut-être été le cas ailleurs, mais il faut compter avec Stéphane Carlier, son art de raconter, son écriture vivifiante et fort maîtrisée, son respect surtout pour Proust et toutes les Clara du monde.