Identification

Livres décortiqués

Vie de ma voisine, Geneviève Brisac

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 08 Mars 2017. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Vie de ma voisine, janvier 2017, 180 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Geneviève Brisac Edition: Grasset

 

Toute notre vie, nous mettons nos pieds dans ceux de l’Histoire mais, sur le moment, nous ne le réalisons pas. Le jour où nous ouvrons le dernier livre de Geneviève Brisac, Vie de ma voisine, nous sommes saisis par un air de printemps. Une cour, un cerisier, un déménagement (c’est toujours un moment d’inquiétude). Mais qui va être le plus transporté ? la narratrice qui avoue « Je peine à m’enraciner », ou le lecteur qui ne s’attend pas à un tel arrachement à son quotidien, englué qu’il est dans ses habitudes ? Car l’auteur, qui se fait narratrice, va nous obliger, nous aussi, à déménager. En effet, comme dans La Ronde d’Arthur Schnitzler, de relais en relais, de main en main, de cœur en cœur, de nom en nom, nous partons en voyage. La narratrice va nous emporter, à notre corps défendant, dans le temps et dans l’espace pour un sacré périple. A travers l’histoire d’une famille, nous allons retrouver un siècle d’histoire avec ses bonheurs et ses souffrances, ses joies et ses tragédies.

Ecritures de soi, Ecritures du corps, Actes du colloque de Cerisy, sous la direction de Jean-François Chiantaretto et Catherine Matha

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Lundi, 02 Janvier 2017. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, Etudes, La Une Livres, Revues, Hermann

Ecritures de soi, Ecritures du corps, Actes du colloque de Cerisy, sous la direction de Jean-François Chiantaretto et Catherine Matha, 2016, 300 pages, 26 € Edition: Hermann

Le corps et la sensorialité, omniprésentes aujourd’hui à travers les medias (blogs, réseaux sociaux) parfois jusqu’à la surexposition, voilà le propos de ce colloque, du corps somatique au corps érotique, du corps à aimer au corps à détruire. C’est ce dont il est question à travers différents champs, celui de l’écriture, celui de la cure et dans les différentes cultures, avec anthropologues, linguistes, psychologues cliniciens, psychanalystes et écrivains.

Dans la première partie intitulée Ecritures, Jean-François Chiantaretto dans son article « Présence et absence du corps dans l’écriture de soi : Martin Miller contre Alice Miller » y présente le rapport complexe et douloureux entre Alice Miller – dont l’œuvre pourtant témoignait d’une véritable attention portée au corps de l’autre, de l’enfant, à son intime – et son propre fils Martin Miller, lui-même devenu thérapeute, qui vient d’écrire un ouvrage : Du côté de l’enfant, une approche subversive de la souffrance humaine, L’essentiel d’Alice Miller. Martin Miller revendique dans son essai biographique une double légitimité, d’abord comme « enfant maltraité de sa mère », victime muette et observateur de sa mère, puis « auditeur empathique de ses élaborations théoriques ».

Continents à la Dérive, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 16 Décembre 2016. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Actes Sud

Continents à la Dérive, octobre 2016, nouvelle trad. américain Pierre Furlan, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Actes Sud

 

Une nouvelle traduction d’un roman chéri, c’est comme une nouvelle robe sur une femme aimée : l’on se demande ce qu’elle va souligner de sa beauté, ce qu’elle va mettre en valeur de ses charmes, et l’on s’inquiète même un peu avant de l’apercevoir enfin… Ainsi, lorsqu’est annoncé par Actes Sud que Pierre Furlan, par ailleurs préfacier de la traduction précédente de Continents à la Dérive (1985) par Marc Chénetier, a retraduit ce roman, l’amateur de Russell Banks (1940) non anglophone s’attend, avec une légère pointe d’anxiété, à redécouvrir ce roman-clé dans l’œuvre de son auteur.

Afin d’apprécier le travail de traduction, il n’est que de comparer. Pour ce faire, voici la première phrase de l’Envoi de Continents à la Dérive (nous reviendrons plus loin sur cet Envoi, l’un des textes les plus lumineux sur la littérature et son importance essentielle parus ces cinquante dernières années) : « And so ends the story of Robert Raymond Dubois, a decent man, but in all the important ways an ordinary man. One could say a common man ». Dans la version de Chénetier, ça donne ceci : « Ainsi, donc, s’achève l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme respectable mais, à tous autres égards qui vaillent, homme ordinaire ». Dans celle de Furlan, ceci : « Ainsi se termine l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme convenable, mais, dans tous les domaines qui comptent, ordinaire ».

Judas, Amos Oz

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mardi, 13 Décembre 2016. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Israël

Judas, août 2016, trad. hébreu Sylvie Cohen, 352 pages, 21 € . Ecrivain(s): Amos Oz Edition: Gallimard

« Les rêves ne mentent pas…

Le monde est vide.

Les dernières lueurs du soir caressent le sommet des collines.

Cette lumière n’est rien différente de celle que nous avons vue hier et avant-hier.

De même que la brise venue de la mer est exactement semblable à celle qui soufflait la veille au soir.

Le monde entier est vide…

Et il faut toujours laisser les morts ensevelir leurs morts »

 

Le Judas d’Amos Oz est comme rempli d’une nostalgie profonde, entre la frontière des soirs, liberté trempée jusqu’à l’os par la pluie et des no man’s land, reflets du couchant, envoûtant comme un parfum au sommet des collines arides.

Kronos, Witold Gombrowicz

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 08 Décembre 2016. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Essais, La Une Livres, Pays de l'Est, Stock

Kronos, septembre 2016, trad. polonais Malgorzata Smorag-Goldberg (Notes Rita Gombrowicz et la traductrice, Introduction Rita Gombrowicz, Préface Yann Moix), 380 pages, 24 € . Ecrivain(s): Witold Gombrowicz Edition: Stock

 

Le moi-écrivant dans le temps

« Je n’écris rien », W. Gombrowicz

« C’est la vie à l’œuvre », Yann Moix

 

Dieu sait si nous avons aimé, rendu à ses mystères et lumières, à ses apparents paradoxes, à ses provocations légitimées dans une pensée loin portée, l’œuvre romanesque (Ferdydurke, Trans-Atlantique, La Pornographie, Le Mariage, Cosmos) et théâtrale (Yvonne, princesse de Bourgogne) de l’écrivain Witold Gombrowicz, et combien les pages de son Journal, marquées par l’esprit toujours en éveil, soupçonneux des trucages et faux-semblants littéraires, chargées d’observations aiguës, d’analyses inattendues, nous ont retenu. Pour ces raisons, les pages rétro-introspectives qui nous sont données avec ce Kronos, qui ne diminuent en rien notre admiration, nous surprennent cependant. Qu’en retenir ? Qu’y cerner ?