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Livres décortiqués

Cortés et son double, Christian Duverger

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 26 Avril 2013. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Essais, La Une Livres, Biographie, Seuil

Cortés et son double, janvier 2013, 320 pages, 21 € . Ecrivain(s): Christian Duverger Edition: Seuil

 

 

« Et moi, je m’inscris à la suite de ce petit nombre de soldats dont je fais ici mémoire » (1).

L’Espagnol s’exprimant ainsi se proclamait le rapporteur-témoin de trois années de conquête du Mexique poursuivies aux côtés de Cortés vers 1520. Rédigé environ quarante années après ces événements, sous le titre Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle-Espagne, cet instructif et emblématique récit des épisodes coloniaux en Amérique centrale s’agrégea sans tarder au nom de celui qui l’avait paraphé : Bernal Diaz del Castillo. D’autres, qui étudièrent ultérieurement (au XIXe siècle) ces relations de guerre avaient confirmé ladite paternité d’écriture. Dans son Cortès et son double, l’historien, méso-américaniste de renom, Christian Duverger, se penche pourtant aujourd’hui avec une suspicion sévère et minutieuse sur la provenance réelle de ces écrits, assurément toujours considérés comme joyaux de la littérature espagnole, mais dont l’auteur n’aurait pas été, selon lui, celui que cette signature désigna trompeusement.

Séraphin, c'est la fin !, Gabriel Matzneff

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 22 Mars 2013. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Essais, La Une Livres, La Table Ronde

Séraphin, c’est la fin !, février 2013, 268 pages (écrites de 1964 à 2012), 18 € . Ecrivain(s): Gabriel Matzneff Edition: La Table Ronde

 

Une lecture est une aventure personnelle, sinon « à quoi bon ? », Michel Host

 

Je viens de bercer le dernier enfant de Gabriel Matzneff, baptisé Séraphin, c’est la fin ! une citation tirée de L’Aiglon, d’Edmond Rostand ! – Voilà l’homme ! À quelles ignominieuses profondeurs de la vieille France, que d’aucuns disent « moisie », le provocateur ne va-t-il pas chercher tout ça ? Je notai cela, hier, dans mes carnets Faits & Gestes, réservés à mes lecteurs futurs. Et encore ceci, peu ou prou : dans ses pages, Gabriel Matzneff dit et répète a voce alta ce que la plupart pensent mais taisent avec soin. C’est un plaisir que de le lire. Il croit et ne tient pas à ce que tout le monde croie à ce à quoi il croit. Nous pourrions donc nous entendre si nous étions moins sauvage. Il se plaint de n’avoir obtenu aucun prix littéraire sauf, une fois, une insultante aumône de l’Académie française, et d’être soumis à un ostracisme féroce de la part de ces chroniqueurs de la presse littéraire qu’à juste titre il englobe dans la secte des salauds médiatiques. Sa candeur stupéfaite me rafraîchit.

Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus, Bashô

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 29 Mars 2012. , dans Livres décortiqués, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde, Japon

Seigneur ermite, L’intégrale des haïkus, Edition bilingue par Makoto Kemmoku & Dominique Chipot. mars 2012, 480 p. 25 € . Ecrivain(s): Bashô Edition: La Table Ronde

 

Quel bel objet déjà ! Un écrin à la hauteur du contenu, la couverture est  d’un vert qui fait aussitôt penser au jade, ce même vert se retrouve à l’intérieur pour le texte en version japonaise. Ce livre, dédié aux victimes  et sinistrés du grand tremblement de terre du Tōhoku, région que Bashō a visité lors de ses voyages, s’ouvre sur une note concernant la traduction. Elle commence ainsi, ce qui résume bien le propos : Traduire c’est trahir, et expose les difficultés auxquelles ont été confrontés les traducteurs et donc leurs partis-pris.

Ensuite, une introduction aborde en un tour rapide mais instructif l’histoire de la poésie japonaise, suivie d’une biographie détaillée de Bashō, illustrée par quelques haïkus. Indispensable pour la compréhension de son œuvre. Nous entrons alors dans la chair même de l’ouvrage : l’intégrale des haïkus du maître en la matière, souvent précédés par des avant-propos de Bashō lui-même, classés par ordre chronologique.

Le premier est daté de 1663 :

Carnet du soleil, Christian Bobin

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 11 Juin 2011. , dans Livres décortiqués, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Carnet du soleil, Lettres Vives, 2011, 64 p. . Ecrivain(s): Christian Bobin

Alors que Christian Bobin vient de faire paraître Un assassin blanc comme neige chez Gallimard, il est plus que jamais nécessaire de se replonger dans son précédent ouvrage, Carnet du soleil, paru chez un petit éditeur : Lettres Vives.

Avec sa délicatesse, sa ferveur et sa mélodie habituelles et uniques, affinées dans le sens d’une épure livre après livre, Bobin compose une musique de mots pour non pas dire quelque chose de la grâce, mais nous la donner à ressentir. La grâce qui est une grâce de tous les jours et de tous les temps. La grâce que l’on peut expérimenter au plus intime et qui nous est donnée à vivre à chaque inflexion que fait la vie sur le ruisseau du temps, faisant des ricochets qui ont valeur de monde.

La grâce qu’il y a à être nu et sans paroles dans la vie, sans paroles pour pouvoir exprimer cette vie qui nous excède de toutes parts et que l’on ne peut que vivre, que l’on ne peut qu’être.

Et Bobin cherche à dire justement ce qui est sans mots pour être dit, mais sans retirer son caractère ineffable – son silence – à la chose dite, pour qu’elle soit encore vivante dans le langage. Voilà pourquoi son langage aphoristique confine au langage des enfants et des saints. Voilà pourquoi il se tient dans l’entre-deux entre les mots les plus simples que l’on hasarde sur le versant de la mort et le silence heureux de l’enfant qui sait être bientôt face à une surprise.

Nues, Bénédicte Heim

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Dimanche, 05 Juin 2011. , dans Livres décortiqués, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les Contrebandiers

Nues, 2011, 15 euros. . Ecrivain(s): Bénédicte Heim Edition: Les Contrebandiers

Nues. Ce sont bien des femmes, deux très belles femmes, qui le sont, nues, et non les hommes qui les regardent, un peintre, un photographe, qui ne sont que regard, que désir, que déchiffrement du regard et du désir, que volonté de retourner leurs vêtements, et même leur peau, et même leur intériorité la plus absolue, qu’elle soit de l’ordre de la psyché ou de l’organique, à la façon du narrateur de Lolita expliquant que « [s]on seul grief contre la nature était de ne pouvoir retourner Lolita comme un gant et plaquer [s]es lèvres voraces contre sa jeune matrice, son cœur inconnu, son foie nacré, les raisins de mer de ses poumons, ses deux jolis reins ». Et cette mise du désir sur le corps désiré suivant le scalpel et l’acide se passe dans un souffle, d’une seule façon de poser les yeux qui apparaît pourtant comme une caresse. Ces hommes sont des artistes mais avant tout des hommes nourrissant de leur désir d’homme leur œuvre, c’est-à-dire leur désir d’absolu, leur désir d’inscription de l’absolu sur la toile et sur le papier photographique d’abord via le bain révélateur du regard, cherchant à mettre à nu jusqu’à la nudité même de ces deux jeunes femmes afin de faire affleurer ce qui les constitue en propre et qui serait transmutable en art. On l’aura compris : tous ces personnages ne sont qu’un prétexte à faire qu’une parole sur le désir et la vérité du désir ait lieu.