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Livres décortiqués

La loi sauvage, Nathalie Kuperman

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

La loi sauvage, août 2014, 208 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Nathalie Kuperman Edition: Gallimard

 

Un matin d’octobre, une phrase prononcée par une femme à l’encontre de la fille de l’héroïne du roman et narratrice du récit déclenche une bombe à retardement. Votre fille, c’est une catastrophe. Voici ce qu’annonce l’institutrice à la mère, croisée dans la rue un mardi matin. Cette « sentence » va entraîner chez la mère un travail intense d’introspection. Vont se bousculer dans sa tête une foule de réflexions sur ses relations avec sa fille, avec son métier, avec les autres, avec sa vie.  De façon inattendue, ce sera l’occasion d’un retour sur sa propre histoire, sa propre enfance.

La mère, personnage central du roman, veut comprendre et se comprendre. La loi sauvage de Nathalie Kuperman déroule pour le lecteur le récit de cette quête intime et éminemment politique.

On se déplace peu dans ce roman. Pas de longues randonnées sauf intérieures. On arpente la rue qui conduit à l’école, parfois on fait une halte. Café pour se doper, cigarette pour se protéger par un écran de fumée. Terrasse pour reculer le moment de la confrontation avec la sorcière. On pénètre à peine dans la salle de classe, la plupart du temps on l’imagine. Sauf nécessité, la mère et la fille restent enfermées de longues heures dans l’appartement qui leur sert de cocon protecteur.

Orpheline, Marc Pautrel

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 13 Octobre 2014. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Orpheline, octobre 2014, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

Dans le précédent roman de Marc Pautrel, Polaire (Gallimard, collection L’Infini, 2012), il y avait un bref instant par quoi la joie s’imposait, par quoi le narrateur tutoyait, dans son corps entier, des pleurs de joie, une joie pascalienne et enfantine tout à la fois :

« Je continue de croire qu’un jour quelque chose va arriver entre elle et moi. Je sais que c’est écrit. Tous les fleuves coulent vers la mer. Simplement, je ne sais pas quand la chose se passera, peut-être dans un mois, peut-être dans dix ans. Les existences sont animées par des moteurs aux soubresauts étranges et aux développements non prédictibles. Un dimanche d’octobre, vers midi trente, elle m’appelle enfin, elle vient de monter dans le tramway à la gare, elle arrive de Dordogne, elle est descendue du train cinq minutes avant, elle voudrait qu’on se voie. Je suis en train de manger, je lui propose de la rejoindre dans l’après-midi. Elle voudrait plus tôt, elle voudrait maintenant, je lui dis : D’accord, le temps d’arriver. Elle répond : Je t’attends. Je saute de joie, au sens propre, comme chaque fois que je sais que je vais la voir de nouveau : tout seul dans mon salon je fais de petits sauts verticaux, à la façon des Massaï du Kenya, trampoline sur un sol devenu soudain élastique, le corps bien droit, comme une succession d’ascensions fulgurantes et de plus en plus élevées, je saute, je bondis, je chantonne, je ris tout seul. Je suis plus heureux que si je venais de ressusciter d’entre les morts. Mais cette fois-ci, ma joie est encore plus forte que d’habitude, je sais que l’instant que je vis est un instant sacré ».

Péguy en la Pléiade - Œuvres poétiques et dramatiques, Charles Péguy

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 09 Octobre 2014. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La rentrée littéraire, Théâtre, La Pléiade Gallimard

. Ecrivain(s): Charles Péguy Edition: La Pléiade Gallimard

 

Œuvres poétiques et dramatiques, Charles Péguy, nouvelle édition sous la direction de Claire Daudin, avec la collaboration de Pauline Bruley, Jérôme Roger et Romain Vaissermann, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, n°60, 18 septembre 2014, 1888 pages

 

« La postérité retient parfois de Péguy l’efficacité du polémiste, le prophétisme du philosophe de l’Histoire, le moraliste aigu, l’anarchiste irréductible ou le socialiste humaniste et, d’une manière peu discutée, le patriote martyr. Mais le poète, le connaît-on vraiment ? », s’interrogent les éditeurs.

L’on aurait envie d’ajouter ici : peut-on seulement le connaître ? En effet, Péguy se tient tout entier reclus (reclus pour être découvert) dans ses contrastes, dans la façon qu’il a de prendre la fuite face à la saisie que l’on pourrait opérer – saisie sans cesse recommencée – et du sens et de la musique que ses longues pièces jettent à la vue et à l’oreille. En effet, ses « Dialogues ne sont pas des dialogues, ses Notes n’ont rien de superfétatoire, ses Mystères gardent leur mystère, ses Ballades nous égarent, et nul ne sait vraiment ce que sont ses Tapisseries… »

Flaubert, Oeuvres complètes II et III en la Pléiade

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 08 Octobre 2014. , dans Livres décortiqués, Les Livres, La Une Livres, La Pléiade Gallimard

Oeuvres complètes Flaubert Tome II. La Pléiade . Ecrivain(s): Gustave Flaubert Edition: La Pléiade Gallimard

Gustave Flaubert, Œuvres complètes, II, 1845-1851, édition publiée sous la direction de Claudine Gothot-Mersch, avec pour ce volume la collaboration de Stéphanie Dord-Crouslé, Yvan Leclerc, Guy Sagnes…, Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 2013, 1 vol. (XVIII-1658 p.), 72 €, et Gustave Flaubert, Œuvres complètes, III, 1851-1862, édition publiée sous la direction de Claudine Gothot-Mersch, avec pour ce volume la collaboration de Jeanne Bem, Yvan Leclerc, Guy Sagnes…, Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 2013, 1 vol. (XVII-1332 p.), 67 €

 

Flaubert s’attachait à faire en sorte que « les phrases so[ie]nt des aventures », ainsi qu’il l’écrit à Madame Schlésinger, en janvier 1857.

Faire en sorte que les phrases soient des aventures, c’est permettre qu’elles soient, comme le résume Hédi Kaddour dans Les pierres qui montent, notes et croquis de l’année 2008 (Gallimard, 2010), l’équivalent « de ce qu’on peut ressentir devant un tableau, comme quand Claudel dans L’œil écoute fait remarquer que la réussite d’un tableau, c’est quand on se dit devant lui : “Il va arriver quelque chose” ».

M. Poincaré et la Guerre de 1914, Etudes sur les responsabilités, Gustave Dupin

Ecrit par Vincent Robin , le Mardi, 07 Octobre 2014. , dans Livres décortiqués, Les Livres, La Une Livres, Histoire

M. Poincaré et la Guerre de 1914, Etudes sur les responsabilités, Aviso éditions, 2014, 197 pages, 16 € . Ecrivain(s): Gustave Dupin

 

L’administration d’un sérum de vérité dilué avec le vénéneux liquide des injures reste probablement, à travers l’écriture et sous couvert d’analyse de certains épisodes dramatiques de l’histoire nationale, le pire traitement prodigué. Les slogans lapidaires de Poincaré-la-guerre et de Mitterrand-la-machette résument, sous cette peu orthodoxe manière de doctrine médicale phagocytée par l’anachronisme, l’élucubrant exposé du livre de Gustave Dupin, intitulé M. Poincaré et la guerre de 1914, paru dès 1935, mais dont Aviso réédite aujourd’hui le contenu bientôt discrédité par la longue (trop) et sulfureuse préface de Michel Sitbon.

Ancien trésorier du Réseau Voltaire, le préfacier exalté et obscur dénonciateur des responsabilités du premier conflit mondial, aveuglément imputées au président français de 1914, atteint bientôt des sommets dans la digression, la confusion et la profusion des assertions douteuses doublées de vindicte compulsive.