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Contes de Grimm, Philip Pullman

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 17 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Contes, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Contes de Grimm, octobre 2014, traduit de l’anglais par Jean Esch, images de Shaun Tan, 496 pages, 35 € . Ecrivain(s): Philip Pullman Edition: Gallimard Jeunesse

 

Quel superbe ouvrage, se dit-on aussitôt que l’on a cette « bible » entre les mains, bible par son format et son épaisseur mais aussi par la sensation que l’on tient entre les mains un livre sacré. La beauté des œuvres qui l’illustrent y est pour beaucoup. L’artiste Shaun Tan s’est pour cela inspiré des sculptures de pierre des Inuits et de statuettes en terre de l’art précolombien. Tout art traditionnel sachant insuffler pouvoir et magie à des matériaux à la fois bruts comme la pierre et la terre, et comme le sont les innombrables contes, ici recueillis par les frères Grimm et donc puisés au terreau de l’imaginaire européen, taillés dans le roc de l’imaginaire collectif universel et polis au cours des siècles de mains en mains et de bouche en bouche. Ici on en retrouve cinquante, des plus célèbres aux plus méconnus, dont Philippe Pullman s’est emparé pour les faire passer par sa propre langue, l’Anglais donc, puis retranscrits pour nous en Français par Jean Esch, qui a conservé au plus près les couleurs et le ton particuliers de l’auteur.

Le Secret et autres textes, Junichirô Tanizaki

, le Mardi, 16 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Gallimard, Japon

Le Secret et autres textes, Gallimard, coll. L’imaginaire, octobre 2013, 196 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Junichirô Tanizaki Edition: Gallimard

 

C’est un petit livre comprenant cinq nouvelles que proposent les éditions Gallimard ; mais c’est une excellente introduction à l’œuvre de cet immense écrivain. Les mêmes éditions ont d’ailleurs publié la quasi-totalité de son travail dans la collection de la Pléiade.

Né en 1886 et mort à 79 ans, il est facile de relever, pour le lecteur français, les grandes périodes de l’histoire japonaise que Junichirô Tanizaki a traversées. Il naît vingt ans après le début de l’ère Meiji (1868-1912), période de bouleversements intellectuels, économiques et sociaux dans une nation jusqu’alors fermée à l’influence occidentale. Le Japon ne reste pas étranger à la première guerre mondiale ; après ce premier choc, on connaît son implication dans la seconde, et ce que le pays dut surmonter après sa défaite dans les conditions tragiques que l’on sait.

Junichirô Tanizaki traverse toutes ces crises avec une énergie peu commune et il faut ajouter, avec un talent qui ne connaît jamais de faiblesse.

Laissez parler les pierres, David Machado

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 16 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue portugaise, Roman

Laissez parler les pierres (Deixem falar as pedras, 2011), Ed. de l’Aube, août 2014, traduit du portugais par Vincent Gorce, 320 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): David Machado

 

Valdemar écrit. Il écrit les souvenirs de son grand-père. Valdemar est un adolescent qui supporte mal le lycée et qui est plein de désir envers sa seule amie, Alice, une jeune fille anorexique qui le trouve si cool. Entre un père vaguement présent, plus soucieux d’histoire et de sa collection de pièces, et une mère journaliste dont la carrière justifie bien des absences, l’adolescent va être pris par les souvenirs terribles que son grand-père lui livre entre deux « tele-novelas ».

Aujourd’hui, le grand-père, Nicolau Manuel, se sent bien peu chez lui, occupant le bureau de son fils, ne pouvant plus se déplacer sans fauteuil et devenu sourd il y a des années. Jadis, Nicolau était le chasseur le plus réputé de son village, promis à un mariage avec la délicieuse Graça… mais aux sombres années de la dictature son destin a basculé, accusé de complots, de crimes, d’agitation politique, il va connaître des années durant l’emprisonnement, la torture et l’arbitraire le plus absurde… c’est en tout cas ce qu’il raconte, ce que Valdemar écrit page après page.

La philosophie comme un roman, de Socrate à Arendt, Laurence Hansen-Löve

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 15 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

La philosophie comme un roman, De Socrate à Arendt, avec Laure Becdelièvre et Fabien Lamouche, Presses de l’Université de Laval, septembre 2014, 306 pages, 24 € . Ecrivain(s): Laurence Hansen-Löve

Les ouvrages de vulgarisation philosophique ont envahi ces dernières années les rayons des librairies. Les œuvres des grands penseurs, considérées difficiles d’accès, ont laissé place à une multitude de commentaires, de synthèses, de condensés plus ou moins aboutis, plus ou moins nécessaires. Les commentateurs se commentent parfois eux-mêmes faisant presque oublier l’œuvre première, la vraie, l’unique…

Heureusement, dans cette multitude éditoriale souvent assez fade, certains ouvrages se distinguent par leur originalité, leur fraîcheur, leur audace et donc, leur réussite. La philosophie comme un roman est de ceux-là.

La philosophie, nous rappelle Laurence Hansen-Löve dans son « avant-propos », est une « discussion ininterrompue, une conversation permanente des hérauts de l’esprit en acte », elle est un dialogue accidenté, « un cheminement protéiforme mais “dialectique”, car orienté et unifié par la recherche du sens ». Partant de ce principe, l’auteure a décidé de réunir quinze des plus grands philosophes et de les interroger « comme s’ils étaient nos contemporains ». Sont ainsi convoqués, dans l’ordre chronologique, Socrate, Epicure, Epictète, Descartes, Spinoza, Hume, Rousseau, Kant, Marx, Nietzsche, Freud, Russell et Arendt.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 13 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, octobre 2014, 146 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Tout Modiano, déjà, dans le titre : perdes quartier, et le tu qui s’adresse à un petit enfant, et donc à la mémoire. Entre chien et loup, toujours. Tout Modiano dans ce petit livre, qui contient peut-être tous les autres, sans lasser, sans aucun ressenti de répétition. Rien ou presque, pourtant, de réellement nouveau dans cette lente promenade entre Paris et les forêts proches, à la quête, mine de rien, du fondamental, sous des apparences faussement dilettantes, discrètes et si peu appuyées : un effeuillé, très parfumé, de mémoire disparue. Rien, quoique… plutôt, une fenêtre, encore, sur ce voyage à l’intérieur de soi, et, forcément, pas la même ouverture – pas exactement – que dans ses autres livres : « cette période de sa vie avait fini par apparaître à travers une vitre dépolie. Elle laissait filtrer une vague clarté mais on ne distinguait pas les visages, ni même les silhouettes ».

Une structure « Modianesque » : l’adulte déjà avancé en âge, qui se retourne – une rue, une enseigne de boutique, un nom dans un article ou au téléphone, une silhouette… et, aussitôt, le flot remontant du passé – d’un bout, du moins. Surgissement d’un ailleurs de soi, enfoui, et d’un coup, mis en pleine lumière. Il y a dans les personnages de Modiano, et dans celui-ci, de l’archéologue et sa fine truelle, de ses doutes et de l’infini déroulé de ses hypothèses, aussi.